La guerre en Ukraine s'invite au programme de la Conférence sur la sécurité spatiale à Prague
La guerre de Poutine en Ukraine a également des conséquences dans l’espace, avec le lancement par la Russie de cyberattaques ayant pour but de paralyser l’accès des Ukrainiens aux satellites et de mettre fin à la coopération avec l’Ouest sur la question spatiale. C’est l’un des sujets qui sera abordé à la Conférence sur la sécurité spatiale qui commence ce dimanche 19 juin à Prague. Jana Robinson fait partie des organisateurs de l’Institut d’étude de sécurité de Prague :
« Les domaines auxquels notre Institut se consacre le plus en termes de sécurité spatiale sont principalement les menaces réelles et actives. C’est-à-dire le nombre d’adversaires potentiels, voire de personnes pouvant avoir un comportement irresponsable et qui peuvent perturber, empêcher ou même détruire des biens spatiaux ou des services dérivés. »
Quand vous parlez de menaces réelles et actives, que voulez-vous dire plus précisément ?
« Eh bien, l’éventail de menaces est très large : nous avons par exemple les menaces les plus évidentes, comme les moyens antisatellites cinétiques au sol, et qui sont des missiles pouvant atteindre l’espace et y détruire des satellites. Il existe également des lasers haute puissance ou à micro-ondes, qui peuvent détruire ou aveugler de multiples fonctionnalités des satellites. Enfin nous avons des activités moins importantes, que nous appelons ‘activités de zone grise’ ; pour les désigner, on utilise également l’expression ‘menaces hybrides’. Elles comprennent aussi bien les cyberattaques que le brouillage de liaison satellite. Nous y incluons également les activités économiques et financières qui sont utilisées dans un but de contrôle ou d’influence d’autres Etats. »
La Conférence de la sécurité spatiale qui se tient cette année à Prague est la sixième de ce genre. Quels seront les principaux points à l’ordre du jour ?
« Avec de grands experts en sécurité, des hauts fonctionnaires, des militaires, mais également des représentants de domaines choisis en Europe, aux Etats-Unis et au Japon, nous souhaitons discuter des menaces actuelles pour l’espace, de problèmes tels que la sensibilisation au domaine spatial, de la façon dont nous partageons les données, mais aussi de la façon dont nous pouvons agir avec ces données que nous partageons. Nous aborderons également le thème d’une architecture durable pour la coopération spatiale internationale et un renforcement des mesures dissuasives transsectorielles. Enfin, nous nous demanderons quelles sont les conditions nécessaires pour le maintien d’un leadership spatial international. »
Comment la guerre Russe en Ukraine a affecté ce que vous appelez la « diplomatie spatiale » ?
« Premièrement, c’est l’ampleur trop ambitieuse de l’agression militaire russe. En ce qui concerne l’espace, nous avons été témoins du caractère indispensable des ressources spatiales dans ce conflit et de l’utilisation des outils économiques et financiers par l’Ouest, que cela soit pour les sanctions ou pour des mesures dissuasives. Par exemple, nous avons constaté le brouillage de GPS par les forces russes, et cela même avant l’invasion en novembre 2021. Vous vous souvenez sans doute qu’une technique – ou plutôt une tactique – similaire avait été utilisée en 2014, avant l’invasion de la Crimée. »
« Depuis le début des hostilités en février, nous avons pu observer de multiples et différentes cyberattaques contre les modems satellitaires ViaSat en Ukraine et ailleurs en Europe, ainsi que le brouillage des services de Starlink par la Russie. Ajouté à cela, nous avons constaté les propos plutôt irresponsables et menaçants du directeur du Roscosmos, Dmitri Rogozine. Nous avons également constaté le brusque arrêt de la collaboration spatiale entre Moscou et l’Ouest, parallèlement aux sanctions occidentales contre les entreprises russes. »
« Pour revenir à votre question, je pense que nous sommes témoins des symptômes les plus visibles d’un changement majeur et indésirable dans la diplomatie et la prédictibilité spatiale, ainsi que le commerce mondial et la coopération gouvernementale dans l’espace. »