Le film tchèque Trois noisettes pour Cendrillon fait l’objet d’un remake en Norvège
En République tchèque, difficile d’imaginer les fêtes de Noël sans les contes de fées traditionnels projetés à chaque période de vacances à la Télévision. Le plus célèbre d'entre eux, Trois noisettes pour Cendrillon, rassemble tous les ans petits et grands dans ce rituel immuable. Réalisé par Václav Vorlíček en 1973, la Cendrillon tchèque est loin du cliché de la princesse guimauve. Libuše Šafránková, qui a incarné le rôle principal, a campé une Cendrillon pas farouche pour un sou, un peu garçon manqué et qui tient la dragée haute à son prince. La popularité du film a dépassé les frontières de la Tchécoslovaquie communiste d’alors, et il est également aimé en Allemagne ou en Norvège. C’est d’ailleurs dans ce pays qu’est né un remake, intitulé Tre nøtter til Askepott, avec la célèbre chanteuse norvégienne Astrid Smeplas dans le rôle de Cendrillon. Un des producteurs du film sorti récemment sur les écrans, Frederick Howard, a répondu aux questions de RPI et est revenu sur les raisons du succès du film tchèque en Norvège.
« Je pense que c'est d'abord parce que c'est un film extraordinaire. Il a été projeté en Norvège à une époque où nous n'avions qu'une seule chaîne de télévision. C'était aussi l'un des premiers films pour enfants non américain et tout le monde a vraiment aimé parce qu'il était différent. Voilà qu’on avait une fille forte, coriace, qui osait lancer des boules de neige sur le prince. Il était également plus facile de reconnaître notre propre culture dans ce décor, beaucoup plus que dans les contes de fée de Disney. »
Est-il vrai qu'une année, les téléspectateurs ont été très mécontents lorsque la chaîne de télévision a décidé de ne pas le diffuser ?
« Oui, il y a eu beaucoup de plaintes dans la presse et des lettres écrites au gouvernement. Les gens étaient absolument furieux. Je pense que pour la plupart des Norvégiens, regarder Trois noisettes pour Cendrillon à la télévision le jour de Noël fait justement partie de Noël. C'est l'un des événements les plus importants de chaque Noël que de se réunir en famille et de voir le film. »
C'est quelque chose qu’ont en commun la République tchèque et la Norvège, car c'est la même chose ici.
« Je pense que l'Allemagne, la République tchèque et la Norvège sont les pays qui entretiennent vraiment cette tradition. »
Pourquoi avez-vous décidé de tourner un remake ?
« La raison pour laquelle j'ai voulu le faire est évidemment parce que j'adore l'original. Cependant, il commençait à être un peu daté. L'autre raison est qu'il n'est disponible qu'en langue tchèque. La version qui est diffusée en Norvège a une voix off faite par un seul homme, qui joue tous les personnages. Ce que nous voulions faire, c'était le moderniser tout en gardant l'essence du film d’origine. Je crois qu'après 50 ans, nous avions le droit de refaire une œuvre d'art appréciée. Nous jouons Mozart encore et encore et nous faisons de temps en temps de nouvelles versions des chansons des Beatles, et c'est la même chose dans ce cas de figure. Nous devons nous assurer que l'histoire est racontée d'une manière qui semble contemporaine pour la nouvelle génération. »
En quoi la nouvelle version est-elle différente de l'original ? Quels sont les plus grands changements que vous avez apportés ?
« Je pense que la plupart des changements sont d'ordre esthétique. Nous utilisons également un langage moderne et, bien sûr, l'action se déroule dans des lieux différents. Le film est tourné en Norvège, ce qui n'était pas prévu à l'origine. Nous avions prévu de tourner en République tchèque et en Slovaquie, mais en raison des restrictions de voyage imposées par le Covid-19, nous avons dû déplacer l'ensemble de la production en Norvège. Cela a bien sûr changé une partie de l'esthétique du film, en lui donnant un aspect plus montagneux. L'autre changement majeur est que nous avons ajouté un peu plus d'action à la fin du film. Nous avons également ajouté un nouveau sens à la troisième noisette. Elle est censée être une petite surprise pour le public, quelque chose dont ils peuvent parler. »
Le nouveau film a été tourné avec l'accord de Václav Vorlíček, le réalisateur tchèque. En avez-vous discuté avec lui ?
« Pas moi, personnellement, mais mon collègue producteur, ainsi que le producteur tchèque Pavel Berčík de la société Film Kolektiv, ont eu une réunion avec M. Vorlíček pour discuter du film et nous sommes ensuite restés en contact. Mais cela est surtout passé par Pavel Berčík, qui est le coproducteur tchèque du film. »
Quel a été la réception du film jusqu'à présent ?
« Absolument incroyable. Nous sommes récemment entrés dans le Top 10 des films les plus vus en Norvège, c'est donc un moment historique pour nous. Nous avons également obtenu cinq étoiles dans tous les grands journaux, donc l'accueil a été formidable. Bien sûr, le film est maintenant ralenti par les restrictions anti-Covid. Mais au moins, nous sommes dans le top 10, ce qui est une très bonne place. »
Le film a fait l’objet d’une polémique en République tchèque. Il y aurait eu deux versions, l'une pour les spectateurs étrangers et l'autre pour les spectateurs norvégiens, avec deux hommes qui s’embrassent, une scène qui aurait été coupée dans la version internationale...
« Ce n'est pas vrai. Chaque fois que nous faisons un film, nous faisons peut-être une centaine de versions pendant le montage. Mais lorsque nous avons finalisé le film, il n'y avait qu'une seule version qui a été vendue et envoyée partout. Il s'agit donc d'un malentendu basé sur un premier montage du film avant sa finalisation. Nous avons, avec Bonton Film et Sola Media, qui sont nos agents de vente internationaux, publié une déclaration commune à la presse à ce sujet. »
Pensez-vous que les téléspectateurs tchèques sont prêts à voir deux hommes s’embrasser dans leur conte de fées préféré ?
« Je pense qu'ils devraient l'être ! Nous sommes en 2021, l'amour est libre et il devrait en être ainsi. J'espère aussi que les téléspectateurs tchèques ne seront pas trop choqués par le fait qu'une société norvégienne a fait un remake de cette histoire, mais il a été fait par amour pour la version originale de 1973 ! »