Le succès du Jobbick en Hongrie comme un avertissement pour la Tchéquie

A ce jour, les partis d’extrême droite ne se sont jamais vraiment imposés sur la scène politique locale. La menace d’une telle éventualité est examinée dans la presse à la lumière du succès du Mouvement pour une meilleure Hongrie, Jobbick, en Hongrie. Jiří Padevět, lauréat du prix Magnesia Litera, l’auteur d’un ouvrage unique qui sert de guide à travers Prague sous le protectorat, a confié quelques détails aux pages culturelles des journaux. Le quotidien Lidové noviny a rappelé la fuite de deux Juifs tchécoslovaques du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, perpétré il y a tout juste 70 ans. Un tiers des Tchèques entre 25 et 34 ans vivent chez leurs parents. Les médias se sont penchés sur cet étonnant phénomène de société.

Miroir de la société à la lumière de la presse

« Les résultats des récentes élections législatives en Hongrie méritent d’attirer l’attention en Tchéquie », constate sur le serveur aktualne.cz Jan Lipold. D’abord, il y a lieu selon lui de rappeler que jusqu’en 1992, l’ancienne Tchécoslovaquie avait une longue frontière commune avec la Hongrie et que Tchèques et Hongrois vivaient, avant l’éclatement de la monarchie austro-hongroise, il y a près d’un siècle, dans un Etat commun. Dans son commentaire qui se penche notamment sur le succès du Mouvement pour une meilleure Hongrie, Jobbick, plébiscité par près de 20% des électeurs hongrois, il soulève la question de savoir pourquoi une pareille formation, « xénophobe et nationaliste », n’a pas à ce jour réussi en République tchèque. Il écrit :

« Au cours des vingt dernières années, plusieurs partis tchèques ont essayé d’adopter le même agenda, ou du moins certains de ses éléments, que le mouvement Jobbick. Lors des élections législatives en 1996, le Parti républicain de Sládek qui en était à l’époque un exemple typique n’a pourtant gagné que près de 8% des voix, ce qui est le meilleur résultat jamais obtenu ‘dans cette catégorie’. Deux ans plus tard, ce parti n’a cependant pas franchi la barre de 5% pour passer au Parlement. »

Ces données révèlent, malgré un score faible du parti cité ci-haut, que certains électeurs tchèques avaient tendance à voter des populistes, avant encore l’entrée du pays dans l’Union européenne, ainsi qu’avant la révélation de différentes affaires de corruption et d’autres scandales. D’un autre côté, comme le souligne l’auteur de l’article, aucun parti extrémiste n’a atteint en Tchéquie, et de loin, les 20% comme le mouvement Jobbick tout dernièrement, car le nationalisme et la xénophobie y sont nettement moins enracinés.

Un autre commentaire de la plume de Martin Novák publié sur le même serveur exprime l’inquiétude que la révolte hongroise des « esclaves de l’Europe » puisse se proliférer, dans certaines circonstances, aussi, en Tchéquie. Il remarque :

« Il est vrai que la situation en Hongrie diffère dans une grande mesure de celle en Tchéquie, en premier lieu à cause du fait que les relations de la société majoritaire hongroise à l’égard de la minorité rom sont quand même plus tendues que chez nous. En Tchéquie, on n’a pas une force comparable au mouvement Jobbick, il est toutefois bon de tenir compte de ce qui s’est passé et comment cela s’est passé en Hongrie... Il faut savoir qu’au moment où les partis traditionnels ne répondent pas aux attentes des gens, les formations comme le Jobbick se présentent comme leur ultime espoir. »

L’auteur de l’article estime qu’après une série de scandales et d’affaires qui ont éclaboussé la politique et le business tchèque, on ne peut que se féliciter de ce qu’une version tchèque du Jobbick n’ait pas encore fait son apparition. Le succès de ce dernier devrait nous servir donc d’avertissement.

Les différentes facettes de la vie à Prague sous le protectorat

Jiří Padevět,  photo: Academia
Au lendemain de l’attribution, ce mardi soir, du prestigieux prix littéraire Magnesia Litera du meilleur livre de l’an 2013, le quotidien Lidové noviny a publié un entretien avec son lauréat, Jiří Padevět, auteur du livre Le Guide à travers Prague sous le protectorat. Dans son ouvrage, il retrace Prague, rue par rue, dans les années 1938 – 1945. Résistance, collaboration, répressions, offices administratifs, ainsi que la vie au quotidien sous la croix gammée, le tout a retrouvé dans cet ouvrage son adresse. Jiří Padevět s’est à ce sujet confié :

« Ce qui m’a surpris le plus lors de ce travail, c’est le constat que quel que soit le régime ou le système administratif en vigueur, la société elle-même ne change pas considérablement. Or, il existe toujours une quantité identique de héros, prêts à consacrer toutes leurs forces ou à sacrifier leur vie, il existe également le même nombre de salauds qui font n’importe quoi pour l’argent ou pour une gloire momentanée. D’un autre côté, il existe également la majorité de ceux qui veulent tout simplement tant bien que mal survivre, ce que l’on ne peut pas leur reprocher. Le trait le plus caractéristique, c’est effectivement le fait que la majorité des gens veulent avant tout, en dépit du « régime », disposer d’un logement, avoir quoi à manger et pouvoir aller le soir au cinéma. Je ne veux juger personne et je pense que c’est d’ailleurs ce qui émane de mon livre ».

