L’adoption de l’euro, plus tout-à-fait une utopie ?

Photo: Commission européenne

Faire bouger les choses, renforcer le débat sur l’euro et fixer une date éventuelle pour son adoption. La réunion de mercredi entre le Premier ministre Bohuslav Sobotka et le président Miloš Zeman s’est achevée sur un élan volontariste en faveur d’une adhésion prochaine de la République tchèque à la zone euro, sans toutefois convaincre tout le monde, et surtout pas les partisans d’un maintien de la couronne.

Photo: Commission européenne
Cela avait été un changement de ton remarqué sur la scène européenne : en accédant au pouvoir en 2013, suite à la première élection présidentielle au suffrage universel, Miloš Zeman avait tenu à se distancer nettement de son prédécesseur Václav Klaus, eurosceptique notoire et revendiqué. D’entrée de jeu, Miloš Zeman s’était prononcé en faveur d’une adhésion prochaine à la zone euro.

Depuis, le chef de l’Etat n’a eu de cesse de marteler la nécessité de fixer une date, en avançant même dans un premier temps l’année 2017. S’il s’agissait là sans doute d’un optimisme mal maîtrisé, cela n’enlève rien au fait que le discours pro-euro à la tête de l’Etat est une évolution notable par rapport au discours officiel des années précédentes.

Pour sa part, le Premier ministre social-démocrate est plus prudent en préférant parler de 2020. Bohuslav Sobotka:

Bohuslav Sobotka,  photo: ČTK
« C’est selon moi, techniquement, la date la plus proche et la plus probable. »

Néanmoins, cette position favorable à l’adoption de l’euro ne fait pas l’unanimité au sein de la coalition gouvernementale. Pour les chrétiens-démocrates, l’évocation d’une date est prématurée à l’heure actuelle, comme le précise Pavel Bělobrádek, chef de file du parti KDU-ČSL :

« Il s’agit là de spéculations. Nous allons voir déjà comment évolue la zone euro en tant que telle. Et puis, il faut aussi voir si nous parvenons à remplir tous les critères de convergence nécessaires à cette adhésion. »

Quant à Andrej Babiš, leader du mouvement ANO, autre parti influent de la coalition gouvernementale, il balaye d’un revers de la main toute idée de débat sur le sujet :

Andrej Babiš,  photo: ČTK
« Pour moi, l’euro n’est pas un sujet à l’ordre du jour. Encore moins à l’heure où les pays de la zone euro ne savent même pas si la Grèce va ou non sortir de la zone ou si elle va réussir à payer ses dettes. »

Les adversaires de l’adoption de l’euro sont légion. L’un de ses opposants les plus emblématiques est la Banque nationale tchèque elle-même qui avance également le problème de la situation incertaine de la zone euro. A contrario, d’aucuns soulignent que le président tchèque dispose d’un atout de poids en la matière : c’est lui en effet qui nomme les membres du conseil de la Banque et il a déjà fait savoir qu’il n’hésiterait pas à y placer des personnes favorables à l’adoption de l’euro. Une façon de faire qui fait grincer des dents dans l’opposition. Miroslav Kalousek, du parti TOP 09 :

« Quand bien même je fais partie de ceux qui souhaitent que la République tchèque adopte l’euro, j’estime que les membres du conseil de la Banque nationale doivent être choisis en fonction de leur érudition et non pas parce qu’ils sourient à monsieur le président en disant : ‘je suis pour l’euro’. »

Pour l’heure, la République tchèque remplit trois des quatre critères de Maastricht : un déficit public inférieur à 3% du PIB, une dette publique de moins de 60% du PIB et la stabilité des prix et des taux d’intérêt. Le dernier critère, pour l’heure, fait défaut : celui de la stabilité du taux de change, l’obligation pour l’Etat membre d’avoir participé au mécanisme de taux de change du système européen sans discontinuer pendant les deux années précédant l’examen de sa situation.

En attendant, le porte-parole de Miloš Zeman a fait savoir qu’une réunion devrait avoir lieu en mai entre le chef de l’Etat, des représentants du gouvernement et de la Banque nationale pour fixer une feuille de route de cette adhésion à la zone euro. Toutefois, si l’humeur est bien plus favorable à l’euro au niveau du pouvoir tchèque qu’il y a quelques années, c’est sans compter un euroscepticisme latent d’une partie de la population. D’après un sondage de 2014 sur le sujet, 47% des Tchèques rejetteraient le principe de la monnaie unique.