La République tchèque se souvient de Jan Palach
La Journée de la mémoire de Jan Palach, étudiant qui s’est immolé par le feu le 16 janvier 1969 sur la place Venceslas à Prague, a été commémorée à travers tout le pays ce lundi. Cet acte à la fois courageux et désespéré de Jan Palach, qui s’était qualifié de « première torche humaine » dans sa lettre d’adieu et qui est décédé trois jours plus tard, continue de susciter de l’émotion et un profond respect. Celui qui était alors un simple étudiant de philosophie est ainsi devenu un symbole du combat en faveur de la démocratie.
« L’acte de Jan Palach, un acte très courageux, est un élément important de notre histoire. Et nous ne devrions certainement pas l’oublier. Jan Palach protestait contre l’occupation, contre l’absence de liberté, contre la normalisation qui était en train de se mettre en place à l’époque. »
Parmi les personnes qui sont venues lui rendre hommage sur la place Venceslas figuraient notamment les anciens camarades d’études de Palach. A l’exemple de Hana, qui se souvient :
« Jan Palach avait un an de moins que moi. Nous étions à la même faculté. Je me souviens qu’il y a eu un énorme sursaut avec son geste, mais après tout est retombé dans la grisaille. Je me souviens que quelques années après le drame, nous sommes partis faire du ski de fond, et tout d’un coup on voit que quelqu’un avait écrit un 16 janvier dans la neige : « Palach vit ». Je crois que ce sacrifice n’a pas été inutile. »Des rassemblements se sont déroulés un peu partout dans le pays, et en particulier sur le lieu hautement symbolique qu’est le parvis de la Faculté de philosophie de l’Université Charles à Prague, où Jan Palach était étudiant. Eva, qui y est aujourd’hui étudiante, a expliqué sa présence à cette commémoration :
« Je trouve qu’il est extrêmement important que l’on revienne toujours vers cet héritage, ce legs. Et même s’il n’est question que d’une demi-heure par an, ce rassemblement permet de faire réfléchir non seulement les étudiants mais peut-être bien aussi la direction de l’université ou de la faculté. »
Sachant que c’est le Conseil des étudiants qui organise chaque année ce rassemblement, la doyenne de la Faculté de philosophie, Mirjam Friedová, a indiqué pour sa part :« Evidemment, Jan Palach était étudiant, il est l’un d’entre eux. En fin de compte, ce sont les étudiants qui sont notre espoir, notre futur. Je suis donc très contente qu’ils continuent de revendiquer cet héritage, car la voix des étudiants devrait être encore davantage entendue que ma propre voix. »
Des dizaines d’étudiants et des professeurs se sont recueillis ce lundi matin devant le buste de Jan Palach, installé sur le mur extérieur de la Faculté, située sur la place désormais baptisée Jan Palach. Le sculpteur Pavel Karous a voulu rappelé l’histoire de ce moulage :« L’auteur de ce buste, Olbram Zoubek, a réussi à pénétrer de l’extérieur dans le département de pathologie situé à Albertov et qui était encore sous surveillance des agents de l’ancienne police secrète communiste StB. Il a pris le moulage du corps calciné pour en réaliser ce masque mortuaire. »
L’an dernier, le 16 janvier, un nouveau monument commémoratif à la mémoire de l’étudiant immolé a été inauguré sur la pace Jan Palach. Il s’agit d’une œuvre réalisée dans les années 1990, par un architecte américain ayant des origines tchèques, John Hejduk. Il a voulu également rendre hommage à la mère de Jan Palach en baptisant le monument : « La maison du suicidé et la maison de la mère du suicidé » (Dům sebevraha a Dům matky sebevraha).
Mais les Tchèques ont aussi envie de se souvenir de Jan Palach de façon vivante et active. Le programme de « La Semaine de Palach » prévoit différentes conférences, workshops ainsi que la projection du film « Buisson ardent » ce mardi à la Faculté de philosophie. Selon la tradition qui a débuté en 1969, des étudiants ont également entamé une chaîne de grève de la faim lundi, pour honorer la mémoire non seulement de Jan Palach, mais aussi de Jan Zajíc, étudiant qui s’était immolé par le feu le 25 février 1969. Une exposition rappelant les évènements de l’époque a notamment été inaugurée à l’église Saint-Nicolas de la place de la Vieille-Ville à Prague. Précisons enfin que la maison familiale de Jan Palach, située à Všetaty près de la ville de Mělník en Bohême centrale, sera transformée en musée et centre éducatif, qui ouvrira symboliquement ses portes le 21 août 2018, soit 50 ans après le début de l’occupation de la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de Varsovie.