Jiří Padevět prépare désormais un nouvel ouvrage du même style que celui qui lui a valu le prix Magnesia Litera qui sera cette fois-ci consacré aux violences et aux massacres commis par les nazis sur la population tchèque de mars à mai 1945, et ce sous forme d’un guide également. Ensuite suivrait, « logiquement », comme l’affirme l’auteur, un ouvrage sur les violences commises par les Tchèques lors du transfert des Allemands après la fin de la guerre.

70 ans depuis la fuite de Rudolf Vrba et Alfred Wetzler du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau

Alfred Wetzler et Rudolf Vrba,  photo: Wikimedia Commons
Il y a soixante-dix ans, Rudolf Vrba et Alfred Wetzler, deux Juifs slovaques, citoyens tchécoslovaques, se sont sauvés du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau. Un article publié dans l’édition de ce mardi du quotidien Lidové noviny a rappelé cet événement en le rangeant parmi « les inscriptions tchécoslovaque remarquables dans l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale et comme un des plus importants témoignages de la résistance tchécoslovaque contre le nazisme ». Son auteur précise :

« Il n’y a qu’un très petit nombre de détenus qui ont réussi à s’échapper de ce camp, au total 144 fuites couronnées de succès sont officiellement indiquées. Celle de Vrba et Wetzler qui a été précédée par des préparatifs de trois mois avait une importance et une retombée particulières. Arrivés au bout de deux semaines dans la ville de Žilina, en Slovaquie, les deux rescapés ont rédigé un rapport sur le mécanisme bureaucratique et l’ampleur industrielle du génocide effectué pour le faire transmettre aux Alliés...»

Zbyněk Petráček souligne que les deux hommes se sont échappés non seulement pour sauver leurs propres vies, mais aussi pour sauver par leur avertissement les autres. Il écrit :

« Même si la réaction à leur rapport n’a pas été aussi radicale comme ils l’espéraient, Vrba et Wetzler ont certes le mérite d’avoir contribué à ce que près de 200 000 Juifs hongrois ont pu être sauvés des camps de concentration. Il s’agit là d’un succès extraordinaire et unique ».

Zbyněk Petráček s’interroge finalement, pourquoi les actes des deux hommes, situés dans le contexte de plus de 77 mille victimes de l’holocauste, sont moins souvent et moins émotionnellement rappelés en Tchéquie, que d’autres événements comme, par exemple, l’écrasement en 1942 du village de Lidice.

Ces jeunes Tchèques qui préfèrent vivre chez leurs parents

Photo: Archives de Radio Prague
On les appelle en tchèque « mamánek ». Les jeunes hommes qui, la trentaine passée, préfèrent demeurer chez maman et papa, sont en Tchéquie de plus en plus nombreux. Le quotidien Mladá fronta Dnes a publié un article apportant quelques détails à ce sujet :

« Au cours des deux dernières décennies, l’âge où les jeunes Tchèques deviennent indépendants en quittant le domicile de leurs parents, ne cesse de s’élever. Auparavant, ils le quittaient en moyenne entre 20 et 24 ans, tandis que maintenant, ils s’y décident généralement cinq ans plus tard. Selon les dernières données statistiques, tout un tiers de Tchèques entre 25 et 34 ans habitent avec leurs parents. C’est une part supérieure à la moyenne européenne ».

Des arguments économiques semblent être les principales causes de cette situation qui concerne notamment les étudiants universitaires et, nettement plus, les hommes que les femmes. Le confort paternel est recherché bien entendu, aussi, pour d’autres raisons, une faible volonté de prendre très tôt la responsabilité de sa vie y jouant également un rôle important. Pour la journaliste économique, Lenka Zlámalová, le nombre croissant des « mamánek » est un signe dangereux de la décadence de la société. Sur le serveur Echo24, récemment lancé, elle va plus loin encore en notant :

« Le grand nombre de ces jeunes hommes qui préfèrent habiter avec leurs parents, menace la prospérité du pays. Les statistiques européennes prouvent clairement que la capacité de concurrence est plus grande dans les pays où ce phénomène n’est pas très présent“.