Les nazis au service du régime communiste
Cinquante-sept ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la supposition des historiens concernant le destin de nazis arrêtés par le régime communiste est confirmée: l'ancien régime protégeait les criminels nazis pour profiter de leurs expériences. En échange de la liberté, ils étaient forcés à travailler pour les services d'espionnage communistes. Voici donc l'histoire d'espions nazis au service du pouvoir communiste.
L'office de documentation et d'enquête sur les crimes du communisme a découvert une liste unique comprenant les noms de dix-sept criminels de guerre allemands retenus dans des prisons tchécoslovaques. La police communiste a forcé ces derniers à signer un engagement de collaboration avec elle. On a appris donc que ce n'était pas seulement l'assassin de Lidice, Max Rostock, ou le commandant du massacre à Plostina, Werner Tutter, mais beaucoup d'autres criminels de guerre qui ont collaboré avec les services d'espionnage communistes en échange de leur liberté.
Pour le moment, estiment les employés de l'Office, personne ne sait si tous les criminels de guerre qui figurent sur cette liste ont vraiment rempli leur rôle d'espions en faveur du camp communiste d'alors. On ne sait pas non plus si quelqu'un d'entre eux est encore en vie et si cette liste est définitive. Souvent il s'agissait des cas révoltants, dont les acteurs principaux étaient des anciens membres de la SS, de la Gestapo ou des services de sécurité allemands, le SD.
Dans les années cinquante, le président Antonin Zapotocky, successeur du premier président «ouvrier» Klement Gottwald a accordé la grâce secrète à quatre officiers nazis condamnés à mort. Parmi ceux-ci Max Rostock, membre des unités SS et commandant du Service de sécurité de Kladno, condamné pour avoir organisé et participé personnellement au massacre de Lidice. Pendant ce massacre, le 10 juin 1942, les nazis ont assassiné presque 200 hommes, rasé le village et déporté presque 200 femmes et leurs enfants dans des camps de concentration. Selon les documents, Rostock était non seulement un subordonné sans scrupule prêt à remplir n'importe quelle tâche mais aussi un voleur cynique. Lorsqu'il a pillé la cure de Lidice et assommé brutalement le curé de 73 ans à coups de pieds, il s'est mis à raconter à ses compagnons la blague suivante: « Le curé l'a bien arrangé. Grâce à ses prières et ses bénédictions, les villageois sont montés sur l'échafaud comme des brebis ». Convaincu que c'était une très bonne blague, Rostock en riait comme un fou. En 1951, non seulement Max Rostock mais aussi Richard Schmidt, qui a ordonné de bombarder un village en Slovaquie, Ernest Hitzegrad, collaborateur de K.H.Frank, et Kurt Max Walter Richter, membre de la Gestapo de Jicin, ont été condamnés à la peine capitale. Deux ans plus tard, leur cas a été soumis au secrétariat politique du Comité central du Parti communiste tchécoslovaque. Celui-ci a changé le verdict initial pour les condamner à la prison à vie. Zapotocky a signé la grâce en décembre 1953. Mais les condamnés n'ont pas passé beaucoup de temps en prison. Après avoir signé un engagement de collaboration avec la police communiste, ils étaient expulsés en Allemagne. Les documents ne relèvent point ce qui a conduit Zapotocky à changer le verdict; c'était peut-être un ordre de Moscou. Le travail de Rostock pour les Services d'espionnage tchécoslovaques ne durait pas longtemps, car il a révélé la vérité sur sa collaboration avec les communistes et a mené un jeu d'espionnage bizarre avec Prague. Max Rostock est mort en 1986 en Allemagne.
Les documents prouvent aussi que le régime communiste se comportait mieux avec les nazis qu'avec ses propres prisonniers politiques. Le président Zapotocky a accordé la grâce à des nazis mais son comportement avec les prisonniers politiques était impitoyable; il en a fait exécuter quarante-sept. Lors de leur incarcération, les criminels de guerre jouissaient aussi des privilèges dont leurs collègues politiques ne pouvaient que rêver. Rostock, par exemple, ne recevait pas la seconde portion pour ne pas attirer l'attention des autres mais on le sortait régulièrement pour dîner dans un restaurant ou pour faire des promenades pendant le week-end. Une fois, ils l'ont emmené à Lidice pour se souvenir de ses actes atroces. Ainsi, les documents aident à renverser l'un des mythes sur les communistes, qui étaient considérés comme des combattants intransigeants contre le fascisme.
Un autre nazi protégé par le régime communiste s'appelait Werner Tutter. Cet Allemand pragois né en 1909 est devenu commandant-adjoint de l'unité nazie spéciale «Joseph», composée d'Allemands tchèques et slovaques. Elle a sur son compte plusieurs communes rasées, le meurtre de 44 partisans slovaques et d'une cinquantaine dans les pays tchèques. Parmi les interventions les plus brutales effectuées par cette unité, il y a celle à Plostina, une commune morave, où 27 habitants civils sont brûlés vifs dans leurs maisons incendiées. La guerre terminée, Tutter est condamné pour ses crimes mais il ne passe en prison que six ans. En 1953, il est contacté par la police communiste qui l'envoie en Allemagne de l'Ouest. La vérité sur le passé de Tutter a été révélée en 1962, lors d'un procès contre le groupe nazi Edelweis opérant à Banska Bystrica pendant la guerre. Les informations sont à tel point choquantes que la police secrète suspend la collaboration avec lui. Selon des témoignages, Tutter fut un commandant brutal qui non seulement ordonnait mais exécutait lui-même des meurtres. Werner Tutter est mort en 1983.
La collaboration du régime communiste avec les nazis est une chose choquante. Cela d'autant plus que les communistes ne cessaient jamais de se déclarer les adversaires intransigeants du fascisme. L'historien Vilem Precan voit ce problème de la façon suivante: « Du point de vue des principes de l'idéologie communiste concernant la lutte des classes contre la bourgeoisie et l'impérialisme mondial, tous les moyens ont été justifiés. Mais d'un autre côté, le pouvoir communiste savait très bien combien ces informations sont dangereuses. C'est pourquoi tout ce qui concernait les nazis au service du communisme était classé très secret. En effet, ce secret a survécu à la chute du communisme de dix ans », estime Vilem Precan.