La franc-maçonnerie tchèque souffle ses 15 bougies
Cette année, le 17 novembre n'était pas uniquement un jour férié célébrant la lutte pour la liberté et la démocratie. Plus discrètement et à côté des célébrations officielles, les franc-maçons tchèques fêtent les 15 ans de la recréation de leurs loges dans le pays. Une occasion de se pencher sur ce monde qui, souvent, intrigue par le mystère qui s'en dégage. De nombreuses grandes figures de l'histoire tchèque ont adhéré à ce club très fermé qui rassemble des hommes - et parfois des femmes - en quête de réflexion et de partage de pensées. Aujourd'hui, nous vous proposons un petit rappel historique, un avant-goût d'un entretien réalisé avec successivement, Marc Verdier, trésorier de la Grande Loge de la République tchèque, membre de la Loge francophonne Alfons Mucha et Petr Jirounek, grand maître de la Grande Loge de la République tchèque :
« Avant la création de la première loge, la première réunion maçonnique a eu lieu en 1740, parce que Prague était occupée par les armées françaises et les militaires français franc-maçons tenaient leur réunion maçonnique là où ils se trouvaient. Il y a donc eu une ou plusieurs réunions maçonniques en 1740, sans qu'une loge n'ait été constituée »
« Peut-être que cette réunion dont on vient de parler a donné l'impulsion pour créer cette première loge en 1741, une année plus tard. Je pense que c'est tout-à-fait possible. En tout cas, ce que l'on sait, c'est qu'il y a eu cette lettre qui a été envoyée à une loge-soeur à Regensburg (Ratisbonne) par une loge pragoise, dans laquelle ils informaient leurs frères allemands de la célébration du 50ème anniversaire de la création de leur loge. Cette lettre date de 1791, donc cinquante ans plus tôt, on tombe aux alentours de 1741. Ensuite, lors de la Révolution de 1789, les franc-maçons ont été accusés à tort d'en être à l'origine. L'empereur François II a supprimé l'ordre dans tout l'empire autrichien. Cette interdiction ne sera levée qu'en 1918, lors de la création de la République tchécoslovaque. A ce moment-là, plusieurs loges ont été créées, dont certaines sous l'influence du Grand orient italien ou sous l'influence des Français, et petit à petit, des loges purement tchèques se sont constituées, avec à côté, des loges purement allemandes. Il faut dire qu'à cette époque les frères tchèques allaient volontiers voir les travaux des loges allemandes. Il n'y avait pas de problème nationaliste. Avec la fin de l'empire austro-hongrois encore fraîche, on pouvait s'attendre à ce que les Tchèques n'aient que peu de sympathie pour les loges allemandes, mais en tant que franc-maçons, ils étaient tous frères. Ce développement de la franc-maçonnerie a duré jusqu'à l'arrivée des Allemands. Jusqu'à l'occupation allemande, il y avait environ 3 500 franc-maçons en Tchécoslovaquie, dont la moitié étaient des loges tchèques et l'autre moitié des loges allemandes. Ensuite ces loges ont été mises en sommeil. Le travail maçonnique a repris après la guerre pour une période assez courte puisqu'en 1948 les communistes ont pris le pouvoir. Les franc-maçons ont pensé et cru qu'ils pourraient quand même continuer. En 1951, ils se sont en fait rendus compte qu'ils étaient infiltrés par des agents communistes et ont donc décidé de fermer les loges. Quelques frères, avec beaucoup d'intelligence, en ont profité à ce moment-là pour en initier de nouveaux. On ne savait pas si cela allait durer longtemps, mais cela faisait ainsi une bonne base de franc-maçons... Après 40 ans, sur tous ces franc-maçons, il en restait 28 et la moyenne d'âge était, je crois, entre 80 et 95 ans ! »
Un socle néanmoins assez solide pour reconstituer la franc-maçonnerie, une fois la liberté retrouvée, après la Révolution de velours.
Pour en savoir plus, retrouvez cette rencontre au complet dans le prochain numéro de « La République tchèque quotidien ».