L’économiste Ilona Švihlíková : « la fiscalité tchèque désavantage les plus démunis »

Ilona Švihlíková, photo: Alžběta Švarcová, CRo

La journée de jeudi dernier était consacrée à la fiscalité tchèque. Organisé par l’École pragoise des alternatives, l’événement s’est tenu dans les locaux de la Chambre des députés. Radio Prague a assisté à la première partie de la conférence qui décrivait les caractéristiques du système fiscal en République tchèque et a ensuite interrogé la conférencière et économiste Ilona Švihlíková.

Ilona Švihlíková,  photo: Alžběta Švarcová,  CRo
La fiscalité en République tchèque a largement évolué depuis les années 1990 et deux changements l’ont plus particulièrement marqué. D’abord, l’imposition sur les sociétés a baissé. Concrètement, l’impôt sur le revenu des entreprises est passé de 35% à 19% en République tchèque en l’espace de vingt ans. Ensuite, le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a sensiblement été rapproché du taux standard. Cette TVA standard est actuellement à 21% tandis que le taux réduit est à 15%, il s’agit après la Hongrie du taux réduit le plus élevé de toute l’Union européenne. L’économiste Ilona Švihlíková décrit les évolutions du système fiscal :

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« Depuis les années 1990, l’imposition directe sur les hauts revenus des personnes physiques ainsi que sur le revenu des entreprises est en baisse continuelle partout dans l’UE. La communauté européenne a véritablement accepté le dogme de la libre concurrence dans un monde globalisé. La République tchèque s’est jointe à la course, comme le montrent clairement les statistiques d’Eurostat. »

Selon ces chiffres de 2011, les impôts directs contribuent seulement à 7,3% du PIB tchèque tandis qu’ils représentent en moyenne 12,9% du PIB dans les autres Etats membres. Quant aux impôts indirects, selon l’analyse d’Ilona Švihlíková, ils pèsent surtout sur les contribuables les plus démunis particulièrement touchés par la hausse de la TVA à taux réduit :

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« Notre système est régressif, ce qui veut dire qu’il pèse le plus sur des personnes avec des revenus bas. Cela est dû au niveau élevé de la TVA réduite qui touche le plus les gens incapables d’épargner et qui dépensent beaucoup pour les produits de base. Ainsi, le système tchèque avantage les personnes les plus riches, également au niveau de l’impôt sur le revenu, car il est peu progressif. »

Un autre point caractéristique du système fiscal tchèque, aux yeux d’Ilona Švihlíková, c’est l’existence d’un grand nombre d’exceptions à la règle, qui ajoutent à la confusion et rendent le système plus vulnérable à la fraude. L’économiste décrit la stratégie récurrente des fraudeurs :

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« Il s’agit surtout de fraudes à la TVA dans le commerce intra-européen exonéré de l’impôt. Imaginez qu’une entreprise achète des marchandises provenant de pays tiers, surtout des pays asiatiques. Ces articles sont ensuite fictivement vendus dans un autre Etat européen, mais en réalité ils restent ici et l’entreprise demande la déduction de la TVA. Ces escroqueries se font à grande échelle et c’est pour cela que la TVA est considérée comme le plus grave problème du système fiscal tchèque. »

A cela s’ajoute le fait que les offices de contrôle fiscal manquent de personnel et de moyens et sont donc en sous-capacité de faire face à leur charge de travail. De plus, selon la législation en vigueur, pour condamner un fraudeur, les contrôleurs doivent prouver qu’il y a bien eu une intention de commettre cette fraude. Ilona Švihlíková en conclut que ceux qui croient dans la vertu des audits ont des attentes exagérées par rapport à cet instrument. Elle suggère que le système nécessite une redéfinition de sa structure pour être plus opérationnel, moins inégalitaire et moins vulnérable à la fraude fiscale.