Le projet de coalition gouvernementale entre ANO et les sociaux-démocrates a vécu
Il n’y aura probablement pas de gouvernement de coalition entre le parti ANO et les sociaux-démocrates, qui aurait été soutenu par le Parti communiste. En tout cas, à moins d’un nouveau revirement de situation, c’est ce que laissaient à penser les déclarations du leader social-démocrate, jeudi soir, après l’interruption des négociations. Retour sur les développements des dernières quarante-huit heures et sur les perspectives qui s’ouvrent pour le parti ANO, vainqueur des élections législatives d’octobre, mais toujours dans l’incapacité de former un cabinet viable.
Jeudi soir, pourtant, c’est un autre son de cloche qui s’est fait entendre. Alors qu’il n’était plus question de discussions entre négociateurs, mais entre leaders des partis concernés, Jan Hamáček, le chef de file des sociaux-démocrates a annoncé qu’il quittait la table des négociations, son parti n’ayant, entre autres, pas obtenu les portefeuilles ministériels souhaités pas plus que le départ d’Andrej Babiš, leader du parti ANO et actuel Premier ministre démissionnaire, en raison des poursuites judiciaires pour fraude aux subventions européennes dont il fait l’objet :
« Nous avons fait un autre compromis et proposé au Premier ministre que, dans le cas où son affaire finit au tribunal et s’il est condamné en première instance, il s’engage à démissionner de son poste. Cette proposition n’a été suivie d’aucune réaction. Nous avons été plus loin dans le compromis. Mais nous avons demandé des garanties : que le parti social-démocrate obtienne le ministère des Finances pour éviter les conflits d’intérêts, et le ministère de l’Intérieur pour que la police qui enquête sur cette affaire puisse travailler sans aucune crainte ni pressions. Ceci n’a pas non plus été accepté. »
Du côté du parti ANO, on se défend d’être à l’origine de ce fiasco, après plusieurs semaines d’intenses négociations. Andrej Babiš :
« Je pense que notre mouvement a fait montre de beaucoup de flexibilité et de tolérance. Nous avions dix-sept points de programme sur lesquels nous n’étions pas d’accord en entrant en négociations et tous ont été réglés. Nous estimions que quatre ministères pour les sociaux-démocrates correspondaient au résultat des élections. Nous avons fini par en proposer cinq. Je ne sais pas pourquoi on continue de parler de poursuites judiciaires qui sont en cours et dont j’ai déjà dit qu’elles étaient montées de toutes pièces contre ma personne. Nous leur avons proposé un ministère-clé, celui de la Justice, qui justement s’occupe de ce genre choses. »Les réactions de la classe politique n’ont pas tardé à se faire entendre, la plupart des partis dans l’opposition estimant que la responsabilité de l’échec des négociations incombe à Andrej Babiš qui, selon certains, préférerait, à tout prendre, continuer à diriger un gouvernement démissionnaire plutôt que de trouver un accord de coalition.
Seule voix dissonante dans ce chœur de commentaires réprobateurs, celle du parti d’extrême-droite SPD, dont le bon score aux dernières législatives en fait un partenaire gouvernemental potentiel, bien qu’Andrej Babiš ait jusqu’à présent refusé cette éventualité polémique. Une configuration gouvernementale qui, toutefois, ne serait pas pour déplaire au président Miloš Zeman.
Dans ce contexte, quelles sont les options qui se présentent pour la suite des événements ? Stanislav Balík, politologue à la Faculté d’études politiques de l’Université Masaryk à Brno :
« La porte est ouverte à de nouvelles négociations avec le SPD qui a plusieurs fois déclaré qu’il était prêt à soutenir un gouvernement Babiš et à y participer. Jusqu’à présent, Andrej Babiš était réticent à s’appuyer sur ce parti surtout vis-à-vis de l’étranger et de l’Union européenne. Mais aujourd’hui, il est possible que cette réticence tombe et que la possibilité d’un soutien parlementaire, sans forcément de participation au cabinet, soit à l’ordre du jour. Ou alors Andrej Babiš va sortir son plus gros atout : des élections anticipées, mais ça n’est pas forcément aisé puisque le président de la République a clairement fait savoir qu’il n’en était pas question. »
Pas question pour le président Miloš Zeman, mais cette position de principe pourrait être contournée, ne lui laissant pas d’autre choix, si au moins 120 députés sur les 200 que compte la Chambre basse du Parlement décidaient de sa dissolution.