L’envolée sans fin de l’inflation alimentaire en Tchéquie
Sucre, œufs, pain, fruits et légumes... En l’espace d’un an, les prix de l’alimentation ont explosé en République tchèque. En janvier encore, l’inflation en glissement annuel s’est élevée à 24,8 %. Face à cette envolée, le gouvernement tente enfin de réagir.
Selon le ministère de l’Agriculture, les marges excessives de certains commerçants et transformateurs sont à l’origine de cette forte hausse. Ces derniers rejettent toutefois cette accusation et mettent en avant la hausse générale des coûts de production et les produits vendus plus chers par les agriculteurs. Quoiqu’il en soit, la République tchèque fait partie des pays de l’Union européenne où l’inflation des denrées alimentaires a été une des plus élevées en 2022. Ainsi, les prix du sucre en poudre, des oeufs ou encore de la farine de blé ont augmenté respectivement de 95, 92 et 47 %.
Ces derniers jours, le sucre notamment, qui est deux fois plus cher donc qu’il y a un an, est au centre de toutes les attentions. À l’automne, en l’espace de seulement quelques semaines, ses prix de vente dans les magasins ont augmenté beaucoup plus fortement que les prix pratiqués par les raffineries. Une évolution que le ministre de l’Agriculture, Zdeněk Nekula, avoue ne pas bien comprendre et c’est pourquoi il s’est tourné vers l’Office de protection de la concurrence :
« Entre septembre et octobre derniers, nous avons été les témoins d’une envolée subite des prix du sucre, qui ont augmenté d’environ 14 couronnes (0,6 euro) jusqu’à la fin de l’année. Une seule chaîne de magasins ne peut pas être à l’origine de cette hausse, il est donc probable que plusieurs d'entre elles se soient entendues pour procéder de la sorte. Il s’agirait alors d’une action coordonnée et c’est pourquoi nous avons demandé à l’Office de protection de la concurrence de se pencher là-dessus. »
Plus généralement, si le taux d’inflation dans l’UE, en janvier, a poursuivi sa baisse des deux mois précédents pour s’établir à un taux de 10 % en glissement annuel, en revanche, la croissance des prix s’est à nouveau accélérée en République tchèque. Avec 19,1 %, celle-ci présentait même le troisième taux le plus élevé parmi les Vingt-Sept, derrière la Hongrie (26,2 %) et la Lettonie (21,4 %), selon les derniers chiffres publiés par Eurostat, l’office statistique de l’UE.
Si l’Office tchèque de la statistique a, lui, indiqué un taux légérement inférieur, à 17,5 % pour janvier, cela ne change rien au fond du problème : quelle que soit la manière dont elle est calculée ou quelle que soit l’institution qui la mesure, l’inflation reste très forte depuis désormais plus d’un an en République tchèque. Et si l’alcool et les produits du tabac, l’énergie ou encore les services et biens industriels hors énergie en sont des facteurs non négligeables, l’alimentation en est un autre qui a plus fortement encore contribué à la croissance des prix, comme le confirme Tomáš Maier, économiste à l’Université tchèque d’agriculture :
« Pourquoi tout est si cher ? Il y a un certain nombre de facteurs. Tout d'abord, les prix des matières premières augmentent. Les marchés sont volatils, nous avons une guerre qui est à nos portes et les prix des produits alimentaires ont augmenté de plus de 20 % l’année dernière. Bien sûr, cela dépend du type d'aliments ; l’inflation la plus importante concerne les œufs, dont les prix vont sans doute se stabiliser prochainement, et le sucre, dont je m’attends également à une correction importante de ses prix au cours des prochains mois. »
S’il reconnaît, lui aussi, que des pratiques douteuses peuvent être à l’origine de l’envolée des prix du sucre ou des oeufs - deux denrées pour lesquelles la production tchèque suffit à satisfaire la demande -, de manière plus générale, et à la différence du ministère, Tomáš Maier, n’accuse cependant pas spécialement les chaînes de distribution :
« La rentabilité des chaînes de magasins n’est pas excessive. Nous avons bien sûr tendance à les accuser de tous les maux parce qu’il s’agit sans aucun doute du maillon le plus fort et le plus concentré de toute la chaîne de production , depuis l’agriculteur, ou plutôt depuis les matières premières qu’il achète, jusqu’au consommateur final. Ce sont elles qui définissent les prix pour nous, consommateurs, et qui, dans une large mesure, dictent leurs conditions lors des achats, en particulier lors des négociations avec les producteurs. Cela les place à juste titre dans le collimateur des autorités de la concurrence, mais je ne pense pas que leurs marges et leurs bénéfices soient exagérés. D’ailleurs, nous, les consommateurs, devrions nous estimer heureux que ces chaînes de magasins existent, car si elles n’existaient pas, les prix augmenteraient plus vite. Il suffit de voir ce qui se passe actuellement dans les bars et restaurants, avec les prix de la bière qui se sont littéralement envolés. »
En attendant de savoir plus précisément qui est le principal responsable de cette inflation, le débat en reste à un point où les agriculteurs, les transformateurs et les négociants continuent de se rejeter mutuellement la faute. Et les consommateurs, eux, bien évidemment, de payer.