La moitié des Tchèques ne mangent pas de fruits et légumes quotidiennement
Au pays du knedlík et du porc, on ne mange pas assez de chou. En tout cas, pas assez de fruits et légumes de manière générale, selon l’Institut national de la santé se référant à une étude Eurostat : 48 % des Tchèques ne mangent pas une seule portion de fruits ou de légumes par jour, soit près de la moitié de la population.
Selon les statistiques de l’OCDE (2019), près d’un quart des décès en Tchéquie chaque année sont liés à une mauvaise alimentation, suivis par le tabagisme et la consommation d’alcool : trois facteurs à risques majeurs qui additionnés résultent en la moitié des décès enregistrés annuellement dans le pays. Dans le cas de l’alimentation, pourtant, les conséquences pourraient être aisément évitées : seulement, l’Institut national de la santé déplore qu’un peu moins de 8 % de la population consomme les cinq portions de fruits et légumes recommandées, que la consommation moyenne de sel s’avère trois fois supérieure aux limites sanitaires et, que dans l’ensemble, plus d’un cinquième de la population a des habitudes alimentaires considérées comme étant à risque.
La question du coût des fruits et légumes pour les ménages n’est pas négligeable en Tchéquie où l’inflation est galopante depuis le début de la guerre en Ukraine : le prix des légumes, par exemple, a augmenté de près de 30 % au cours de l’année écoulée, soit la deuxième hausse la plus importante de l’Union européenne. Mais celle des habitudes alimentaires est également non-négligeable dans un pays à la gastronomie traditionnelle plutôt riche et bien éloignée du régime crétois. Eliška Selinger est médecin et experte en nutrition, elle explique :
« Comme c’est toujours le cas avec des sujets complexes, c’est une combinaison de facteurs. Le régime alimentaire tchèque ne comprend traditionnellement pas beaucoup de légumes : la base, c’est de la viande avec des knedlíky (boulettes de pâte, ndlr) ou du riz. Les gens n’apprennent tout simplement pas à cuisiner les légumes correctement ou à les intégrer dans leur régime alimentaire. Souvent, les gens doivent réapprendre à intégrer ces aliments dans leur menu. Comme toujours en matière de santé publique, nous savons très bien que notre environnement détermine nos choix. Un des problèmes en Tchéquie, c’est que les légumes sont chers. Souvent les plats végétariens dans les restaurants et les cantines sont les plus chers de tout le menu, donc il faut pouvoir et vouloir payer plus cher pour en profiter. Et puis, très souvent, ce n’est pas seulement une question de coût : dans certains endroits, il n’y a même pas d’option végétarienne sur le menu. »
En Tchéquie, près des trois quarts de la population sont en surpoids ou souffrent d’obésité, une situation largement liée à une mauvaise alimentation. Les maladies cardiovasculaires sont responsables d’environ 45 % des décès chaque année. En 2019, selon l’OCDE, elles représentaient 42,6 % des décès chez les hommes et 46,5 % chez les femmes. Une mauvaise hygiène de vie, et donc notamment une mauvaise alimentation, peut également conduire à des cancers, et notamment au cancer du côlon. Le taux d’obésité augmente considérablement tous les ans en République tchèque et dépasse déjà 19 %, l’un des chiffres les plus élevés de l’Union européenne.
En outre, la proportion de personnes juste en-dessous du seuil d’obésité augmente également, et notamment chez les enfants et les adolescents, un phénomène qui est une source d’inquiétude chez les médecins qui tirent la sonnette d’alarme depuis plusieurs années. Plus d’un enfant sur cinq, âgé entre 11 et 15 ans, est concerné par un problème soit de surpoids soit d’obésité en République tchèque, selon les chiffres du ministère de la Santé. Et la crise du Covid-19 a renforcé encore ce problème de sédentarité chez les plus jeunes.
Or, comme le notent les experts, les conséquences sur la santé des individus ont des retombées sur toute la société :
« Nous parlons de deux impacts, direct et indirect. Le coût direct, c’est le traitement : si vous êtes malade, le système doit payer les visites médicales, l’hospitalisation, les médicaments et la chirurgie si nécessaire. On estime que l’obésité et les maladies liées à l’obésité représentent 10 % des coûts du secteur de la santé en Tchéquie, ce qui est loin d’être négligeable. Les coûts indirects sont liés à la productivité. Les personnes malades sont moins productives au travail et dans leur vie privée, leur qualité de vie et leur bien-être sont moindres, elles ont besoin d’un plus grand nombre de jours de maladie et elles peuvent même être amenées à prendre leur retraite plus tôt qu’elles ne l’auraient fait autrement. Tous ces coûts indirects se chiffrent donc en dizaines de milliards en République tchèque. Le coût sociétal, tant économique que personnel, est énorme. »
Outre une meilleure éducation à une bonne alimentation, les nutritionnistes souhaitent une approche plus systémique des pouvoir publics sur la question : ils proposent par exemple d’augmenter l’offre de produits plus sains dans les cantines publiques et scolaires, et partout où l’on peut réglementer l’alimentation. Ou encore de jouer sur la fiscalité en taxant davantage les aliments mauvais pour la santé et moins les aliments plus sains.