La Galerie nationale fête les 90 ans de sa collection d’art français

'Bonjour Monsieur Gaguin', photo: Galerie nationale de Prague

C’est avec une série de conférences et visites guidées sur les trois prochains mois que la Galerie nationale de Prague fête cette année le 90e anniversaire de sa collection d’art français. Radio Prague a interrogé la commissaire de l’exposition Olga Uhrová, qui a rappelé la genèse et l’importance de cette collection.

Galerie nationale de Prague
En 1923, l’Etat tchécoslovaque commence à acheter un vaste ensemble de peintures, de sculptures, de dessins et de parchemins, qui font désormais partie d’une des plus importantes collections d’art français. Ce dimanche 24 novembre, une première conférence, qui se tiendra à la Galerie nationale dans le quartier de Holešovice, sera présentée par la commissaire de l’exposition, Olga Uhrová. L’idée d’établir une collection de peintures françaises remonte à la période qui a suivi la création de l’Etat tchécoslovaque, comme nous l’explique Olga Uhrová :

« Le penchant de l’environnement tchèque pour la culture française est palpable à partir du XIXe siècle, et certainement même plutôt. Dans tous les cas, le transfert des œuvres d’artistes français a été assuré par l’Association des artistes plasticiens de Mánes siégeant à Prague (Spolek výtvarných umělců Mánes). C’est bien elle qui a eu le mérite de présenter plusieurs expositions-clés. La toute première exposition à l’étranger des œuvres d’Auguste Rodin a eu lieu à Prague en 1902 et a fortement influencé le milieu tchèque. »

Cette exposition est d’une grande importance pour l’époque et marque un tournant dans la présentation et la perception de l’art français. Olga Uhrová poursuit :

'Bonjour Monsieur Gaguin',  photo: Galerie nationale de Prague
« Par la suite, en 1907, une nouvelle exposition d’art français a été organisée. Et en 1910, une exposition d’artistes indépendants a été présentée au public tchèque, et ce toujours grâce à l’Association Mánes. Et c’est donc en 1923, grâce à la participation de plusieurs historiens d’art et surtout grâce à l’indulgence manifestée par le jeune Etat tchécoslovaque, qui avait réservé à cette occasion une grande somme d’argent, qu’une exposition importante d’art français a été organisée, sous le patronage du président Tomáš Garrigue Masaryk. »

Si la collection compte neuf peintures à sa genèse, elle sera complétée par d’autres œuvres en novembre 1923, date à laquelle un comité tchèque composé de plusieurs historiens et collectionneurs d’art, comme Václav Vilém Štech, Vincenc Kramář ou Otakar Novotný, se rend à Paris pour choisir d’autres tableaux. Cela marquera le début de la formation de la collection. Parmi les premières œuvres acquises, comptons celles des peintres Pierre Bonnard, Marc Chagall ou Maurice Utrillo. L’acquisition de nouvelles œuvres se poursuit jusqu’en 1938, date à laquelle est acheté le tableau de Paul Gauguin « Bonjour Monsieur Gaguin » (1889). Après la Seconde Guerre mondiale, les acquisitions cessent légèrement, mais d’autres œuvres, dont notamment des œuvres cubistes, rejoignent la collection dans les années 1960, et ce notamment grâce à l’illustre collection cubiste de Vincenc Kramář. Olga Uhrová révèle ce qui fait l’exceptionnalité de cette collection :

« Il ne s’agit pas uniquement d’une sélection de noms célèbres, mais d’une volonté de réaliser un concept. A l’époque, les fondateurs souhaitaient créer un ensemble qui réunirait à la fois les œuvres de Delacroix, peintre majeur du romantisme, les œuvres des peintres paysagistes français, les œuvres des personnalités qui ont ouvert la porte à l’art moderne, tels que Cézanne, Paul Gauguin ou van Gogh, ainsi que les œuvres de Picasso, de Georges Braque ou celles d’artistes issus du cercle appelé à l’époque l’Ecole de Paris. Lorsque vous parcourez la collection, vous pouvez observer de quelle façon l’expression artistique et la sculpture se sont métamorphosées. Et c’est ce qui fait l’exceptionnalité de cette si précieuse collection. »

En 1957, la collection est transférée au palais Sternberg à Prague, et ce n’est qu’en 1995 qu’elle intègre le bâtiment rénové de la Galerie nationale. La dernière acquisition, un tableau intitulé « Bateau sur la Seine » (1901) de Paul Signac, a eu lieu en 2009. Si la collection rassemble actuellement près de 140 peintures d’artistes français, il ne s’agit pas d’une « collection morte » dans la mesure où la Galerie nationale est en contact permanent avec d’autres musées du monde entier. La Galerie nationale a récemment prêté deux natures mortes de Georges Braque datant des années 1920 dans le cadre d’une rétrospective consacrée au peintre au Grand Palais à Paris. Une autre œuvre, celle du peintre franco-néerlandais Kees Van Dongen, se trouve actuellement au palais Albertina à Vienne, en Autriche, et au printemps dernier, un autoportrait de Pablo Picasso a été prêté au musée Picasso, qui organise également une rétrospective de l’artiste à Barcelone. La collection représente ainsi une source de travail non négligeable pour tout chercheur, historien de l’art et restaurateur. Les visiteurs peuvent ainsi admirer les fruits artistiques d’Edgar Degas, de Claude Monet, d’André Derain, d’Henri Laurens, de Camille Corot, l’autoportrait du Douanier Rousseau, ainsi que certaines œuvres d’artistes français contemporains, et ce du mardi au dimanche, dans le quartier pragois de Holešovice.