Les nationalistes ne sont pas les bienvenus à Prague

Marine Le Pen, Geert Wilders et Tomio Okamura, photo: ČTK/AP/Ondřej Deml

Le récent rendez-vous à Prague de plusieurs représentants de l’extrême-droite européenne, Marine Le Pen en tête, est le premier sujet abordé dans cette nouvelle revue de la presse. Cette semaine, les médias tchèques se sont également intéressés aux résultats de l’élection présidentielle en Ukraine. Quelques mots aussi en lien avec le 15ème anniversaire de l’entrée de la République tchèque dans l’Union européenne. Ce magazine se penche ensuite sur les problèmes de la sécheresse qui sévit en Tchéquie en dépit des précipitations de ces derniers jours. Nous rappelerons enfin la mort tragique, il y a cinq ans, de la chanteuse Iveta Bartošová à l’âge de 48 ans.

Marine Le Pen,  Geert Wilders et Tomio Okamura,  photo: ČTK/AP/Ondřej Deml
« Le cirque Okamura n’attire plus ». Tel est le titre d’un article publié dans le quotidien Reflex qui revient sur la tenue au centre de Prague, le 24 avril dernier, d’un rassemblement contre « le diktat de l’Union européenne » par lequel Tomio Okamura, leader du parti Liberté et démocratie directe (SPD), principale formation d’extrême-droite en Tchéquie, a ouvert sa campagne avant les élections européennes. Son auteur écrit :

« Ce jour-là, le chef du SPD semblait avoir tout pour lui : le beau temps, la présence sur le podium en haut de la place Venceslas de stars du nationalisme européen, le Hollandais Geert Wilders et la Française Marine Le Pen et, surtout, un concert du groupe phare de nationalistes locaux appelé Ortel. Ce cadre n’a pourtant fait qu’accentuer le résultat sinistre du rassemblement auquel un millier de personnes à peine a pris part et contre lequel des centaines d’opposants ont manifesté. Au lieu de faire preuve de sa force dans la capitale, comme il l’espérait, Tomio Okamura a été contraint d’admettre que son parti ne pouvait s’appuyer que sur des sympathisants dans certaines parties du pays, notamment dans les régions industrielles de la Bohême et de la Moravie du Nord. »

Populiste et nationaliste, Tomio Okamura joue en toute occasion la carte de l’immigration. Toutefois, dans un pays dont les habitants n’ont pratiquement aucune chance d’apercevoir un migrant illégal, celle-ci n’a d’effet que pendant un certain temps. D’autant que de toute évidence aucune vague migratoire venant d’Afrique et du Proche-Orient ne s’apprête à déferler sur la Tchéquie, remarque sur un ton ironique l’auteur de ces lignes. Selon lui, on peut donc s’attendre à ce que le « mainstream » nationaliste se cherche un nouveau leader plus acceptable, quelqu’un comme Václav Klaus junior par exemple.

L’élection présidentielle en Ukraine vue de Tchéquie

Volodymyr Zelensky,  photo: ČTK/AP/Vadim Gchirda
L’élection présidentielle en Ukraine a dominé l’agenda international de la presse tchèque de cette semaine. Dans une analyse consacrée à cet événement dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt, on peut lire :

« La victoire de Volodymyr Zelensky a soulevé dans les pays à l’ouest de l’Ukraine, donc en Tchéquie aussi, deux questions. D’abord celle de savoir ce que l’on peut attendre d’un humoriste qui ne dispose d’aucune expérience politique et, puis, la question de savoir ce que l’on doit penser d’un pays qui choisit un tel président. »

« On ne sait pas ». Telle est, toujours selon le magazine Respekt, la seule réponse correcte à la première question. Et c’est probablement Zelensky lui-même qui ne le sait pas. En ce qui concerne le deuxième point, les électeurs ukrainiens semblent avoir voulu donner une leçon aux politiciens au pouvoir ainsi que tout simplement un changement. Il ne s’agit pas d’une situation exceptionnelle, écrit le commentateur en référence à l’élection de Donald Trump avant de poursuivre :

« S’agissant de l’absence de programme chez Zelensky, le public tchèque a devant les yeux l’exemple d’Andrej Babiš qui en 2013 a séduit les électeurs en leur promettant de travailler, de faire venir des professionnels en politique et d’assurer une vie meilleure. Une promesse vague, dépourvue de contenu authentique. »

De toute façon, remarque le commentateur en conclusion, il n’y a pas lieu de percevoir l’Ukraine comme un cas bizarre et isolé, car « dans le monde d’aujourd’hui, l’élection de Zelensky est en fin de compte compréhensible et pertinente. »

Les atouts de l’Union européenne, un sujet « tabou » en Tchéquie

Photo illustrative: European Parliament on Foter.com,  CC BY-NC-ND
Ce 1er mai, 15 ans se sont écoulés depuis l’entrée de la République tchèque dans l’Union européenne. Une occasion pour le commentateur de l’hebdomadaire Ekonom de dresser un petit bilan économique de cette période et de constater qu’en dépit du profit indiscutable que le pays en a tiré, les politiciens et les hommes d’affaires tchèques hésitent à être élogieux. Il écrit :

