Le « beaujolais nouveau tchèque » est arrivé
Comme chaque 11 novembre, jour de la fête des Martin, les premières bouteilles de vin du millésime 2010 ont été ouvertes, jeudi, un peu partout en République tchèque. Dit de la saint Martin en raison de sa mise en vente officielle précisément le jour de la fête, ce vin primeur équivaut, sur le principe, au lancement du Beaujolais nouveau, le troisième jeudi de novembre, en France et dans le reste du monde.
Bien que parfois critiqué pour sa qualité, le beaujolais nouveau, vin primeur le plus connu dans le monde, constitue cependant une référence en termes de marketing pour les producteurs tchèques de vin de la saint Martin, comme l’admet Jiří Mikeš :
« Il sera difficile de faire mieux que le beaujolais, même chez nous. Les producteurs de beaujolais disposent de tout autres moyens que ceux plus modestes des viticulteurs tchèques. Ils ont plus d’argent et du vin en plus grande quantité. Mais ce n’est pas le plus important pour nous. Ce qui importe, c’est de pouvoir le concurrencer chez nous, comme parvient à le faire la marque Kofola avec Pepsi et Coca-Cola, en proposant un produit tchèque de qualité, car les gens préfèrent les bonnes marques locales. »Cette année, 90 viticulteurs (parmi lesquels 87 de Moravie) ont produit 230 sortes de vin, blanc, rosé et rouge. D’ici à Noël, pas moins de 1,7 million de bouteilles devraient être vendues, soit dix fois plus qu’il y a encore seulement cinq ans. Les chiffres le prouvent bien : le vin de la saint Martin est devenu un immense succès commercial. Jiří Mikeš :
« C’est notre réaction à une certaine forme de mondialisation, notamment avec la campagne mondiale ‘Le Beaujolais nouveau est arrivé’. C’est bien que les viticulteurs de Bohême et de Moravie s’efforcent de lutter contre ça. Et il est bien que les amateurs tchèques de vin préfèrent nos vins nationaux. Pour nous, c’est donc un grand jour de fête. »Un grand jour de fête remis au goût du jour il y a quelques années, loin de la tradition originelle, qui date du XVIIIe siècle selon Jaroslav Machovec, directeur du Fonds viticole tchèque :
« Trinquer avec ce vin clair le jour de la saint Martin est une tradition qui remonte à l’époque du règne de l’empereur Joseph II. C’est du moins ce que racontent les anales. Les domestiques chez les fermiers achevaient alors leur service et se mettaient d’accord pour l’année suivante. Et cela était bien entendu l’occasion de faire la fête. On faisait rôtir l’oie de la saint Martin, on préparait les gâteaux de la saint Martin, et dans les régions viticoles il y avait bien sûr aussi du vin, un vin magnifiquement clair, pur, avec lequel on trinquait. »Une tradition qui n’empêchera cependant pas des milliers de Tchèques de trinquer la semaine prochaine aussi avec le beaujolais nouveau, le vin, qu’il soit tchèque, français ou du Nouveau monde, étant une boisson de plus en plus appréciée et à la mode à Prague comme dans le reste du pays.