Un pour tous, tous contre Andrej Babiš
Les prochaines élections législatives en République tchèque se tiendront à l’automne 2021 mais, déjà, les partis de l’opposition se mobilisent avec une volonté clairement affichée : mettre leurs forces en commun pour faire tomber Andrej Babiš de son piédestal et lui succéder à la tête d’un nouveau gouvernement. Une coalition libérale avec les Pirates en tête de gondole prend forme notamment.
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La République tchèque deviendra-t-elle le premier pays au monde à disposer d’un gouvernement dirigé par un Pirate ? A désormais un peu moins d’un an des prochaines élections législatives, la question peut être posée. Après tout, qui aurait imaginé, il y a encore relativement peu, que Prague aurait un jour un maire pirate à sa tête ? Or, à l’automne 2018, c’est bien Zdeněk Hřib qui a succédé à Adriana Krnáčová, qui était alors encore membre du mouvement ANO dirigé par Andrej Babiš. Ce scénario dans la capitale peut-il donc se reproduire à l’échelle nationale ?
Il est bien entendu encore trop tôt pour répondre à cette question. Néanmoins, trois ans après avoir fait une entrée historique à la Chambre des députés, grâce à un score légèrement inférieur à 11% qui permet depuis à ses membres d’y occuper 22 des 200 sièges, le Parti pirate apparaît désormais comme la deuxième force principale sur un échiquier politique tchèque très morcelé.
Les résultats publiés ce jeudi d’un récent sondage confirment cette donne : si le scrutin législatif s’était tenu en novembre dernier, le mouvement ANO l’aurait certes de nouveau emporté en recueillant 28,5% des suffrages, mais devant cette fois précisément les Pirates, dont les préférences des électeurs se situent autour de 14%. Derrière ce duo de tête, le parti conservateur ODS, principale formation de droite en République tchèque, et STAN (mouvement des Maires et Indépendants) se partageraient la troisième position avec 10,5% d’intentions de vote pour chacun.
Pour l’heure, la nette domination d’ANO, principale formation de la coalition gouvernementale formée avec le parti social-démocrate, n’est pas menacée. Le mouvement populiste, qui avait remporté les élections en 2017 avec un score de près de 30% et semble pouvoir compter sur un électorat assez stable, apparaît même intouchable. Et c’est précisément la raison pour laquelle les partis de l’opposition se mobilisent pour rassembler les forces, tant la personne d’Andrej Babiš, en dehors des rangs de ses fidèles, fait l’unanimité contre lui.
Fin octobre, ce sont d’abord l’ODS, TOP 09 et les chrétiens-démocrates qui ont annoncé s’être entendus pour former un bloc de centre-droit dans l’optique des prochaines législatives. Si l’on tient aux résultats du sondage de novembre, à eux trois, ces partis réaliseraient un score global d’environ 20%.
Plus récemment, ce sont les leaders des Pirates et de STAN, autre formation de tendance libérale, qui ont fait part de leur intention de mettre sur pied un programme commun. Des négociations entre les deux camps devraient être menées à bien d’ici Noël, avec dans ce cas de figure un potentiel de succès plus important, comme en convient le politologue Lubomír Kopeček, de l’Université Masaryk à Brno :
« Battre le mouvement ANO aux élections est une vision tout à fait réaliste compte tenu de l’évolution de la situation. Même si les sondages ne confirment pas tous catégoriquement cette tendance, ANO a perdu un peu de terrain à cause de la gestion de la crise du coronavirus. Les calculs sont assez simples : si cette coalition entre les Pirates et STAN voit effectivement le jour, elle pourra raisonnablement envisager de menacer la suprématie du mouvement ANO. Inversement, si les Pirates se présentent seuls aux élections, ils pourront certes espérer un bon résultat, mais insuffisant si l’objectif déclaré est de remporter les élections. Une telle issue serait illusoire. »
Mardi, dans le cadre d’un référendum en ligne qui a ressemblé à un plébiscite, Ivan Bartoš a été reconduit dans ses fonctions de chef des Pirates. C’est donc lui qui, lors de la campagne électorale, figurera en tête de liste de cette coalition libérale et se portera candidat aux fonctions de prochain Premier ministre. Dreadlocks toujours sur la tête malgré le costume-cravate qu’il porte désormais plus régulièrement, Ivan Bartoš est devenu une des figures politiques les plus en vue en République tchèque ces dernières années. Très médiatique, y compris à l’international en raison de son style hors-norme, inlassable critique du gouvernement, cet ancien disc-jockey et membre d’un groupe punk, aujourd’hui accordéoniste plus rangé, estime avoir les épaules suffisamment larges pour diriger le grand orchestre. En tous les cas bien mieux, selon lui, qu’Andrej Babiš.