La militante rom Elena Gorolová, reconnue pour son combat contre les stérilisations forcées
Comme chaque année depuis cinq ans, la BBC a publié un palmarès des cent femmes de l’année dans le monde. Cette année, une travailleuse sociale tchèque, d’origine rom, Elena Gorolová, fait partie de ce classement des personnalités féminines les plus influentes. La BBC souligne notamment la lutte d’Elena Gorolová contre les stérilisations forcées des femmes rom en Tchéquie.
Mais cette intervention chirurgicale non consentie a continué d’être pratiquée bien après le retour de la démocratie dans le pays, au moins jusqu’en 2001. Aucune statistique précise n’est connue, mais on estime que plusieurs milliers de femmes, d’origine rom, ou bien souffrant d’une maladie mentale, ont ainsi subi une stérilisation forcée.
Cela a été le cas en 1990 pour Elena Gorolová à l’âge de 21 ans :
« A l’époque, je ne savais pas du tout qu’on pouvait donner naissance à un enfant par césarienne et qu’après, il arrivait qu’on soit stérilisée. Une sage-femme est venue me voir. Ma mère lui a demandé comment il était possible qu’ils m’aient fait cela. Elle nous a expliqué que je ne pourrais plus avoir d’enfants, que c’était irréversible. Elle m’en a dit un tout petit peu plus que le médecin qui ne m’avait quasiment rien dit. »
Déjà à l’époque, Elena Gorolová ne se satisfait pas de ces maigres explications, et encore moins du fait de ne pas avoir été consultée sur la question :
« Ensuite, je suis allée avec mon mari porter plainte à l’administration. La femme nous a mis dehors. Elle ne voulait pas parler avec moi, elle refusait d’entendre ce que j’avais à lui dire et elle m’a fichue dehors. »
Pendant les premières années, la famille est durement touchée par cette épreuve. Le couple a certes deux enfants, mais des tensions surgissent comme le raconte Elena Gorolová :
« Il y a eu des moments où j’ai eu des problèmes avec mon mari. Parfois, il lui arrivait de mettre en doute ma parole, il disait que j’avais dû vouloir cette stérilisation. Il me faisait des reproches. Plus tard, j’ai rencontré des femmes qui avaient été abandonnées par leur mari. Ils avaient honte, ils voulaient d’autres enfants. Mon mari, lui, a fini par comprendre et il m’a beaucoup aidée. »Finalement, cette colère, Elena Gorolová va la transformer et l’utiliser pour faire reconnaître son traumatisme et celui de milliers d’autres femmes. En 2005, elle rejoint l’ONG Vzájemné soužití (Vivre ensemble), une association d’Ostrava qui militait afin que l’Etat présente des excuses pour ces stérilisations forcées et verse aux victimes des compensations financières. Elle en devient la porte-parole et commence à voyager dans le monde, à l’ONU ou au Conseil de l’Europe à Strasbourg, pour témoigner publiquement.
En 2009, enfin, le gouvernement de Jan Fišer offre des excuses officielles aux victimes. Mais si de nombreux cas de stérilisations forcées se sont retrouvés devant les tribunaux, la route est encore longue vers une reconnaissance totale de leur calvaire. Elena Gorolová ne perd pas espoir :
« Notre combat désormais, c’est d’obtenir une indemnisation. Pour l’instant, nous n’avons rien eu. Mais il faut dire qu’en dix ans, nos femmes ont accompli un travail immense. Quand je me souviens des débuts, à l’époque, les femmes ne voulaient pas être prises en photo, ni témoigner. Puis, elles ont commencé à parler et elles sont même allées manifester devant l’hôpital d’Ostrava. Si ces femmes ne s’étaient pas prises en main, si elles n’avaient pas travaillé si dur et commencé à témoigner, rien de tout cela n’aurait été connu du grand public. »
Agée aujourd’hui de 49 ans, Elena Gorolová continue de travailler sur des thématiques sociales liées à la communauté rom qui souffre fréquemment de discriminations dans le pays. Elle s’efforce de faire revenir les enfants placés en institution dans leurs familles d’origine et lutte contre la ségrégation des femmes rom dans les maternités tchèques.