« Ce jour-là, les gens ont fêté l’entrée du pays dans l’Union européenne, en beauté et tout en solennité, sur la place de la Vieille-Ville à Prague. Pour la majorité de la population, cet acte a signé pour de bon l’appartenance du pays dans la famille des démocraties occidentales. Mais le président d’alors, Václav Klaus, a accueilli ce moment clé en grimpant au sommet du mont mythique de Blaník, un symbole du patriotisme lié à de nombreuses légendes. A ce moment-là déjà, le rapport ambigü des Tchèques vis-à-vis de l’Union européenne était visible. »

Au cours des quinze dernières années, la Tchéquie s’est enrichie, son niveau de vie représentant 89% de la moyenne européenne, en comparaison des 74% enregistrés avant son entrée dans l’Union européenne. Son taux de chômage est le plus bas à l’échelle européenne, tandis que sa croissance économique est supérieure à la moyenne des pays membres. Le commentateur souligne que c’est grâce à sa participation au marché européen unique que l’économie locale se développe dans une telle ampleur, la majeure partie des exportations tchèques étant destinées au marché communautaire. Mais il indique également :

« Les représentants des groupes et des entreprises tchèques n’ont pas le moindre doute s’agissant de l’importance de l’appartenance du pays à l’Union européenne, car ses avantages prévalent largement. Cela dit, ils sont assez rares à vouloir le déclarer en public. L’Union européenne est un sujet qu’ils occultent tout comme le font, dans une grande mesure, les politiciens tchèques. »

Lorsque la sécheresse revient et persiste

Photo illustrative: Goran Horvat/ Pixabay,  CC0
La sécheresse qui, aux dires des experts, a été alarmante dans le pays en ce mois d’avril, a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours. Un article publié dans le quotidien économique Hospodářské noviny rappelle que les pays tchèques ont connu des périodes sèches particulièrement graves dans le passé, par exemple au cours de la deuxième moitié du XIXè siècle. Il cite à ce propos le spécialiste de l’histoire du climat, Lukáš Dolák :

« Aujourd’hui, la situation est pourtant foncièrement différente en raison d’une plus grande dépendance à l’eau, des activités industrielles et de la nouvelle situation démographique. Et si, par le passé, l’homme n’était pas responsable des caprices du climat, depuis la révolution industrielle, il représente l’une de leurs causes principales. Or, se débarrasser peu à peu de la dépendance au charbon est la première décision que la Tchéquie est désormais invitée à prendre. »

Dans un entretien accordé au journal Lidové noviny de samedi dernier, le biologiste Jan Pokorný a défendu une autre hypothèse :

« Les civilisations lointaines comme la Mésopotamie, l’Afrique du Nord ou la vallée de l’Indus ont toutes subi la sécheresse. Et pourtant, elles n’augmentaient pas la concentration du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, car elles ne brûlaient pas les combustibles fossiles, n’utilisaient pas le charbon. Ce constat prouve que c’est la mauvaise gestion de l’eau et de la végétation dans le paysage qui est avant tout responsable de l’état actuel. »

Pour lui, il est donc déplacé de se focaliser uniquement sur les gaz à effet de serre et d’ignorer l’impact direct de ce dernier aspect sur le climat.

La chanteuse Iveta Bartošová, une carrière brillante et un destin tragique

Iveta Bartošová,  photo: David Sedlecký,  CC BY-SA 4.0
Le site echo24.cz a rappelé la mort, il y a cinq ans de cela, de l’une des chanteuses tchèques les plus populaires des années 1980 et 1990, Iveta Bartošová, qui s’est suicidée à l’âge de 48 ans en se jettant sous un train. L’occasion d’évoquer aussi le rôle néfaste joué dans cette tragédie par les tabloïds et les paparazzis :

« Très populaire à l’époque, Iveta Bartošová a été sacrée à trois reprises chanteuse de l’année. Sa carrière a décliné au gré de sa dépendance à l’alcool et aux médicaments. Après avoir tenté à plusieurs reprises et en vain, de relancer sa carrière défaillante, la chanteuse est devenue une proie facile et très sollicitée des tabloïds qui suivaient le moindre de ses excès et de ses extravagances. La demande en information sur la chanteuse était alors immense. ‘Elle se tue, mais nous qui la suivons, nous allons la tuer aussi’ disait peu avant sa mort un journaliste connu de la presse people. »

Il n’est donc guère étonnant que la mort tragique d’Iveta Bartošová ait soulevé une nouvelle vague d’intérêt pour ses disques. Cet intérêt a ensuite peu à peu décliné, mais les tubes de la chanteuse restent inscrits sur les playlists des radios.