Il y a quelques semaines de cela, nous avions consacré, parce qu’elles le méritent bien, quelques émissions aux filles et jeunes femmes tchèques, plus précisément aux différents mots de la langue tchèque désignant une jeune fille. Cette fois, il faut bien le dire, le sujet est un poil moins attractif, puisque c’est des hommes dont il sera question. « Ach jo »… comme disent les Tchèques en soupirant pour manifester leur désappointement…
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« Les hommes, paraît-il, ne pleurent pas. Il n’y a que dans les contes de fées que l’on dit ‘mon amour’ », etc. Telles sont les premières paroles du refrain d’une chanson de Jiří Zmožek intitulée « Prý chlapi nebrečí», littéralement « Il paraît que les hommes ne pleurent pas ». Mais peu importe le contenu de cette chanson qui n’a jamais cartonné au box-office. On ne sait si les hommes tchèques pleurent ou ne pleurent pas, car ce qui nous intéresse plutôt, c’est le mot qui les désigne : « chlap». Attention, un mot à ne pas confondre avec un autre qui s’en rapproche très fort dans la forme - « chlup», et désigne, lui, un « poil ». A propos de poils, retenons quand même l’amusante expression « hádat se o kozí chlup», à savoir « se disputer pour un poil de chèvre », une expression qui, semble-t-il, est le fruit de la pensée d’Horace, célèbre poète latin du 1er siècle avant J.-C. En français, on dirait plutôt que l’on se dispute plutôt pour des queues de cerise ou des broutilles, bref pour rien ou pas grand-chose. Et puis avant d’en revenir à nos hommes tchèques poilus – chlupatí chlapi, qu’il faut bien veiller à ne pas confondre avec des chlupáči– des toutous velus, notez bien encore que si un jour vous venez en République tchèque et que l’on vous donne à manger des chlupaté knedlíky, ne craignez rien en les mangeant. Il s’agit certes bien de « knedlíky poilus », mais (normalement) on ne trouve pas trace du moindre poil sur cette spécialité tchèque. Il ne s’agit là que de l’aspect, de l’apparence de cette sorte bien spécifique de knedlíky.
Photo: Archives de Radio Prague
Quant à nos amis les « chlapi», ils sont, eux, en fait des hommes adultes. En tchèque, un « chlap» n’est donc plus un « kluk » ou un « hoch» - un garçon ou un jeune gars, mais un mec, un vrai, un « dospělý muž», poilu on l’a dit et qui, c’est du moins ce que prétendent certaines étrangères vivant en République tchèque, ne dépense pas sa fortune dans les déodorants et autres anti-transpirants… Stop, stop, stop… En tant que fréquents usagers des transports en commun, précisons quand même qu’il nous semble que le portrait de l’homme tchèque qui vient ici d’être dressé est un peu beaucoup caricatural et que la situation s’est nettement améliorée. D’ailleurs, le plus beau prototype de l’homme tchèque n’est-il pas l’incomparable tombeur qu’était Karel Gott, le dieu Charles, qui lui préfère raconter en chantant tout ce qu’il se passe « quand un homme prend son petit-déjeuner avec une femme » - « Když muž se ženou snídá»…
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Un « chlap» est donc un homme. Mais parfois pas n’importe quel homme. En effet, le mot possède encore deux sens figurés. D’abord un sens positif, celui de sincère, franc, droit, bon et juste – « upřímný, přímočarý, spravný člověk». Nous sommes donc là en présence d’un mec bien, d’un « fajn člověk» ou d’un « fajn chlap», comme disent aussi les femmes tchèques, parfois aussi en soupirant parce que le chic type en question s’est déjà laissé séduire par une autre (une conne bien entendu le plus souvent)… Ach jo… Mais l’emploi du mot « chlap » peut également avoir une connotation légèrement négative ou péjorative, par exemple dans la phrase « Byl tam nějaký chlap», que l’on pourrait traduire comme « il y avait là un type », sous-entendu un individu quelconque. On entend là qu’il y a nettement moins d’estime et même de respect que dans la phrase « Byl tam nějaký pán» - « il y avait là un monsieur ». Et pourtant, dans les deux cas, que ce soit un « chlap» ou un « pán », il s’agissait bien d’un homme.
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De ce petit mot « chlap» l’on pourrait encore dire qu’on le retrouve dans des formes et des sens quelque peu différents dans la plupart des langues slaves. Ainsi, par exemple, en polonais, un « chlop » désigne ce que les Tchèques appellent, eux, un « sedlák» - un fermier, un paysan, tandis qu’en slovène, un « hlap » est une injure correspondant en tchèque à « hlupák», en français un idiot ou un imbécile…
C’est avec la « Balada o hlupácích» - la ballade non pas des gens et des hommes heureux de Gérard Lenormand mais « La ballade des idiots » de Jaromír Nohavica que s’achève ce « Tchèque du bout de la langue » spécial « chlapi». On se retrouve dans quinze jours avec du déodorant sous les bras, d’ici-là portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !