Procédure enfin ouverte pour les femmes victimes de stérilisation non consentie

Des centaines de femmes contraintes ou soumises illégalement à la stérilisation au cours des décennies passées peuvent désormais demander une indemnisation, sous la forme d'un versement unique de 300 000 couronnes. En vertu de la loi adoptée l’année dernière, l'État tchèque pourrait verser jusqu'à 120 millions de couronnes aux femmes - en grande majorité d'origine rom - qui ont été stérilisées sans leur consentement éclairé entre juillet 1966 et mars 2012.

Cette compensation - une somme dérisoire en termes monétaires, équivalente à seulement 12 000 Euros - représente une victoire morale pour les victimes, selon les militants, dans la mesure où elle reconnaît une grande injustice, motivée par le racisme.

Elena Gorolová, une femme rom qui a été stérilisée en 1990, après avoir donné naissance à son deuxième fils à l'âge de 21 ans, a qualifié l'adoption de la loi d'indemnisation - après des décennies de lutte - de plus grande victoire en matière de droits de l'Homme depuis 1989.

Elena Gorolová | Photo: Dušan Vágai,  ČRo

« Les femmes seront également indemnisées pour avoir signé, sous la pression des travailleurs sociaux, ce qu'on leur a dit être un consentement à un contraceptif temporaire. Ils ont dit aux femmes qu'elles pourraient encore être enceintes, tout en leur offrant de l'argent pour de la nourriture ou une nouvelle machine à laver.

Les femmes se sont fait opérer en faisant confiance aux médecins, qui leur ont dit qu'elles pourraient avoir d'autres enfants. Ce n'est que plus tard qu'elles ont découvert que la procédure était irréversible. Ces femmes auront droit à une indemnisation si elles ont des documents attestant qu'elles ont été stérilisées. »

Elena Gorolová travaille officiellement sur cette question depuis 2005, lorsqu'elle a rejoint un groupe à but non lucratif appelé Vzájemné soužití (Vivre ensemble), qui exigeait des excuses publiques de l'État tchèque et une indemnisation. Elle est finalement devenue la porte-parole du groupe et a notamment témoigné lors d'une réunion du Conseil de l'Europe à Strasbourg.

Dans de nombreux cas, dit-elle, les femmes roms ont été poussées à signer des formulaires de consentement alors qu'elles étaient encore en train d'accoucher ou qu'elles venaient de subir une césarienne. Certaines ont été menacées de voir leurs prestations sociales supprimées ou leurs enfants plus âgés placés dans des institutions publiques si elles ne signaient pas.

Depuis cette semaine et jusqu’au 1er janvier 2025, ces victimes peuvent demander une indemnisation au ministère de la santé. Selon Elena Gorolová, 300 à 500 femmes pourraient obtenir gain de cause, tout en notant que pour beaucoup d'entre elles, la procédure pourrait s'avérer problématique.

« Ce sera difficile pour les cas les plus anciens. Dans certains hôpitaux, les dossiers sont conservés et archivés pendant 40 ans, mais dans d'autres, seulement pendant 10 ans. Beaucoup auront du mal à retrouver leurs dossiers et craignent de ne pas être indemnisés.

Une commission va enquêter sur chaque cas individuellement. Nous ne savons pas encore comment la commission fonctionnera et qui en fera partie, s'il s'agira de professionnels de la santé ou d'avocats. Mais les femmes doivent recevoir une compensation car elles n'ont pas compris ce qui se passait. »

Par le passé, les victimes de stérilisations illégales avaient peu de possibilités de demander réparation en raison des délais de prescription et de la difficulté d'engager des poursuites.

Selon un rapport du Centre européen des droits des Roms, en 2015, seules trois affaires judiciaires impliquant des femmes tchèques avaient abouti, deux ayant atteint la Cour européenne des droits de l'homme avant d'être réglées à l'amiable et une autre où une indemnisation a été accordée par un tribunal tchèque. Ces affaires concernaient des femmes stérilisées en 1997, 2001 et 2003.

Auteurs: Alexis Rosenzweig , Rena Horvátová , Brian Kenety
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