La femme pasteur Martina Viktorie Kopecká : « Je suis fragile mais ferme »
« Je suis fragile dans mon âme et dans mon corps, mais être fragile ne veut pas dire ne pas être ferme, » dit Martina Viktorie Kopecká dans son livre Zpověď farářky - La confession d’une femme pasteur. Dans ce livre elle répond aux questions du comédien et scénariste Tomáš Novotný et cherche à découvrir et à formuler sincèrement et parfois péniblement la vérité sur le monde, sur la foi et sur elle-même.
Jeter de la lumière dans les recoins sombres
Martina Viktorie Kopecká (1986) est femme pasteur de l’Eglise tchécoslovaque hussite. Depuis dix ans, elle exerce son service pastoral dans une église et une chapelle de Prague, mais elle dépasse dans beaucoup de domaines son rôle de pasteur. Elle est aujourd’hui une personnalité médiatique très présente dans le débat public tchèque, une personnalité qui suscite la curiosité et les sympathies mais aussi la critique et de nombreuses questions qui la concernent personnellement tout en étant également significatives pour l’évolution de la société tchèque. Pour répondre à ces questions, elle a déjà publié deux livres. Dans le premier intitulé Le journal d’une femme pasteur, elle évoque divers aspects du sacerdoce féminin. Dans le second qui est une sorte de confession, elle va plus loin et confronte sa foi et son intimité :
« Je cherchais à amener mes lecteurs à ne pas s’intéresser seulement à moi mais à ce que mon livre soit une espèce de mode d’emploi, pour qu’ils se regardent eux-mêmes. Je voulais démontrer qu’il ne faut pas craindre de jeter la lumière même dans les recoins sombres en nous et où il n’y a que les ténèbres. Dans ces recoins, il y a des questions que nous évitons parce que, souvent, elles sont trop douloureuses et blessantes. Et je voulais dire à mes lecteurs aussi que Dieu nous a créés avec notre fragilité et nos fautes, mais en même temps aussi d’une façon parfaite, unique et originale et c’est ce que nous devons découvrir et admettre parce que c’est ainsi que nous pouvons rendre hommage au Créateur. »
Le courage de dire la vérité
Dans sa vie, Martina Viktorie Kopecká s’est heurtée à de nombreux obstacles mais il semble que l’effort déployé pour surmonter ces embûches lui a toujours donné de nouvelles forces. Après s’être remise d’une grave maladie, elle s’est mise à chercher obstinément sa place dans le monde. Elle a donc non seulement étudié la théologie, mais elle s’est aussi lancée dans des études de psychologie et de pédagogie spéciale. Elle se considère comme une éternelle étudiante et prépare sa thèse de doctorat mais tout cela n’est qu’une partie de ces riches activités qui sont dominées par sa vocation religieuse. Dans tout ce qu’elle fait, elle cherche d’abord la sincérité. Elle veut être sincère avec elle-même, avec ses paroissiens et avec le monde et cela exige beaucoup de courage. Elle a eu donc besoin aussi de beaucoup de courage pour écrire son deuxième livre :
« Au moment où j’ai commencé à douter s’il fallait tout dire, j’ai été prise par la peur et c’était cette peur qui a fini par devenir ma principale force motrice. Si j’ai peur de dire qui je suis, avec qui je vis, comment j’assume les différents aspects de mon pastorat, que ce n’est pas toujours simple, que je suis souvent désorientée et même désespérée et que je cherche péniblement les réponses à certaines questions, il ne faut pas oublier que ce sont les questions et les désarrois qu’éprouve pratiquement chaque individu qui cherche sincèrement à devenir lui-même et à répondre authentiquement aux questions que nous pose la vie. Et cette peur m’a finalement amenée à la décision de faire humblement, dans ce livre, mon coming out. »
Ouvrir l’Eglise à ceux qui viennent inquiets
Dans son livre, Martina Viktorie Kopecká avoue ouvertement qu’elle vit avec une femme qu’elle aime. Elle se rend compte que ce qui est aujourd’hui considéré comme plus ou moins normal dans la société laïque, peut encore choquer dans le milieu religieux et a fortiori, lorsqu’il s’agit d’une femme pasteur. Elle se demande : « Serais-je une autre femme pasteur si je dis la vérité sur ma vie privée ? » Elle se confie donc à ses lecteurs et bien entendu aussi aux supérieurs hiérarchiques de son Eglise et déclare qu’elle ne pourrait pas exercer son pastorat dans le célibat :
