Le Rouet d’or d’Antonín Dvořák : une ballade qui se termine bien

Karel Jaromír Erben, Le Rouet d’or

En 1896, lorsqu’Antonín Dvořák publie ses poèmes symphoniques inspirés du recueil de ballades de l’écrivain Karel Jaromír Erben, il est déjà un compositeur célèbre. Mais le Bouquet du folkloriste Erben inspire plus d’un compositeur tchèque. Outre Dvořák, ses thèmes sont également travaillés par Zdeněk Fibich, Bohuslav Martinů ou Otakar Ostrčil. Antonín Dvořák crée le Rouet d’or, opus 109, dans un style frais et suave, car il s’agit de la seule ballade d’Erben qui se termine bien.

En 1884 déjà, Antonín Dvořák avait composé ses « Chemises de noces » sur les motifs de la ballade éponyme de Karel Jaromír Erben. Douze ans plus tard, après avoir assuré entretemps l’existence économique de sa famille grâce à son activité pédagogique, Antonín Dvořák se lance dans d’autres thèmes évoqués par le folkloriste Erben. Ainsi naît « Le Rouet d’or », une ballade qui relate de la rencontre d’un roi avec Dora, une jeune fille dont le souverain tombe amoureux mais qui se fait assassiner par sa marâtre qui préfère marier sa propre fille au roi. Voici un extrait du début de ce poème pour mieux en resentir l’ambiance :

« Aux abords de la forêt, un domaine agreste. Ho !
Voici que vient le seigneur,
il sort de la forêt sur son fougueux cheval moreau,
les fers sonnent joyeusement,
il va seul, tout seul.
Et devant la cabane, hop ! À terre !
Et à la porte : toc, toc, toc !
Holà, eh ! Ouvrez-moi la porte,
je me suis perdu à la chasse,
donnez-moi de l'eau à boire.
Une jeune fille apparut comme une fleur,
au monde on n'en avait vu d'aussi belle ;
elle apporta de l'eau du puits,
timide s'assit auprès de la quenouille,
elle filait, filait le lin.
Alors le seigneur ne sait ce qu'il veut,
il a oublié sa grand'soif ;
il regarde le fil fin et régulier,
il ne peut détourner les yeux de la jolie fileuse.
Si tu n'as encore accordé ta main,
tu dois être ma femme !
dit-il en attirant la fille à son côté… »

La suite est assez violente, Dora se fait crever les yeux, couper les bras et les jambes, mais, rassurez-vous, tout se termine bien, comme les auditeurs de la ballade peuvent le deviner.