Les photos de Vaclav et Jiri Jiru, de l'entre-deux-guerres jusqu'à aujourd'hui

Photomuseum, photo: Jiri Jiru

Bonjour à tous ! Je vous invite à une exposition de photographies de Vaclav Jiru et de son neveu Jiri, reporter-photographe des journaux et magazines internationaux à Bruxelles et, pendant sept ans, photographe personnel de l'ex-président Vaclav Havel. Jiri Jiru est l'invité de cette émission.

Des femmes surtout... une qui mange un yoghourt, sur une publicité datant de 1935, une autre qui patine, avec un homme à la silhouette floue, peut-être sur la Vltava, en hiver 1936... Une autre encore qui échange quelques mots, semble-t-il, avec un policier nazi, à l'entrée d'une gare. C'était en 1939.... C'est Vaclav Jiru (1910-1980) qui est auteur de ces photos, exposées jusqu'au 14 avril à la Délégation Wallonie-Bruxelles, rue Myslikova, à Prague.

L'oeuvre du fondateur et rédacteur en chef de la revue « Photographie » et membre de la prestigieuse association AFIAP est aujourd'hui redécouverte par le public, grâce à son neveu Jiri, lui aussi photographe. Jiri Jiru est également à l'origine de cette exposition pragoise. On l'écoute :

« J'ai quitté le pays en 1968, pour la Belgique. Mon oncle est resté à Prague, malheureusement pour lui. Comme il n'était pas d'accord avec l'invasion russe en Tchécoslovaquie, il a dû quitter son magasin photo qu'il avait lui-même ouvert. Quand je suis retourné, il était déjà mort et j'étais surpris de constater qu'ici, les gens ne connaissaient pas ses oeuvres ! Pourtant, il a publié onze livres et travaillé pour les grands journaux nationaux. En plus, ma tante a offert ses négatifs au Musée national. Finalement, j'ai pu les voir et monter ensuite cette exposition. Je l'ai fait pour lui, et aussi pour moi. Quand j'étais adolescent, je tenais son flash, je développais ses photos... Je l'admirais parce qu'il travaillait tout le temps, douze heures par jour... Il m'a tout appris, en fait. »

A la Délégation Wallonie-Bruxelles, Jiri Jiru expose, à part les photos de son oncle Vaclav, également les siennes. Elles sont aussi en noir et blanc, on y retrouve de nouveau des femmes et des images fugaces qui reflètent la vie quotidienne des Tchèques, Hongrois, Russes, Belges, Français... La ressemblance des styles des deux photographes est évidente. Jiri Jiru :

« J'étais presque choqué quand j'ai mis mes photos à côté des siennes. En voyant les photographies qu'il avait faites avant la Deuxième Guerre mondiale et que je ne connaissais absolument pas, j'ai eu l'impression d'avoir fait presque la même chose. En plus, moi, j'étais, pendant un certain temps, photographe du président Havel et mon oncle, lui, photographiait les présidents Masaryk et Benes. Ça, je ne le savais pas non plus. Je crois qu'il était même ami de Benes, parce qu'il le photographiait en privé. »

Etudes à l'Institut national supérieur des arts du spectacle et techniques de diffusion de Bruxelles, des collaborations avec Newsweek, TIME, Paris Match ou National Geographic, expositions un peu partout en Europe... En Belgique, Jiri Jiru a réussi une très belle carrière. Comment a-t-elle démarré ?

« Au début, j'avais une bourse mensuelle de 1000 francs belges, aujourd'hui, ce serait autour de 30 euros. J'ai étudié à l'INSAS, chez le professeur Delvaux. Pour gagner un peu d'argent, j'ai travaillé dans un laboratoire noir et blanc. Un jour, l'hebdomadaire Télé Moustique m'a demandé de faire un reportage sur les Bee Jees qui étaient à Bruxelles. On m'a proposé 6 000 franc belges, donc l'équivalent de mon salaire mensuel au labo ! A ce moment-là, j'ai décidé de travailler comme photographe 'free lance'. Je suis devenu photographe des grands journaux new-yorkais à Bruxelles. »

Existe-t-il une ou plusieurs photos de cette période-là, dont vous êtes particulièrement fier ?

« Oui, je suis assez fier des Joueuses aux échecs, une photo que j'ai prise en faisant un reportage dans les bains hongrois. Elle a fait la couverture de New York Times. Et puis, ce qui était assez exceptionnel pour moi, c'est qu'en 2000, alors que je travaillais pour Vaclav Havel, le Roi et la Reine des Belges sont venus à Prague. J'ai fait leur portrait, avec le Château de Prague derrière et cette photo-là me tient aussi à coeur. »

Comment êtes-vous devenu photographe personnel de Vaclav Havel ?

« C'était aussi grâce à la Belgique. Quand le Roi Baudouin est décédé, le président Havel est venu aux funérailles. A cette occasion, j'ai rencontré les représentants de la chancellerie. A ce moment-là, le président n'avait pas de photographe, alors ils m'ont proposé ce travail. Son aspect le plus intéressant, c'étaient évidemment les voyages, parce qu'on a vraiment fait le tour du monde. Sauf que... Je peux dire que j'étais sur la fameuse plage brésilienne Copacabana, mais seulement deux heures et demie... On était à l'Ile de Pâques, mais pendant six heures, pas plus...Sinon, je dois dire que j'étais content de pouvoir faire ce travail, même s'il n'était pas question de faire des photos artistiques, mais purement documentaires. On ne peut pas toujours faire de la photographie artistique. Je suis content que mes négatifs soient au Château de Prague, comme ça, les futures générations pourront travailler avec. »

L'exposition de photographies de Vaclav et Jiri Jiru, intitulée « Les gens - Lide », c'est jusqu'au 14 avril à la Délégation Wallonie-Bruxelles, à Prague. Je vous suggère aussi de visiter le Photo Museum Jiru, rue Jaromirova, à Prague 2.

Auteur: Magdalena Segertová
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