« Les immigrés d’avant 1989 gardent des liens très étroits avec les autres Tchèques. Ceux arrivés après sont très différents. »
Tchèque originaire de la région de Vysočina, Martina Tomšů vit depuis trois ans à Toronto, où elle est rédactrice en chef d’un bulletin d’information destiné aux Tchèques et aux Slovaques vivant au Canada. Au micro de Radio Prague International, elle évoque ce qui a conduit, à la fin des années 1940, des Tchèques et des Slovaques à établir le Masaryk Memorial Institute – et ce qui amoindrit le sentiment d’appartenance à la communauté des immigrés arrivés après la révolution de Velours.
« Je m’appelle Martina et je suis tchèque, originaire de Jihlava. C’est là que je vivais avant de quitter la République tchèque. »
« J’ai vécu trois ans à Erbil, au Kurdistan irakien, parce que mon mari y travaillait au consulat général de la République tchèque. Pour ma part, je travaillais là-bas pour des ONG suisses et françaises qui venaient en aide aux personnes déplacées dans le conflit avec l’Etat islamique. »
Une ferme dans un quartier de Toronto
« Depuis 2018, je vis à Toronto et je suis rédactrice en chef du bulletin numérique publié par le Masaryk Memorial Institute, qui est une ONG fondée par des émigrants tchèques et slovaques arrivés au Canada après la Seconde Guerre mondiale, dans un objectif de rencontres, de célébrations communes et de soutien à leur culture. C’est pourquoi ils ont alors établi cette association. En 1948, ils ont acheté une ferme à Scarborough, qui était alors à la campagne. Aujourd’hui, Scarborough est un quartier de Toronto. Il y a un parc très joli, et tout le monde y est bienvenu. Il y a également un restaurant, le ‘Prague Restaurant’, ainsi qu’une maison de retraite et quelques appartements. »
Pouvez-vous nous parler du bulletin d’information que vous coordonnez ?
« L’objectif de ce bulletin publié par le Masaryk Memorial Institute est de mettre en relation les Tchèques et les Slovaques au Canada, d’informer à propos de différents événements, de recueillir et de présenter les histoires des immigrés tchèques et slovaques. Je présente également les parcours intéressants de membres de la communauté. J’essaye en quelque sorte de créer un centre d’information pour les Tchèques et les Slovaques au Canada. »
L’un des principaux journaux d’exil des Tchèques et Slovaques au monde
« Ce bulletin est publié depuis juillet 2021 sous forme numérique, de façon à intéresser également la jeune génération de Tchèques et de Slovaques au Canada. Avant, il existait le journal papier ‘Nový Domov’, un journal payant publié par le Masaryk Memorial Institute depuis 1950 et jusqu’en 2020. C’était l’un des principaux journaux d’exil des Tchèques et Slovaques au monde. Cependant, après le décès de son dernier rédacteur en chef, il y a quelques années, il ne s’est plus trouvé personne pour faire ce travail… C’est pour cela que nous lancé la publication d’un bulletin numérique appelé Nový Domov 2.0. A l’heure actuelle, nos abonnés sont au nombre de 750. »
La communauté tchèque à Toronto est-elle conséquente ? S’agit-il de nouveaux arrivants, ou au contraire des enfants de personnes d’origine tchèque ?
« Il est très difficile d’estimer le nombre de Tchèques vivant au Canada actuellement, car il n’existe pas de chiffres exacts. Selon le recensement de 2016, il y avait environ 30 000 Tchèques dans la seule province de l’Ontario. Mais il s’agit de personnes qui se considèrent comme des Tchèques. Mais on peut estimer à environ 180 000 le nombre de Tchèques dans tout le Canada. Néanmoins, le chiffre exact n’est pas connu, car il y a également des étudiants, des personnes qui bénéficient d’un permis vacances-travail, des gens qui ont un passeport tchèque, des descendants, etc. Il est donc très difficile de connaître le chiffre exact. »
Deux groupes d’immigrés tchèques au Canada
D’autant que les Tchèques à l’étranger ne sont pas particulièrement réputés pour chercher à rencontrer leurs concitoyens… Est-ce que cela se vérifie à Toronto ?
« A mon avis, il existe deux groupes principaux d’immigrés tchèques au Canada aujourd’hui. Le premier, ce sont les immigrés arrivés avant 1989, avant la révolution de velours. La Tchécoslovaquie, où ils avaient laissé famille et amis, leur manquait beaucoup, ils ne pouvaient pas y retourner. Par conséquent, ils ont gardé des liens très étroits avec les autres Tchèques. »
« Le deuxième groupe, c’est la génération arrivée après la révolution de Velours. Elle est très différente, car il s’agit de personnes qui ont décidé par elles-mêmes de quitter la République tchèque et qui peuvent y revenir quand elles le souhaitent. Elles sont venues ici pour apprendre l’anglais ou le français, sont tombé amoureuses, etc. Et elles ont décidé de rester ici. Et ce groupe ne s’intéresse pas vraiment aux autres Tchèques qui se trouvent ici. »
« C’est pourquoi les membres de notre association vieillissent, et il n’y a personne pour les remplacer. C’est dommage, parce que personne ne sait quel sera l’avenir du Masaryk Memorial Institute. »
« Personne ne sait quel sera l’avenir du Masaryk Memorial Institute. »
Et ce bien que le Masaryk Memorial Institute soit la seule institution culturelle tchèque au Canada…
« Il n’a pas de Centre tchèque au Canada ; le Centre tchèque le plus proche se trouve à New York, aux Etats-Unis. Et je ne pense pas que le gouvernement tchèque envisage de créer un Centre tchèque au Canada, car c’est un projet très cher. C’est pourquoi je pense que des organisations telles que le Masaryk Memorial Institute peuvent jouer le rôle de centre culturel pour les Tchèques et les Slovaques, en quelque sorte. »
Un centre culturel pour les Tchèques et les Slovaques
« Outre le Masaryk Memorial Institute, il existe d’autres organisations d’expatriés tchèques au Canada, centrées sur le sport, la langue tchèque, la culture aussi. La Czech and Slovak Association of Canada, par exemple, a des bureaux locaux à Calgary, Kitchener, Montréal, Ottawa, Toronto, Vancouver, Winnipeg et Yukon. Nous avons au moins deux théâtres tchèques, le Divadlo za rohem à Vancouver et le Nové divadlo à Toronto, qui sont très réputés, et où des acteurs tchèques viennent également jouer. »
Théâtre, sport et école… en tchèque
« Il y a également l’association sportive Sokol Canada, ainsi que six écoles tchèques qui enseignent la langue tchèque. Et le tchèque est également enseigné à l’Université de Toronto. »
« Nous avons également la télévision tchèque, Nová vize. Pour les enfants, une colonie de vacances est également organisée au Québec. »
Vous qui vivez à Toronto depuis trois ans, qu’appréciez-vous particulièrement de la vie dans cette ville – et au Canada ?
« J’apprécie cette expérience, car Toronto est une très belle ville, très agréable pour les familles. Cependant, vivre dans une ville aussi grande est difficile pour moi. Et pas facile d’aller dans la nature quand vous habitez le sud de l’Ontario… Tout est trop loin, tout est propriété privée… J’apprécie vraiment la nature tchèque, tout est plus proche. J’aime l’Europe et la culture européenne, et je souhaite rentrer en République tchèque. Cela devrait se faire à la fin de cette année. »