Le « Stabat Mater » d’Antonín Dvořák, poème de la douleur et de l’espoir
C’est pour ce Vendredi Saint que le Théâtre national de Prague a programmé l’oratorio « Stabat Mater » d’Antonín Dvořák, une des œuvres majeures de la musique sacrée qui avait été un des premiers succès internationaux de son auteur. Pour cette production le Théâtre national a réuni un quatuor de solistes renommés dont la soprano Eva Urbanová. La direction du chœur et de l’orchestre du Théâtre national a été confiée au jeune chef canadien Charles Olivieri-Munroe.
Antonín Dvořák a achevé ce chef d’œuvre en 1877, après avoir perdu trois enfants en bas âge. Le célèbre poème latin de Jacopone da Todi qui avait inspiré tant d’autres compositeurs, lui a servi pour exprimer sa douleur mais aussi son espoir de rédemption. Le texte latin évoquant la souffrance de la mère du Christ crucifié, a ouvert les sources profondes de son inspiration et lui a permis d’atteindre au sublime. Le musicologue Guy Erismann remarque que l’image de la « Mater Dolorosa » que nous donne Dvořák est loin d’une glorification éblouissante d’une mère céleste et inaccessible : « Dvořák est un homme du peuple, dit-il, un Tchèque accroché à sa terre dont le regard se porte avant tout sur l’humanité proche et présente. Le poème de Jacopone da Todi peut être facilement ramené à cette dimension simple et bouleversante. Le sujet est avant tout la mère souffrante, la mère du fils de l’homme et non celle du fils de Dieu. » Le succès de « Stabat Mater » a été quasi immédiat, a hissé Antonín Dvořák parmi les plus grands compositeurs de musique sacrée dans le monde et l’a imposé notamment en Grande-Bretagne, pays où sa gloire n’allait plus se démentir.
Au Théâtre national le « Stabat Mater » a été donné pour la dernière fois en 1917 et il était donc grand temps de donner au public de ce théâtre la possibilité de réentendre cette musique qu’on a l’habitude d’entendre plutôt dans des églises et des salles de concerts. Pour la soprano Eva Urbanová, c’est une œuvre presque familière mais qui n’en finit pas de la toucher profondément :« J’ai chanté « Stabat Mater » de Dvořák déjà beaucoup de fois. Mais je ne peux pas oublier les exécutions de cet oratorio au Carnegie Hall de New York et au Teatro Colon de Buenos Aires. J’ai toujours été subjuguée de l’interprétation magistrale de cette œuvre par le chef d’orchestre Jiří Bělohlávek. Je connais les autres solistes engagés pour la production au Théâtre national. Nous avons déjà collaboré plusieurs fois et nos voix vont très bien ensemble. Je suis croyante et la musique de Dvořák me bouleverse toujours. Je crois que c’est un auteur dont la musique ouvre le chemin du ciel. »
Parmi les meilleurs enregistrements du « Stabat Mater » il faut sans doute compter celui réalisé pour le label Supraphon avec l’Orchestre et le Chœur Philharmoniques tchèques par le chef allemand Wolfgang Sawallisch. Voici un extrait de cet enregistrement qui date des années 1980 mais reste inégalé encore aujourd’hui.