Droits de l’Homme : les députés tchèques approuvent la Loi Magnitsky
En Tchéquie aussi, il devrait bientôt être également possible d’imposer des sanctions nationales contre des personnes physiques ou morales, étatiques ou non, qui auraient violé les droits de l’Homme dans un contexte international. En outre, ces personnes pourront ne pas nécessairement figurer sur la liste des sanctions de l’Union européenne. Approuvé par le gouvernement en juin sur proposition du ministre des Affaires étrangères Jan Lipavský, cette loi dite Magnitsky a également reçu le feu vert des députés vendredi.
Plus qu’un symbole, un message politique clair à tout pays du monde dont les ressortissants et entreprises se rendraient coupables de violations graves des droits de l’Homme dans un contexte international : en vertu de la loi Magnitsky approuvée par les députés tchèques vendredi, la Tchéquie devrait bientôt bénéficier d’un mécanisme lui permettant de les empêcher d’entrer ou de rester sur son territoire ou de geler leurs actifs. 112 des 130 députés présents vendredi ont soutenu la législation, aucun ne s’y est opposé et seuls les députés du parti d’extrême-droite SPD se sont abstenus, tout comme deux autres députés du parti ANO, Milan Brázdil et Tat’ána Malá. Le projet de loi visant à lutter contre l’impunité de certains individus ou entités doit encore passer l’étape du Sénat, et être paraphé par le président tchèque.
Selon le projet de loi, le gouvernement pourra décider de l’inscription sur cette « liste noire » sur proposition du ministère des Affaires étrangères. Pour le parti Pirate, fer de lance du projet, la loi Magnitsky dans sa version tchèque doit également permettre d’y inscrire les individus et entités ne figurant pas sur la liste de l’Union européenne, comme le précise Michal Šalamoun, ministre en charge de la législation et président du Conseil législatif du gouvernement :
« C’est important parce qu’il arrive que l’Union européenne ne réagisse pas assez rapidement et des personnes dont nous aurions besoin qu’elles se retrouvent sur la liste européenne des sanctions pourront au moins se retrouver sur notre liste. »
La question des ressortissants russes en Tchéquie est particulièrement sensible dans le pays. La liste européenne des sanctions ne contient que le nom d’une poignée d’entrepreneurs russes basés en Tchéquie, alors que selon les estimations d’experts locaux, plus de 12 000 entreprises liées de près ou de loin à la Russie font des affaires dans le pays.
Sur recommandation du Comité des lois constitutionnelles, la Chambre des députés a réduit d’un tiers, soit 30 jours, le délai dont disposera le gouvernement pour revoir une décision d’inscrire telle personne ou telle entité sur la liste des sanctions. Elle a également clarifié la liste des règlements en vertu desquels des actes peuvent être considérés comme punissables en vertu de la loi sur les sanctions. Des amendements proposés par les députés Karel Haas (ODS) et Helena Válková (ANO) visent à garantir que les étrangers ou les entreprises étrangères sont placés sur la liste des sanctions en toute légitimité. Un changement salué par le ministre des Affaires étrangères Jan Lipavský (Pirates), dont le cabinet a rédigé la loi et dont le parti était particulièrement attentif à son adoption :
« Il est tout à fait légitime pour la Tchéquie d’avoir une loi de ce type, pour la diplomatie tchèque, ce sera un mécanisme important qui va nous permettre de signaler des personnes et de s’occuper de cas bien précis. »
Dans sa déclaration de programme, le gouvernement de coalition de Petr Fiala (ODS) envisageait sa loi Magnitsky de protection des droits de l’Homme d’ici la fin de l’année prochaine. Mais l’invasion russe en Ukraine a changé la donne et accéléré la rédaction du projet de loi. D’autres pays de l’Union européenne, la France, les Pays-Bas, la Lettonie et l’Estonie ont des lois similaires.
Le Magnitsky Act, selon son nom anglais, est une loi adoptée par le Congrès des Etats-Unis et le président Obama en novembre-décembre 2012. Ce texte prévoyait à l’origine d’appliquer des sanctions financières et des interdictions de visa contre les fonctionnaires russes suspectés d’être impliqués dans le décès de l’avocat russe Sergueï Magnitsky, symbole de la lutte contre la corruption du système politique, dans une prison de Moscou en 2009. Le 7 décembre 2021, l’Union européenne s’était elle aussi dotée d’un nouvel instrument législatif inspiré par la loi Magnitsky américaine pour sanctionner les violations graves des droits de l’Homme de manière globale.