La Moravie se prépare aux célébrations du bicentenaire de la bataille d'Austerlitz
Le 2 décembre prochain, deux cents ans se seront écoulés depuis la victoire de l'armée française sur les armées autrichienne et russe, dans la plaine morave, près du village d'Austerlitz, de son nom tchèque Slavkov. Une des batailles les plus célèbres de l'histoire, qui s'est déroulée sur le territoire de l'actuelle République tchèque en 1805, alors que les pays tchèques faisaient partie de l'empire austro-hongrois. L'occasion pour la région de se faire un peu de pub...
Le 3 décembre (samedi - pour attirer plus de monde), près de 4 000 soldats volontaires vont converger sur le plateau de Pratzen pour revivre cette bataille d'Austerlitz, l'une des plus grandes victoires stratégiques de Napoléon 1er. Avec 16 000 portions de nourriture, des milliers de litres de boissons, 1,5 tonne de poudre à canon, 200 kg d'explosif pour les effets pyrotechniques, 9 km de barrières mobiles, 15 millions de couronnes de budget et 30 000 spectateurs payants attendus, le projet "Austerlitz 2005" aligne des chiffres impressionnants. Fin novembre, l'agence Euroagentur, responsable de la commercialisation des billets avec Ticketstream estimait que l'intérêt suscité et le nombre de places vendues étaient un succès. Alors Slavkov 2005, un événement commercial ? Le Français Thierry Lentz est le président de la Fondation Napoléon:
« Les ambitions des personnes qui ont organisé ce bicentenaire n'étaient pas a priori essentiellement historiques ; elles ont été un peu économiques. Nous avons rencontré ces personnes à plusieurs reprises mais on a pas réussi à entrer vraiment en communication. Je crois que c'est vraiment une affaire qui a été gérée par les régionaux, et qui a fait l'objet d'une commercialisation régionale. Je trouve que c'est une très bonne idée sur le plan de la conservation des monuments, de l'animation historique. Cela ne se fera qu'une fois, il faut essayer d'en profiter au maximum pour développer le tourisme et essayer de faire des choses autour de l'événement. Aujourd'hui, la commune de Waterloo a quasiment privatisé des centaines d'hectares pour préserver le champ de bataille et le confier à une entreprise privée qui gère l'ensemble, donc il n'y a pas de raison que cela ne se passe pas ailleurs. »
Tous bénévoles, passionnés d'armes, d'art militaire et d'histoire napoléonienne, hussards, dragons et fantassins viendront de toute l'Europe et de Russie, mais aussi des Etats-Unis, du Canada et d'Australie pour le bicentenaire de la bataille des Trois empereurs. Cette année, Napoléon sera joué par... un Américain de Virginie. Mark Schneider se flatte d'avoir le même âge que l'homme au tricorne, et a déclaré à l'AFP se préparer depuis plusieurs semaines "en lisant des bulletins militaires d'époque". La difficulté sera de coordonner les figurants qui n'ont jamais répété ensemble, ne parlent pas la même langue et n'ont pas forcément l'esprit militaire. Les plus motivés s'installeront dans des villages de tentes dispersés sur le champ de bataille. Les autres seront hébergés dans des dortoirs de fortune. Après la distribution de la poudre et des chevaux, "l'inspection des troupes" est prévue le samedi à 8 heures, le "début des manoeuvres" une heure plus tard, sous les yeux, notamment, de la ministre française de la Défense.
Mais au fait, les soldats de l'époque qui étaient originaires de Bohême et de Moravie se sont battus dans une armée vaincue à Austerlitz, alors y a t-il vraiment une raison pour les Tchèques de célébrer cette bataille aujourd'hui ? Petr Horak est professeur à l'Université Masaryk de Brno. Il participait lui aussi au colloque organisé cette semaine par le Cefres autour de la Bataille d'Austerlitz :
« Je pense que les pauvres soldats engagés du côté autrichien se sont tout d'abord considérés comme des Autrichiens, tout simplement comme des soldats de l'empereur. Il faut le dire clairement, les sentiments nationalistes dans le sens connu au XXe siècle n'étaient pas développés à l'époque. Ils étaient donc des perdants. Je crois qu'ils ont vécu cette bataille comme un grand événement dans leur vie, s'ils ont réussi à échapper aux balles et aux baïonnettes. Mais il faut souligner que la République tchèque en tant qu'Etat ne s'est pas décidée à célèbrer cette anniversaire. Les autorités ont reconnu l'importance historique de cette bataille mais, mises à part quelques interventions, ce n'est pas du tout célébré officiellement. »