Les célébrations de la Journée de la victoire

Vitkov

Le 8 mai, la République tchèque fête la Journée de la victoire. Comme cela est devenu la tradition, les célébrations débutent au mémorial national de Prague - Vitkov par un défilé des unités d'honneur de l'Armée tchèque et de la garde du Château. Des couronnes de fleurs sont déposées au pied de la tombe du Soldat inconnu, en hommage aux victimes de la guerre au cours de laquelle près de 380 000 Tchèques ont trouvé la mort...

Les célébrations à Plzen,  photo: CTK
Pour les historiens, dont Zdenek Valis, la Journée de la victoire est une date symbolique, instituée en souvenir de la capitulation des armées allemandes, signée le 8 mai 1945 à Reims. En réalité, la guerre ne s'est pas terminée partout la même journée : des derniers combats ont encore été livrés le 11 mai près de Milin. La première région libérée fut la Bohême occidentale dès le 4 mai. Son chef-lieu, Plzen, fut libre le 6 mai, grâce à la Troisième armée américaine du général George Patton à laquelle un bataillon de fusiliers belges était incorporé. Les Américains étaient prêts à avancer plus loin à l'intérieur du pays, mais la ligne de démarcation convenue entre Staline et Eisenhower ne le leur permettait pas. Louis Gihoul, originaire de la région de Liège, était parmi les libérateurs. Il se rend à Plzen pour les célébrations et regrette aujourd'hui encore que l'avancée des troupes ait été ainsi stoppée:

« Ah oui, énormément ! Nous avons fait la jonction avec l'armée russe à Rokycany, et puis alors évidemment nous sommes revenus à Plzen jusqu'à ce que nous recevions l'ordre de quitter le pays, parce qu'à la conférence de Yalta, les Américains, les Russes et les Anglais avaient décidé de laisser la Tchécoslovaquie aux Soviétiques. Nous avons été obligés de partir, c'était très malheureux pour nous. »

Liberation
Les chars soviétiques se dirigeant vers Prague depuis Dresde ont fait leur apparition dans la banlieue nord de la capitale le 9 mai à l'aube. A ce moment-là, Prague était déjà pratiquement libre. L'insurrection pragoise, qui a éclaté le 4 mai, a marqué un tournant décisif dans la libération du pays. Les armées allemandes Mitte - du centre, du général Schörner, formées d'un million d'hommes devaient défendre l'espace tchéco-morave jusqu'au 20 mai au moins. Au moment où l'insurrection a éclaté, ces armées ont perdu leurs arrières et se sont retrouvées sans lutter en captivité américaine. Les Tchèques sur les barricades ont raccourci la guerre de plus d'une semaine et empêché le passage des fronts à travers le territoire tchèque. Ils ont également fort probablement déjoué les plans nazis ordonnant une destruction totale de la ville sur la Vltava. La résistance locale préparait l'insurrection depuis l'automne 1944. Près de 2000 Tchèques, 600 soldats de l'armée de libération russe du général Vlasov et 60 soldats de l'Armée rouge ont sacrifié leur vie pour que Prague soit libre, dit l'historien Tomas Jakl :

« La résistance militaire tchèque se préparait à l'insurrection pratiquement depuis le début de l'occupation, en 1939. Au printemps de cette année, les premiers plans ont vu le jour. Ils prévoyaient une mobilisation de la population et devaient permettre l'arrivée d'unités alliées. Car, dès le début, on a compté sur une aide extérieure. Le signal de l'insurrection, au sein du Protectorat, a été donné par l'ordre du gouvernement du Protectorat par lequel ce dernier a feint d'introduire la langue tchèque comme l'unique langue officielle. Les Tchèques ont compris cela comme un signe que la domination allemande s'écroulait. »

