La fête nationale du 28 octobre

Le 28 octobre est la Fête nationale de la République tchèque, commémorant, cette année, le 84ème anniversaire de la fondation de la République tchécoslovaque aujourd'hui inexistante. Il y a tout juste 10 ans, le 74ème anniversaire de la Tchécoslovaquie a été le dernier que Tchèques et Slovaques fêtaient ensemble, sachant déjà que la partition de l'Etat commun, deux mois plus tard, allait être incontournable. La Tchécoslovaquie n'existe plus, il y aura bientôt 10 ans. Mais la République tchèque a gardé cette fête pour accentuer sa volonté de renouer avec les idéaux démocratiques sur lesquels cette première république avait été édifiée...

Le drapeau tchèque
La République tchécoslovaque, proclamée le 28 octobre 1918, a été la première formation étatique indépendante des Tchèques et des Slovaques depuis 1526, date de leur annexion à l'Autriche. Un trio d'hommes légendaire reste attaché à cet acte: Tomas Garrigue Masaryk, Edvard Benes et Milan Rastislav Stefanik. L'idée de fonder un Etat est née pratiquement au lendemain du déclenchement du premier conflit mondial. En décembre 1914 est parti en exil le député du parlement autrichien et professeur de l'Université pragoise, Tomas Garrigue Masaryk. C'est lui qui a compris comme premier que la guerre était une occasion de rompre la domination monarchique et d'accomplir le programme de rétablissement de l'Etat indépendant, élargi de notre voisin, la Slovaquie, menacée de magyarisation.

Le combat pour l'indépendance a été mené sur deux champs - de bataille, où les légions formées en Russie, en Italie et en France, combattaient contre l'Autriche, et diplomatique, concentré aux Etats-Unis et en France. C'était à Paris, siège du conseil national, organe suprême de la résistance, fondé ici déjà en 1916, qu'ont été couronnés de succès les efforts de Masaryk: Le Conseil national tchécoslovaque a été reconnu en tant que plate-forme du premier gouvernement indépendant tchécoslovaque. La France a été le premier pays à reconnaître, déjà le 29 juin 1918, le Conseil tchécoslovaque comme organe suprême gérant les intérêts du peuple.

T.G.Masaryk et Eduard Benes
Le 14 octobre 1918, Edvard Benes a pu annoncer officiellement aux gouvernements des Etats de l'Entente que le gouvernement provisoire tchécoslovaque venait d'être établi par un décret du 26 septembre 1918. Le processus de formation de la république a été achevé le 18 octobre 1918, où le gouvernement provisoire adopta la Déclaration dite de Washington. Ce document définissant le prochain cadre constitutionnel de l'Etat, a été le premier acte de l'Etat tchécoslovaque et le premier document par lequel l'indépendance a été proclamée. cette déclaration souligne que l'indépendance est proclamée sur la base de notre droit légitime et historique à un Etat indépendant que nous avons eu depuis le 7e siècle. Notre union, en 1526, avec l'Autriche n'a jamais signifié l'abandon de nos droits légitimes à un Etat autonome. Il y est dit aussi que Tchèques et Slovaques ont le droit d'être unis dans un Etat commun qui existait déjà dans le passé.

Au sein du nouvel Etat tchécoslovaque, les intérêts nationaux des Tchèques ont trouvé leur pleine satisfaction, à l'opposé des intérêts de la Slovaquie. Cette dernière s'est débarrassée de la domination hongroise, sans pourtant atteindre, à ses yeux, une émancipation dont elle rêvait. La politique d'un Etat unitaire, la seule alternative possible au moment de la création de la Tchécoslovaquie, nourrissait des sentiments autonomistes. Ceux-ci ont trouvé leur expression dans la fondation de l'Etat slovaque fascisant dit libre pendant le second conflit mondial. Le problème slovaque est resté irrésolu même après la proclamation de la Fédération tchécoslovaque, le 28 octobre 1968. Ce n'est qu'après 1989, que les sentiments autonomistes artificiellement retenus par le régime totalitaire ont trouvé un libre passage.

La représentation slovaque démocratiquement élue a fait entendre son option et la partie tchèque l'a respectée. Le 1er janvier 1993, les chemins des Tchèques et des Slovaques se sont divisés.

Milan Rastislav Stefanik
L'Etat tchèque a tenu à sauvegarder les symboles de l'Etat déjà inexistant, en signe de fidélité aux idéaux de la démocratie et de l'humanité adoptés en 1918. Il a gardé non seulement cette fête, mais aussi le drapeau et l'hymne, pour témoigner qu'il ne pense aucunement contester les valeurs et les traditions démocratiques pour lesquelles trop de Tchèques ont sacrifié leurs vies et beaucoup trop d'autres défendaient ces idéaux dans la deuxième moitié du XXème siècle. Il est dit dans le préambule de la constitution tchèque que les citoyens sont fidèles aux bonnes traditions des pays de la Couronne de Bohême ainsi qu'aux idéaux de la première république fondée le 28 octobre 1918.

La première république de Masaryk, jusqu'à l'abdication de ce dernier, en 1935, est considérée comme la plus heureuse dans toute l'histoire de la Tchécoslovaquie. Ont suivi la Deuxième Guerre mondiale et le putsch communiste de 1948. Pour faire oublier le legs démocratique de Masaryk, le régime communiste a fait de la fête du 28 octobre la Journée de nationalisation du patrimoine. Après une courte réhabilitation du sens de cette date, en 1968, sa véritable valeur devait à nouveau tomber dans l'oubli.

En 1988, le 28 octobre a amené dans les rues de Prague des opposants au régime. Un an plus tard, le 28 octobre a été un prélude direct de la révolution démocratique de novembre 1989.