Les embarrassantes armes tchèques de l’Azerbaïdjan

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Le journal Hospodarské Noviny a révélé dans son édition du mardi 26 septembre que l’armée azérie était en possession de matériel militaire tchèque de pointe. Voilà qui est problématique étant donné que la république du Caucase est normalement soumise à un embargo militaire et l’affaire fait débat en Tchéquie.

Andrej Čírtek | Photo: ČT24
Mais comment les armes tchèques sont-elles arrivées jusqu’en Azerbaïdjan ? La question se pose depuis quelques jours et pour cause : personne ne semble en connaître la réponse. Le ministère des Affaires étrangères a rappelé qu’aucune arme ne pouvait quitter le pays sans son autorisation et sans celle du ministère de la Défense, et a insisté sur le fait que la Tchéquie respecte scrupuleusement l’embargo sur les armes létales.

Même défense chez Czechoslovak Group, le fabricant des armes incriminées : le porte-parole de l’entreprise, M. Andrej Čírtek, a certifié que le groupe respectait à la lettre le droit international sur ce point. Les services secrets continuent d’enquêter, mais pour l’instant personne ne sait comment l’armée azérie a fait l’acquisition de ce matériel.

Comment Hospodarské Noviny a découvert la présence d’armes tchèques dans le pays ?

L’histoire pourrait sonner comme une mauvaise blague mais c’est pourtant la vérité : il apparaît que personne ne se doutait de la présence d’armes tchèques en Azerbaïdjan, jusqu’à la publication d’une vidéo promotionnelle de l’armée azérie, dans laquelle plusieurs armes sont visibles. Un arsenal « made in CZ » dans lequel on trouve notamment l’obusier DANA-1et le lance-roquette RM-70.

Quelles sont les pistes pour expliquer l’exportation de matériel militaire tchèque en Azerbaïdjan ?

Il faut tout d’abord savoir que l’embargo que subit la république musulmane du Caucase ne s’applique que sur le matériel létal, et par conséquent la Tchéquie entretient tout de même des échanges commerciaux militaires avec l’Azerbaïdjan. En témoigne les récentes ventes de matériel et de pièces techniques non létales pour véhicule militaire réalisée l’année dernière par le gouvernement pour une somme équivalente à un million d’euros. Toutefois les armes concernées sont bel et bien des armes létales et n’ont pas pu officiellement être exportée depuis la République tchèque.

La presse bulgare est la première à avoir formulé une hypothèse. Selon elle, les armes pourraient tout à fait avoir transité par Israël, pays partenaire de l’Azerbaïdjan, mais aussi de la société Czechoslovak Group. Une seconde piste se trouverait en Russie puisque l’armée russe se fournit régulièrement en matériel tchèque, et conserve beaucoup d’influence militaire dans le Caucase.

Mais pourquoi l’Azerbaïdjan est-il soumis à un embargo militaire ?

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L’Azerbaïdjan est soumis par l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) à cet embargo militaire depuis 20 ans, après le conflit qui l’a opposé à son voisin l’Arménie. Les deux pays se disputent le territoire azéri peuplé d’Arméniens du Haut Karabakh, occupé par l’armée arménienne depuis 1996. Le conflit est désormais gelé, mais des escarmouches sporadiques surviennent de temps à, en témoignent les affrontements d’avril 2017 ayant causé la mort de deux cents militaires des deux côtés. Par ailleurs, depuis la chute de l’URSS, le pays est dirigé par la dynastie Aliyev, très influente grâce à une diplomatie énergétique offensive, mais également grâce à sa diplomatie amicale dite « du caviar » auprès des dignitaires étrangers.

En Tchéquie les regards se tournent ainsi vers le groupe parlementaire des « amis de l’Azerbaïdjan », dont sont membres trente-trois députés, et la récente visite de dignitaires azéris, venus acheter pour quarante millions de couronnes de montres de luxes à Prague, interroge également. Le pays est enfin souvent visé par l’ONU qui y dénonce des atteintes aux droits de l’Homme.

La République tchèque aurait-elle pu avoir enfreint l’embargo international ?

On l’a dit, les autorités tchèques affirment respecter l’embargo de l’OSCE sur l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Il apparait donc improbable que le pays aient enfreint l’embargo, contrairement en revanche à des pays comme les Etats-Unis et la Russie qui n’hésitent pas à vendre des armes aux deux nations ennemies du Caucase. Il faudra attendre les résultats de l’enquête gouvernementale et celle des services secrets pour en savoir plus.