Stérilisations forcées : la double peine des femmes rom face aux lenteurs des indemnisations
Depuis le début de l’année dernière, des centaines de femmes contraintes ou soumises illégalement à la stérilisation au cours des décennies passées peuvent demander une indemnisation, sous la forme d’un versement unique de 300 000 couronnes, en vertu d’une loi adoptée en 2021. Mais les procédures sont longues et lentes, et à ce jour, seules 275 victimes ont bénéficié de cette indemnisation sur 630 demandes déposées.
Comme souvent pour les victimes d’une injustice, quelle qu’elle soit, c’est le principe de la double peine qui frappe les personnes concernées. Non seulement les femmes rom ayant subi des stérilisations forcées doivent vivre avec les conséquences de cet acte médical irréversible, mais en outre, une fois la législation leur reconnaissant des droits d’indemnisation adoptée, elles doivent subir les lenteurs des procédures. Quand elles ne se voient pas opposer tout simplement une fin de non-recevoir pour n’avoir pas présenté des preuves suffisantes.
Car en effet, en 2021, après des années de lutte associative, une loi a enfin été adoptée ouvrant la voie à une indemnisation – très minimale – de 300 000 couronnes, soit 12 000 euros. Mais bien souvent de nombreux obstacles se dressent sur le chemin des réparations, comme l’expliquait il y a quelques mois, Elena Gorolová, fer de lance de la lutte des femmes rom pour la reconnaissance du préjudice qu’elles ont subi :
« Il y a plusieurs conditions : les femmes doivent pouvoir présenter le dossier médical établissant où elles ont accouché, ensuite remplir le formulaire de demande d’indemnisation et envoyer le tout au ministère de la Santé. Là, une commission traite le cas de chaque femme individuellement. »
Car bien souvent, ces cas de stérilisations forcées de femmes roms sont anciens, même si la pratique est toutefois attestée jusqu’au début des années 2000. A l’origine, elle avait été établie dans les hôpitaux du pays à partir des années 1960 sous le régime communiste. Même le retour de la démocratie et le changement de système politique en 1989 n’avaient pas mis un terme à ce procédé. Si aucune statistique précise n’est connue, on estime que plusieurs milliers de femmes, d’origine rom, ou bien souffrant d’une maladie mentale, ont ainsi subi une stérilisation forcée.
Dès l’an dernier, les associations de défense des victimes avaient souligné que le ministère de la Santé ne reconnaissait que les documents médicaux comme preuve pour l'indemnisation. Pourtant, souvent des décennies après les faits, ces documents sont souvent détruits, perdus ou endommagés, comme le signalait déjà Elena Gorolová :
« Cela s’avère souvent compliqué parce que certains hôpitaux conservent leurs archives quarante ans, d’autres dix ans seulement. Les femmes ont donc du mal à rechercher leurs dossiers et s’inquiètent du fait qu’elles ne puissent même pas bénéficier de l’indemnisation. »
Or, selon les associations, la loi autorise la présentation d’autres documents que médicaux. En février dernier, la Radio tchèque avait mis en lumière le cas de deux femmes stérilisées contre leur gré qui ont finalement obtenu gain de cause auprès du tribunal municipal de Prague après que le ministère a rejeté leur demande d’indemnisation.
En outre, certaines femmes rom font parfois face à des situations compliquées par l’histoire du pays avant la séparation de la Tchécoslovaquie. La chargée gouvernementale pour les affaires de la minorité rom a fait savoir qu’elle envisagerait de contacter son homologue slovaque Ján Hera :
« Je lui demanderai s’il envisage aussi des indemnisations pour les femmes qui vivaient en Slovaquie. Elles vivent maintenant en République tchèque et sont des citoyennes tchèques, mais elles ne peuvent pas demander de compensation parce que la stérilisation a été effectuée en Slovaquie, » a expliqué Lucie Fuková à la Radio tchèque.
En 2009, enfin, le gouvernement de Jan Fišer avait offert des excuses officielles aux femmes victimes de stérilisation forcée. Le Comité gouvernemental contre la torture avait par ailleurs proposé l’introduction d’une indemnisation dès 2006, mais il a fallu attendre une quinzaine d’années pour qu’une loi dans ce sens soit adoptée. La question se pose désormais de savoir combien de temps il faudra encore avant que toutes les demandes d’indemnisation soit honorées.