La République tchèque et la lutte anti-contrefaçon

Richard Holenda, de la direction des douanes de Hradec Kralove, livrait cette semaine quelques chiffres éloquents. En 2005, plus d'un million d'objets contrefaisants ont été saisis par les douanes sur le sol tchèque, soit près de 3500 par jour ! La valeur totale des produits saisis dépasse les 500 millions de couronnes.

En 2004, 36% des biens saisis par les douanes tchèques étaient des CDs, 35% des vêtements, et 19% des DVDs. L'alcool et le tabac représentent également une part croissante du commerce de la contrefaçon. Une importante proportion de ces produits contrefaisants ou piratés est vendue sur les marchés situés aux frontières allemandes et autrichiennes, mais les consommateurs peuvent aussi en voir et en acheter dans les grandes villes, comme à Prague, où existent des marchés quasi-spécialisés dans la contrefaçon. Cependant, le nombre de saisies effectuées par les douanes tchèques est en constante augmentation depuis six ans. Depuis l'année 2000, le taux de croissance annuel moyen du nombre de saisies approche les 90%. L'augmentation de ces saisies montre la fin d'une certaine tolérance vis-à-vis de ce problème.

François Veit est un avocat français du cabinet Gide, Loyrette et Nouel qui travaille depuis quelques années en République tchèque. Radio Prague lui a demandé ce qui à ses yeux était le plus marquant dans l'évolution de la politique de Prague contre la contrefaçon :

« Le plus marquant est que les opérateurs, depuis 2002/2003, font systématiquement valoir leurs droits en matière de propriété intellectuelle, ce qu'ils faisaient avec plus de réticence auparavant parce qu'ils connaissaient mal l'environnement judiciaire ou administratif. On est maintenant dans une tendance différente et depuis l'entrée dans l'UE on est rentré dans un 'jeu' où tout le monde est dans la même cour. C'est à dire qu'à la fois les Tchèques peuvent faire valoir la protection leurs droits en France, ce que notre cabinet fait de plus en plus depuis 2004, et de la même manière, les opérateurs français, anglo-saxons ou autres saisissent systématiquement les tribunaux, l'Inspection tchèque du Commerce ou les Douanes pour faire valoir leurs droits, notamment en matière de contrefaçon. Et on eu l'occasion par exemple d'intervenir dans divers dossiers où certaines sociétés nous demandaient de faire cesser certains troubles et on a obtenu la pleine coopération de l'Inspection du Commerce et autres autorités locales. »

Quand vous parlez de 'troubles', cela peut être par exemple une société française qui s'aperçoit que ses produits sont contrefaits et vendus sur le marché tchèque et qui fait appel à vous ?

« Exactement, et nous en tant qu'avocats on coordonne avec les pouvoirs publics tchèques les actions à mener. La dernière opération a par exemple été menée sur un marché vietnamien à la périphérie de Prague pour le compte d'une société française. Grâce la coopération des autorités tchèques et de la police, on a pu faire cesser un trouble. Il y a quelques années, l'opérateur aurait renoncé par avance à faire valoir ses droits... »

La République tchèque est en même temps une zone de transit et une zone de consommation des biens contrefaisants, dont près de 75% sont fabriqués sur le continent asiatique. Aujourd'hui, les autorités font valoir que l'impact de la contrefaçon est non seulement dommageable au commerce, à la compétitivité et à l'investissement, mais aussi nuisible à la sécurité et à la santé des consommateurs, lorsqu'il s'agit de médicaments ou de pièces détachées de véhicules de transport par exemple.

Depuis 1999, une commission interministérielle coordonne à Prague les actions des Douanes, de l'Inspection du Commerce, de l'Inspection Agroalimentaire et de la police. Un plan national d'action de lutte anti-contrefaçon est en préparation et une législation dans ce sens est discutée en ce moment en deuxième lecture au Parlement tchèque.

Et pour terminer cette émission sur une note positive, rappelons que depuis 2003, les saisies des douanes tchèques de produits textiles, chaussures et accessoires, après suppression des signes distinctifs de contrefaçon évidemment, sont distribuées à des associations humanitaires.