Le musée du verre et de la bijouterie de Jablonec
Direction aujourd'hui le musée du verre et de la bijouterie. Fondé en 1904 à Jablonec nad Nisou dans un bâtiment de style Art nouveau, un style très présent dans cette ville de Bohême du nord, le musée a rouvert en 2004, après une rénovation complète.
« Nos collections comptent plus de douze millions d'objets. Ce sont les deuxièmes plus importantes en République tchèque, après celles du Musée des arts et métiers, UMPRUM, à Prague. L'exposition du verre est unique et exclusive. Nulle part ailleurs, on ne trouve une collection aussi étendue et variée au regard du nombre d’objets et des matériaux utilisés : verre, métal, bois, matière plastique. »
Les collections du musée de Jablonec abritent des raretés dont des bijoux datés de 3000 ans avant J.C., des accessoires vestimentaires, des boutons en verre, ainsi que quelque 16 000 décorations de Noël en verre. Le commissaire Petr Nový nous fait la visite de la première exposition intitulée « Le monde magique de la bijouterie: »
« L'exposition est conçue comme une maison d'exportation, phénomène typique de l'image de Jablonec dans la première moitié du XXe siècle. Le sens de ces maisons était de présenter au client toute la gamme de produits fabriqués. A titre d'illustration, en 1921, Jablonec est le siège de 667 entreprises d'exportations. Dans l'entre-deux-guerres, la ville compte une centaine de maisons d'exportation. Le commerce du verre devient global à Jablonec à partir de la fin du XIXe siècle, lorsqu'on exporte vers l'Océanie, l'Inde, la Chine, le Japon. On peut dire que pendant 300 ans, la bijouterie de Jablonec était un «cauchemar » pour Murano, ainsi que l’est aujourd’hui pour nous la Chine. »Jablonec fait face à la concurrence chinoise et japonaise dès la veille de la Première guerre mondiale. La ville a toutefois su garder sa position parmi les premiers exportateurs mondiaux de bijoux et, ce qui est encore plus important, sa position hégémonique en matière d’exportation de produits semi-ouvrés. C’est ce qu’observe Petr Nový :
« La bijouterie de Jablonec est spécifique par le fait que vous ne trouverez nulle part dans le monde un type de bijouterie qui n'ait pas été fabriqué ou commercialisé à Jablonec. C'est le cas par exemple des perles en cire. Bien que Jablonec n'ait jamais été un grand producteur de ce type de produit, les plus grandes maisons d'exportation de perles cirées se trouvaient ici. Pour cette raison, Jablonec présentait une destination spécifique et le mot Jablonex – nom de l'entreprise de bijouterie aujourd'hui disparue – est resté une notion connue et on continue à vendre des perles portant ce nom. »Jusqu'en 1918, Jablonec compte parmi les dix premières villes sur le territoire de l'actuelle République tchèque : en plus de ses 100 000 habitants, un nombre identique de commerçants y passent chaque année. Selon une pratique répandue jusqu'en 1945, des entreprises étrangères ont des représentants à Jablonec alors que le siège de ces entreprises est à Berlin ou à Paris, comme c'était le cas par exemple des frères Fried. A l'époque, Jablonec est un immense marché international, ainsi que le souligne Petr Nový :
« On pourrait comparer Jablonec à une ville hanséatique. A l'époque, on ne trouvait pas beaucoup de villes en Bohême jouissant d'une aussi bonne réputation et ayant une telle structure socio-économique. A la fin du XIXe siècle, Jablonec reçoit le surnom de Californie autrichienne. Cela caractérise la situation qui règne alors : de même que l'Amérique attire des chercheurs d’or durant la période de la ruée vers l’or, Jablonec attire les hommes désireux de se lancer dans le commerce. »
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'industrie du verre reste active, bien qu'on ne fabrique plus de produits décoratifs, à l'exception d'une multitude de décorations militaires. Petr Nový rappelle quels autres produits en verre sont alors fabriqués à Jablonec :« Ecrans, créneaux, mines anti-personnel, mécanique fine pour les missiles V-2 qui étaient les premiers missiles balistiques opérationnels développés dès 1938 pour la Luftwaffe. »