« J’aimerais vivre dans un monde où il ne serait pas nécessaire d’expliquer quoi que soit mais après une dizaine d’années de service pastoral, je suis parvenue à un point où je considérerais comme hypocrite de ne pas dire la vérité sur ma vie personnelle. Je voulais non seulement partager ma joie, mais aussi ouvrir l’Eglise à ceux qui viennent inquiets parmi nous et ne savent pas s’ils sont les bienvenus parce qu’ils font partie d’une minorité. J’aimerais offrir de la sécurité et de la dignité à ces gens qui ne devraient pas redouter d’entendre du haut de la chaire qu’ils sont inférieurs aux yeux de Dieu, qu’ils ne sont pas des gens bien. C’est quelque chose qui m’agace toujours indépendamment du fait que cela me concerne personnellement. »
La justice divine
Le droit à l’amour et à la vie privée n’est cependant qu’un des nombreux thèmes soulevés dans le livre de Martina Viktorie Kopecká. Parmi ces questions, il y a la relation des croyants avec Dieu, l’importance et la force de la prière, les effets salutaires de la confession, le secret de la confession et d’autres problèmes qui intéressent les croyants. « Je ne crois pas en un Dieu juge rigoureux mais en un Dieu formateur et pasteur miséricordieux », dit cette femme qui manifeste de la compréhension même pour les gens qui reprochent à Dieu de les avoir abandonnés dans des moments difficiles et qui demandent : « Où était Dieu, quand je le priais de toute mon âme ? » Elle constate que la justice divine est quelque chose qui nous dépasse et que les croyants ne sont pas spécialement immunisés contre le malheur. Personne n’est protégé contre les coups de sort, mais les croyants et les non croyants diffèrent par leurs angles de vue et dans leurs réactions aux épreuves de la vie.
La sœur de ses paroissiens
Dans son livre, Martina Viktorie Kopecká ne cache pas ses faiblesses. Elle parle ouvertement de ses erreurs et de ses échecs et elle manifeste beaucoup de compréhension pour les faiblesses et les échecs des autres. Elle ne cache pas par exemple qu’elle est guettée parfois par le syndrome d’épuisement émotionnel, mais elle s’en sort toujours par la foi et ses riches activités. Elle se considère comme la sœur de ses paroissiens :
« Je suis le même être humain que les gens de l’autre côté de la table de Dieu. Heureusement, l’Eglise tchécoslovaque hussite est libérale, moderne, progressiste dans un certain sens et perçoit le service pastoral comme un dialogue et non pas comme la parole souveraine et hautaine qu’un pasteur jette du haut de sa chaire. Nous le concevons comme un dialogue interhumain, comme un service commun que nous rendons à Dieu. »
Et l’auteure constate dans son livre avec satisfaction par exemple que l’Eglise tchécoslovaque hussite tolère le divorce, mais exige pénitence et réflexion sur les causes de la séparation. Souvent dans le livre, l’auteure manifeste son ouverture et ses affinités avec d’autres religions et ses sympathies pour le mouvement œcuménique. Elue en 2013 membre du comité général du Conseil mondial des Eglises, elle est devenue progressivement une avocate passionnée de la coopération des Eglises et du dialogue entre les religions.
Les délices de la danse
Martina Viktorie Kopecká n’est donc pas une femme pasteur comme les autres. En 2022, elle a surpris ses paroissiens en prenant part au concours de la Télévision tchèque « Danse avec les stars ». Elle écrit dans son livre que c’était pour elle un nouveau challenge qu’elle a décidé de relever. Elle se soumet donc au martyre de leçons de danse éprouvantes et à un entraînement draconien comme celui d’une championne sportive et elle est propulsée jusqu’à la finale du concours. C’est un maillon de la chaîne des défis qu’elle a soulevés au cours de sa vie et qui n’est sans doute pas le dernier. La danse a apporté une nouvelle dimension à sa vie et elle n’entend pas y renoncer. Elle continue donc à danser en public, de temps à autre, avec son partenaire du concours télévisé :
« Nous nous produisons de temps en temps à des bals et des soirées dansantes dans des maisons de la culture et désormais j’enfile ma robe de danse avec beaucoup de plaisir. Il n’y plus de stress, il n’y a que le plaisir du mouvement. Les pieds foulent la terre, mais le visage est tourné vers le ciel. C’est une sensation unique et revigorante. Je pense que si les gens dansaient plus, leurs vies en deviendraient plus heureuses. Il n’est pas important d’être sur son trente-et-un ou en vêtu tout simplement, dans un jardin ou à la maison. Etre couché, assis ou debout est bien, parfois nous avons besoin de nous reposer et d’attendre, mais au moment où nous vient au moins un petit souffle d’énergie, une petite impulsion, une inspiration, n’hésitez pas et mettez-vous à danser même si ce n’était qu’avec vous-même. Vous danseriez d’ailleurs avec un être qui vous est le plus proche. Je suis convaincue que c’est quelque chose de divin. »