Législatives : en modifiant la loi électorale, la Cour constitutionnelle rebat les cartes et inquiète Andrej Babiš
Prévues les 8 et 9 octobre prochains, les élections législatives en République tchèque se tiendront probablement selon des règles différentes de celles appliquées lors des scrutins précédents. Mercredi, en effet, la Cour constitutionnelle a annulé une partie de la loi électorale qui, selon son verdict, défavorisait les petits partis et les coalitions. Les décisions rendues par la juridiction pourraient rebattre les cartes de façon notoire sur l’échiquier politique tchèque.
La Chambre basse du Parlement tchèque est composée de 200 députés élus pour un mandat de quatre ans selon un mode de scrutin proportionnel, avec un vote préférentiel dans quatorze circonscriptions que sont les treize régions du pays et la capitale Prague, considérée elle aussi comme une région. Les sièges de député sont répartis en fonction du nombre de suffrages recueillis (méthode d'Hondt).
Pour qu’un candidat puisse être élu, il lui faut recueillir au moins 5% de suffrages préférentiels dans la circonscription (région) où il se présente. Quant aux partis, ils se doivent, eux, de franchir le seuil de 5% des suffrages exprimés à l’échelle cette fois nationale pour pouvoir être représentés à la Chambre des députés par leurs candidats qui auront réalisé les meilleurs scores.
Les nouvelles règles modifieront donc tout cela. En effet, la Cour constitutionnelle a jugé que le droit électoral en vigueur jusqu’à présent était inéquitable, et donc inconstitutionnel, et désavantageait les petits partis, qui avaient besoin d'obtenir davantage de voix pour espérer décrocher un mandat. La proposition visant à modifier certains éléments du mode de scrutin avait été déposée par vingt-et-un sénateurs représentant différents partis en 2017, soit donc l’année des dernières élections législatives.
Les principales modifications (qui doivent encore être adoptées par la Chambre des députés et le Sénat pour pouvoir être appliqués lors des prochaines élections, ce qui apparaît comme probable) seront donc les suivantes : si le seuil minimal de 5% a été maintenu par la Cour constitutionnelle et restera donc une condition sine qua non pour qu’un parti puisse accéder à la Chambre des députés, en revanche les différents seuils électoraux qui étaient appliqués pour les coalitions formées de différents partis ne le seront plus.
Concrètement, une coalition qui était composée de deux partis devait atteindre le seuil de 10%, une coalition de trois partis le seuil de 15% et une coalition de quatre partis ou plus le seuil de 20%. Désormais, toutes pourront se contenter d’atteindre le seuil de 5%, comme donc pour les partis présentant une liste de candidats indépendante.
En théorie, le verdict de la Cour constitutionnelle pourrait donc pousser les petits partis à forger des alliances pour surmonter ce seuil atteignable plus facilement. Il pourrait aussi inciter les électeurs à voter davantage pour ces alliances plus marginales, sachant qu’elles auront désormais plus de chances de voir un ou plusieurs de leurs candidats élus. Et ainsi augmenter la représentativité au Parlement grâce à une répartition des mandats plus juste et plus conforme au vote des électeurs. Mais il pourrait aussi avoir pour conséquence d’émietter la répartition des forces, au détriment donc des grands partis, et ce alors que neuf formations sont déjà représentées à la Chambre basse.
Ainsi, selon les calculs effectués ces derniers jours par les médias tchèques, si les nouvelles règles avaient été appliquées lors des précédentes élections en 2017, le mouvement ANO du Premier ministre Andrej Babiš, représenté par 78 députés, aurait remporté 15 sièges de moins et la coalition gouvernementale formée avec les sociaux-démocrates, déjà minoritaire actuellement, le serait restée y compris avec le soutien des députés communistes, qui « tolèrent » le cabinet sans en être partie prenante.
Le jugement rendu a fortement déplu à Andrej Babiš, très critique, qui estime en effet que la Cour constitutionnelle s’efforce d’influencer la situation politique en modifiant les règles du jeu à quelques mois seulement de la tenue des élections. Le Premier ministre voit là un moyen de l’écarter du pouvoir, alors que son mouvement ANO, bien que toujours favori, recule dans les sondages et risque de se retrouver isolé dans l’optique de la formation de la prochaine coalition gouvernementale, la majorité des partis de l’oppostion ayant fait de l’« anti-Babiš » leur priorité.