Jablonec traverse une période de prospérité jusqu'en 1947, quand débutent l'expropriation des biens et la création d'entreprises nationales. Menacée de disparition dans les années 1950, puisque considérée comme inutile, l'industrie de bijouterie de Jablonec retrouve peu à peu sont statut parmi les premiers exportateurs mondiaux. Le bijou fantaisie est de tradition ancienne en Bohême du nord, comme le rappelle notre guide au musée du verre, Petr Nový :
« La bijouterie de Jablonec naît au tournant des XVII-XVIIIe siècles, lorsque les commerçants, pour la plupart juifs, commencent à importer les compositions verrières de Venise à Turnov. Avec ces compositions importées, les tailleurs de pierre locaux fabriquent le doublé de pierre qu'ils livrent ensuite sur les marchés à Nuremberg et ailleurs. Entre les années 1711 et 1715, ils se lancent eux-mêmes dans la fabrication de compositions verrières. C'est dire que la tradition se perpétue depuis 300 ans. Au départ, on fabrique des compositions sans plomb. L'oxyde de plomb qui entre dans la composition dès 1750 rend le verre plus éclatant et plus agréable à couper et à travailler. Cela ouvre une nouvelle ère dans la fabrication de la bijouterie. Très vite, la production se répand en dehors de Turnov. Jablonec devient alors le lieu où les pierres destinées à la fabrication de la bijouterie sont traitées et où les produits semi-ouvrés sont fondus. »C'est donc avec le bijou d'imitation au XVIIIe siècle que les pierres non précieuses s'installent pour de bon. La bijouterie vit un premier âge d'or à l'époque du Baroque, lorsque la demande accrue en pierres précieuses favorise la fabrication de doubles. Au début du XVIIIe siècle, la Bohême du nord devient le premier producteur de différentes variétés de perles : taillées, cirées, fondues, pressées et cintrées.
« Le jardin féérique à la française » tel est l’intitulé de la seconde exposition au musée du verre et de la bijouterie de Jablonec consacrée à l'histoire du verre de Bohême durant sept siècles. L'ambition était de créer l'illusion du jardin de Versailles. A l'entrée, on passe à côté d'une cloche sur laquelle sont gravés deux noms : Georg et Elias Wander, propriétaires de la plus ancienne verrerie à Mšeno, un village dans les monts Jizerské à partir duquel la ville de Jablonec, fondée au XIVe siècle et pratiquement détruite lors des guerres hussites, a été recréée. Au centre de la salle d'exposition, une fontaine en verre est l’objet à l'origine de la conception de l'exposition, ainsi que le raconte Petr Nový :« La fontaine date de 1925 et elle a contribué au succès du pavillon tchécoslovaque à l'Exposition internationale des arts décoratifs à Paris, en 1925, qui a laissé son nom à un style décoratif majeur du XXe siècle : l'Art déco. Répondant entièrement à ce style, la fontaine est un objet exclusif, rare et original. Dessinée par Pavel Janák, la fontaine a été fabriquée par Josef Riedel et taillée dans l'atelier Rabik. »
La coupe taillée de 1612 de Jáchym Šlik, l'un des 27 seigneurs tchèques décapités sur la place de la Vieille-Ville après la défaite à la Montagne blanche, est un exemple d’un objet iconique de cette exposition. Dans les vitrines voisines, nous admirons les bijoux de strass qui doivent leur nom à Joseph Strasser, joaillier parisien et créateur, en 1758, d'un nouveau type de bijou.
La création contemporaine au deuxième étage est représentée par des installations des premiers designers et verriers tchèques : Bořek Šípek, Jaroslava Brychtová, Stanislav Libenský. Nous pouvons y admirer de très près des statuettes de cristal représentant les plus hautes distinctions tchèques: lion tchèque, rossignol d'or, prix Antonín Dvořák. Sept siècles de production du verre de Bohême et trois cents ans de fabrication de bijouterie fantaisie sont à l'honneur du musée de Jablonec qui rend également hommage aux 65 ans d’activité de l'entreprise Preciosa, le premier employeur dans l'industrie du verre réputé notamment pour sa production de lustres en cristal, mais pas seulement:« Au départ, il y a des produits semi-fabriqués, suivent des objets décoratifs en verre, des bijoux, des lustres et on termine avec des produits atypiques comme des objets de dévotion – chapelets de perles enfilées en collier, abat-jour et d'autres spécialités. L'exposition est également accessible dans sa forme virtuelle et aussi en 3D. »
Plus d'infos sur: www.msb-jablonec.cz