La Fiancée vendue au XXIe siècle

La Fiancée vendue, photo: Frantisek Ortmann

Il n'est pas facile de mettre en scène le monument national qu'est l'opéra la Fiancée vendue de Bedrich Smetana. Une nouvelle production de cet opéra a été présentée, ce vendredi, au Théâtre national de Prague.

Symbole de la culture tchèque, La Fiancée vendue est devenu aussi un symbole de l'indépendance nationale et la fierté des Tchèques. Aujourd'hui cependant, modernité oblige, on n'ose plus la présenter comme un gentil divertissement situé à la campagne tchèque au milieu du XIXe siècle. Cependant, si l'on veut réussir une nouvelle mise à jour de cette histoire d'un villageois qui a réussi à vendre sa fiancée à lui-même, on doit faire preuve d'une grande sensibilité pour ne pas briser le charme de ce chef d'oeuvre. Le metteur en scène Jiri Nekvasil et le scénographe Daniel Dvorak ont tenté un tel dépoussiérage. Jiri Nekvasil: "Notre mise en scène cherche à souligner la théâtralité des situations de cet opéra. Nous ne présentons pas la Fiancée vendue comme une histoire réaliste. Nous utilisons la fantaisie théâtrale, la comédie, la stylisation grotesque pour dire à propos de la trame de cet opéra des choses qui sont souvent assez mordantes et acérées. Grâce au rire nous pouvons toucher les aspects plus profonds de l'histoire, dont le marchandage avec les sorts humains, l'indifférence, ou une certaine opiniâtreté qui se manifeste dans les rapports entre les hommes."

Le metteur en scène a ajouté donc à l'opéra des éléments qui auraient été inimaginables au temps de Smetana. Il n'arrête pas de perturber l'idylle champêtre par des trouvailles scéniques, des clins d'oeil adressés aux spectateurs et des petits détails humoristiques ou choquants. Un exemple: sur la scène il réserve un rôle important à un groupe des Sokol, membres du mouvement gymnique tchèque éponyme, fondé au XIXe siècle. Les Sokol évoluent derrière les chanteurs, font des exercices et relativisent ou rendent carrément ridicule se qui se passe sur la scène. La logique des situations et la tension dramatique sont perturbées et l'opéra se décompose en une série de numéros de cabaret.

Ce n'est que grâce à la musique géniale de Smetana que l'histoire d'amour imaginée par l'auteur du livret Karel Sabina n'en sort pas réduite à une caricature. Maria Hahn dans le rôle titre et Tomas Cerny qui campe son fiancé chantent avec sentiment et brio sans atteindre le niveau de leurs grands prédécesseurs dans ces rôles, Gabriela Benackova et Peter Dvorsky notamment. Le chef Oliver Dohnanyi qui dirige l'orchestre du Théâtre national met l'accent sur l'énergie et les rythmes endiablés de la musique de Smetana en sacrifiant parfois la plasticité de la partition.

Le public de la première du vendredi dernier a remercié les chanteurs par des applaudissements et a hué le metteur et scène et le scénographe. Une partie des spectateurs a apprécié cependant cette façon de dépoussiérer le vieux chef d'oeuvre. Parmi eux, notre jeune collaboratrice, Nathalie Frank, étudiante en Sciences sociales à l'Université Charles:

"Je n'ai jamais vu un opéra de Smetana et je ne connaissais pas non plus l'histoire de la Fiancée vendue avant d'y aller et donc, en total débutante, cela m'a énormément plu. J'ai beaucoup aimé la mise en scène qui était faite, à mon avis, d'une façon énormément créative. J'ai trouvé cela très agréable à regarder."

Est-ce que tu a compris l'histoire de l'opéra?

"J'ai compris le sens général, mais je ne sais pas si cette histoire a une signification symbolique. Je l'ai compris donc comme un enfant qui comprend une histoire qu'on lui raconte, mais je n'ai pas vraiment compris s'il y avait un sens derrière cette histoire. Cela non."