Le train des réformes économiques n'est pas assez rapide en Tchéquie

La République tchèque, dans le classement établi par l'agence de notation financière Standard and Poors, est passée de la note 'A+'à la note 'A'. Cela pourrait paraître anodin, mais la notation du pays était en constante augmentation depuis la chute du régime communiste. Cette baisse a contribué à raviver le débat sur la lenteur des réformes économiques que Prague s'est engagé à effectuer dans le cadre du pacte de convergence, avec comme but de rentrer dans la zone euro avant 2010.

La publication des nouvelles notations du pays la semaine dernière a eu un impact négatif quasi-immédiat sur la monnaie nationale tchèque. Même si le ministère des Finances a contesté l'évaluation de Standard and Poors, la couronne a chuté face à l'euro et au dollar, et la Banque centrale a très vite réagi en émettant des critiques envers le gouvernement et la lenteur de ses réformes. Pour Pavel Stepanek, directeur exécutif de la Banque nationale tchèque, le signal est clair:

"Notre analyse de cette nouvelle, tombée la semaine dernière, est que c'est un certain signal qui nous a été envoyé et qui a surtout été envoyé à la politique budgétaire tchèque. Le signe d'une certaine impatience causée par le fait que le progrès des réformes budgétaires, entamées voilà à peu près un an, n'est pas vraiment suffisant."

Pavel Stepanek
Comment est effectué le type de classement de l'agence Standard and Poors?

"Il s'agit d'un système d'évaluation par des agences de 'rating' qui est relativement compliqué, fait sur une base régulière et qui couvre tout un spectre de jugements et de critères."

Le déclassement de la République tchèque, qui est passée de 'A+' à 'A' peut-il avoir des conséquences importantes?

"Nous ne voyons pas ça comme étant vraiment un problème majeur. Je crois que les retombées économiques ne devraient pas être grandes, c'est plutôt marginal. Mais l'essentiel, c'est le signal qui nous est envoyé. Pour nous, la chose fondamentale est de voir le progrès des réformes et les perspectives de l'évolution fiscale."

Et les perspectives sont plutôt bonnes ou mauvaises, selon la banque centrale?

"Nous avons répété constamment - et encore tout dernièrement il y a quelques jours en publiant le communiqué de notre dernière séance de politique monétaire - que nous ne sommes pas satisfaits du progrès des réformes. Et plus spécifiquement ce que nous avons dit récemment est que, vu la situation économique favorable - qui résulte d'un flux accru des recettes budgétaires - il faudrait utiliser ces recettes pour réduire le déficit public et non pour accroître les dépenses. C'est notre contribution au débat, et les phrases que nous avons utilisé ont été à mon sens relativement critiques."

Le professeur Kamil Janacek, économiste en chef de la Komercni banka, filiale tchèque de la Société Générale, partage le point de vue des dirigeants de la banque centrale:

"Je suis tout à fait d'accord avec la banque nationale tchèque. Je ne comprends pas du tout la déclaration du ministre des Finances, Monsieur Sobotka, qui dit que la décision de Standard and Poors n'est pas fondée dans les faits. Au contraire, nous pouvons bien constater que la situation des finances publiques ne s'améliore pas en Tchéquie, que le déficit public était de 12,9% l'année passée et sera aux alentours de 7% cette année, ce qui dépasse largement le seuil de 3% du Traité de Maastricht. La détérioration des finances publiques date de quelques années, depuis l'an 2000. Et naturellement la position de Standard and Poors est tout à fait logique."

"Les conséquences sont claires : les emprunts de l'Etat sur les marchés financiers internationaux seront plus coûteux à l'avenir, ainsi que les emprunts des entités privées sur les marchés internationaux. Jusqu'à maintenant, car je connais les gens de Standard and Poors et de Moody's, qui passent par mon bureau pour évaluer la situation financière et économique de la République tchèque, je crois que la perception est la suivante : nous entendons la rhétorique, mais nous ne voyons pas les faits réels dans la politique économique de notre gouvernement."

Photo : Stepanka Budkova
Cette nouvelle évaluation pourra-t-elle avoir une influence sur les débats qui agitent la coalition gouvernementale qui n'arrive pas à s'entendre sur le projet de budget 2005?

"Je crois qu'indirectement, oui. Le parti chrétien-démocrate et le parti unioniste veulent poursuivre une politique fiscale plus stricte, mais je ne pense pas que ce soit le cas des sociaux-démocrates. Le projet du ministre social-démocrate Bohuslav Sobotka prévoit pour l'heure un budget dans lequel les dépenses dépassent de plus de 11 milliards de couronnes les limites négociées avec la Commission européenne. Mais la Tchéquie ne peut être punie, on recevra dans les mois à venir une lettre d'avertissement de Bruxelles, mais c'est tout, il n'y aura pas de sanction."