La joie d'être chrétien, selon Josef Zvěřina

Josef Zvěřina, photo: Svobodat, CC BY 3.0 Unported

Le 3 mai, 100 années se seront écoulées depuis la naissance de Josef Zvěřina : prêtre catholique, théologien, historien d'art, prisonnier politique sous le régime communiste et l'un des premiers signataires de la Charte 77. Une soirée du souvenir a été organisée jeudi dernier au couvent Saint-Gilles à Prague.

Josef Zvěřina,  photo: Svobodat,  CC BY 3.0 Unported
« La joie d'être chrétien » - tel était le titre de la soirée en mémoire de Josef Zvěřina emprunté à l'un de ses textes qui caractérise la personnalité charismatique de cet homme : honnête et ouvert qui avait le don d'être libre en toute circonstance, même en prison. Diplômé de l'Université pontificale du Latran à Rome, Josef Zvěřina ne pouvait exercer son ministère que pendant une courte période avant la guerre. Après le Coup de Prague, il avait été accusé de haute trahison et condamné à 22 ans de réclusion. Le vice-président de l'Académie chrétienne tchèque, Jan Stříbrný, nous raconte son curriculum vitae rempli de périphéties :

« Josef Zvěřina est rentré de Rome où il avait été ordonné prêtre, en 1937. En Bohême, on les appelait les « Romains » – ces hommes d'Eglise qui revenaient de leurs études à Rome avec une érudition de pointe et avec de nouvelles impulsions, prédestinés à un parcours ecclésiastique éminent. Au lieu de cela, Zvěřina est envoyé dans la région des Sudètes agitée par des émeutes. Là, il est témoin de soulèvements des Allemands des Sudètes, ainsi que d'attaques contre des gendarmes tchèques. Après l'annexion des Sudètes, il est envoyé d'abord à Plzeň, puis dans la paroisse Saint-Nicolas de Malá Strana à Prague où l'administration nazie ordonne de créer un centre spirituel pour les unités allemandes. Lors de son service à l'église Saint-Nicolas, Josef Zvěřina est dénoncé à la Gestapo et interné pendant deux années au couvent de Zásmuky. Vers la fin de la guerre, il exerce à nouveau comme prêtre de l'église Saint-Nicolas à Prague, s'engage dans la résistance et soutient l'insurrection praguoise. Lors de la libération de Prague, en mai 1945, il est parmi ceux qui arrachent les inscriptions allemandes et est nommé membre du comité national révolutionnaire. »

Les fresques de la crypte de l'église romane de Tavant,  photo: Manfred Heyde,  CC BY-SA 3.0 Unported
Entre les années 1946-1947, Josef Zvěřina passe un séjour d'études à Paris. Passionné de l'histoire des arts, il y rédige une thèse sur le thème des fresques de la crypte de l'église romane de Tavant...

Après le Coup de Prague en février 1948, les événements prennent une tournure dramatique. Dans le cadre des représailles lancées par le régime communiste contre l'Eglise, Josef Zvěřina est envoyé dans les PTP – abréviation qui signifie Bataillons auxiliaires techniques, en réalité des camps de travaux forcés destinés aux ennemis du régime.

PTP - Bataillons auxiliaires techniques,  photo illustrative
En janvier 1950, il est arrêté et jugé dans un procès contre les membres de la dite Action catholique accusés d'espionnage pour le Vatican :

« C'était le plus grand procès contre les prêtres. Trente personnes ont été condamnées, dont Josef Zveřina à 22 ans de prison ferme. Après avoir été amnistié, en 1965, il n'avait toutefois pas pu exercer ses fonctions de prêtre et avait gagné sa vie en tant qu'ouvrier. En 1968, période du Printemps de Prague, il s'engage dans la vie publique, fonde une revue spirituelle, Via, et enseigne à la faculté théologique. Suite à l'invasion soviétique en août 1968, il se voit retirer son autorisation d'exercer et se consacre depuis, entièrement, au service spirituel clandestin. »

Josef Zvěřina,  photo: ČT
Poursuivi par la StB, Josef Zvěřina se comporte avec prudence et courage à la fois. Durant la période de normalisation instaurée par le régime de Gustav Husák, il organise un enseignement théologique clandestin à travers tout le pays. Dans des appartements privés, il prononce des conférences, forme des étudiants et des religieuses qui se préparent à leur mission. En tant que maître spirituel, il accompagne des personnes des milieux laïques. Préoccupé par les affaires ecclésiastiques ainsi que celles de la société civile, il devient l'un des premiers signataires de la Charte 77. Par une lettre, il invite le cardinal Tomášek, au départ distant de la Charte, à coopérer avec ce mouvement et devient conseiller de cet homme perçu comme un symbole de la résistance spirituelle contre le totalitarisme communiste. On écoute Jan Stříbrný :

Jan Stříbrný,  photo: Académie chrétienne tchèque
« Zvěřina était un homme entièrement engagé dans les affaires civiques, un défenseur des droits de nombreux hommes. A leur défense, il avait adressé plusieurs lettres au président Husák. Outre son engagement au sein de la Charte 77, il était membre du conseil de rédaction du journal samizdat Lidové noviny. Après Václav Malý, c'était un autre représentant de l'Eglise catholique dans la dissidence civique. »

Novembre 1989 marque de nouvelles possibilités et aussi une satisfaction énorme pour Josef Zvěřina. La chute du régime le comble de bonheur. Point étonnant qu'il se présente le 25 novembre devant les plus de 700 000 personnes réunies à une manifestation sur l'esplanade de Letná :

« Chers amis, je suis heureux de vous retrouver ici. En introduction, je voudrais vous assurer que notre emprisonnement et la vie derrière les barreaux n'étaient pas une tragédie. Nous étions fiers de pouvoir apporter un sacrifice à la liberté, à la vérité et à la foi. »

Nommé doyen à titre honorifique de la faculté théologique catholique et élu premier président de l'Académie chrétienne tchèque, Josef Zvěřina aurait pu jouer un rôle clé lors du renouveau de l'Eglise et la société, si sa mort subite n'avait mis fin à cet espoir. Parti en Italie à l'invitation du pape Jean-Paul II, Josef Zvěřina meurt le lendemain de leur rencontre, le 18 août 1990, d'un infarctus, lors d'une baignade en mer.

Photo: Memoria
Outre un livre d'entretiens « La Vie en tant que signe » recueillis par son élève, Marie Rút Křížková, Josef Zvěřina est lui-même l'auteur de plusieurs ouvrages dont « Cinq voies vers la joie », « La résistance de l'esprit », « Lettres aux prêtres » et le plus important d'entre eux : « Théologie d'Agapé » : mot grec utilisé par les chrétiens pour décrire l'amour de Dieu envers les hommes.

Josef Zvěřina est inhumé au cimetière de Vyšehrad. En 2002, la commune de Střítež près de Třebíč où il est né il y a cent ans de cela, le 3 mai 1913, a inauguré un monument en sa mémoire.