Les Tchèques se sont mis à arracher les inscriptions allemandes et la langue tchèque a retenti à la radio pour la première fois après six ans d'occupation. En effet, si l'insurrection a précipité la fin de la guerre, la Radio tchèque a joué un rôle crucial. Elle diffusait des appels pour venir en aide aux insurgés et coordonnait les actions. Le 5 mai, à six heures du matin, les Tchèques ont pu entendre la voix de Zdenek Mancal annoncer, moitié en tchèque moitié en allemand : « je sechs hodin ». Dès lors, les émissions ont continué uniquement en tchèque. Les SS ont fait appel aux renforts : 70 soldats sont arrivés, vers 11 heures, à la radio. Peu après, les gendarmes tchèques qui avaient écouté l'appel diffusé à midi et 37 minutes, n'ont pas tardé à venir en aide:

« Nous appelons la police tchèque, les gendarmes, les gardes du gouvernement à venir en aide à la radio... »

Des appels ont été également diffusés en russe et en anglais.

Non seulement des policiers mais aussi des Pragois accourent à la radio, munis de fusils et de mitraillettes, mais aussi de couteaux et de haches. La lutte prend de l'ampleur et les insurgés réussissent à pénétrer à l'intérieur du bâtiment de la radio par son entrée latérale ou par les toits des immeubles voisins. Les SS sont repoussés et la radio ne manque pas de relayer l'information :

« Ici la Radio tchèque, nous diffusons sur l'onde 415 mètres. La résistance à la radio est progressivement brisée. En attendant, nous diffusions de la musique. »

Les barricades
Les tons des marches se mêlent aux sons des tirs retentissant dans les couloirs. Vers 17 heures, la résistance à l'intérieur de la radio est enfin repoussée et la nouvelle sur la constitution du commandement militaire tchécoslovaque de la grande Prague est diffusée. Puis la radio lance un appel à dresser des barricades sur toutes les routes conduisant à Prague. Les Pragois sont encouragés à utiliser des véhicules et des wagons de tramways remplis de pavés, des récipients à déchets, des traverses... L'appel eut un écho retentissant, près de 1600 barricades furent dressées dans Prague, dont une vingtaine dans les proches environs de la radio.

Les combats ne faiblissaient pas. Les insurgés commençaient à manquer de munitions. La résistance des Allemands ne diminuait pas, au contraire. Le soir du 8 mai, les unités allemandes s'attaquaient encore à Prague en dépit de la capitulation signée le même jour à 16 heures. La radio a encouragé les défenseurs :

« Soldats libres de la République libre, défendez Prague, continuez, la victoire sera gagnée. Prague est et sera tchécoslovaque et libre. Tout le monde culturel suit avec fierté votre combat. Prague, il faut persévérer ! »

V2,  photo: Science Museum/Science & Society Picture Library
Les généraux allemands refusaient d'accepter la défaite. Comme s'ils croyaient que la fameuse fusée V2, arme secrète que Hitler comptait déployer au dernier moment, allait renverser le cours de la guerre. La pensée de l'occupant est illustrée par l'appel du commandement des armées allemandes du Protectorat cherchant à intimider la population:

« Pragois, vous avez encore le temps de choisir entre la lutte, l'anéantissement, le carnage, et le calme, l'ordre et le bien-être. Si l'ordre est maintenu, l'approvisionnement sera assuré. Par contre, en cas de résistance improductive et de sabotage, l'Armée allemande bien armée interviendra par tous les moyens de combat modernes et efficaces. Votre résistance sera brisée au détriment de l'avenir des pays tchèques. Tout le peuple en ressentira les conséquences. »

Les Tchèques sur les barricades ne se sont pas inclinés et ont défendu la ville jusqu'au bout. Le 8 mai 1945, le général allemand Toussaint a signé la capitulation. En quittant le territoire, les soldats allemands opposaient encore une résistance. Comme on peut le lire dans la chronique de la commune de Milin, en Bohême centrale, les derniers coups de feu de la guerre ont été tirés le 11 mai 1945 dans l'espace entre Milin et Slivice. C'est près de l'église locale, sur les murs de laquelle les traces des tirs sont encore visibles, que la résistance opposée par les troupes nazies du général Schörner a été brisée et que la guerre en Europe s'est terminée. Un mémorial érigé sur la route passant par Milin rappelle l'événement.