Les violences domestiques en hausse à cause de la pandémie de Covid-19
Depuis le mois de mars, les associations d’aide aux victimes de violences domestiques et les sociologues constatent une augmentation du nombre de délits de violences domestiques en République tchèque. La sortie du premier confinement n’a pas amélioré la situation.
La République tchèque ne fait pas figure d’exception. Comme dans la plupart des pays, les mesures de confinement y ont entraîné une hausse des violences domestiques, que celles-ci soient physiques, sexuelles ou psychologiques. Les femmes en sont les principales victimes et les enfants les principaux témoins, selon les associations en charge de leur protection. Les sociologues Dana Moree de l’Université Charles et Blanka Nyklová de l’Académie tchèque des sciences ont mené une recherche sur le sujet pendant le premier confinement. Les résultats sont sans appel, affirme Blanka Nyklová :
« Les associations ont enregistré une hausse des demandes pour leurs services d’assistance aux victimes de l’ordre de 30 à 40% en moyenne pendant et après le premier confinement au printemps. Une baisse de ce chiffre a été observée à la fin du premier confinement, mais il est récemment remonté, ce qui est particulièrement inquiétant. Les statistiques de la police et de la justice ne sont pas les mêmes que celles des associations. Selon les chiffres officiels, les violences domestiques n’ont pas augmenté pendant la pandémie. Cela s’explique par le fait que la police prend en considération les actes de violence en fonction du nombre d’expulsions de personnes violentes de leur foyer. Or, toutes les personnes violentes ne sont pas forcément expulsées, et c’est pourquoi les chiffres des associations sont généralement plus proches de la réalité que ceux de la police et de la justice. »
Toutes les violences domestiques ne font pas l’objet d’une plainte. Plus médiatisés, les cas de violences sexuelles ou physiques font passer au second plan celles d’ordre psychologique : harcèlement, humiliations, menaces, etc.
Branislava Marvanová Vargová est psychologue et responsable du centre Rosa, qui aide les femmes victimes de violences conjugales depuis près de trente ans. Elle explique que d’après un rapport réalisé par un groupe d’associations en 2014, 47% des femmes tchèques affirment avoir été victimes de violences psychologiques. Celles-ci étant rarement rapportées à la police, il est difficile de trouver des preuves pour des personnes qui, d’ailleurs, s’identifient rarement comme victimes de violences. Elles ne sont souvent pas prises au sérieux par les institutions, qui ne voient là que de simples disputes de couple. La situation actuelle contribue à renforcer ces violences domestiques, confirme pourtant Branislava Marvanová Vargová :
« Les partenaires violents essayent de couper leurs victimes du monde extérieur et c’est plus facile d’isoler quelqu’un pendant le confinement. De plus, si vous vivez vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec une personne violente, cela augmente le risque d’escalade de la violence. C’est également plus difficile pour les femmes de trouver de l’aide, car si elles sont en permanence avec le partenaire violent, ce n’est pas évident d’appeler la police ou de venir dans un centre d’aide comme Rosa, car, souvent, leurs partenaires cherchent à les contrôler à l’extrême. Ils leur posent beaucoup de questions sur leurs sorties du domicile par exemple. Nous avons comparé nos chiffres de mars à octobre 2020 avec ceux de 2019, et nous avons relevé 60% d’appels et contacts supplémentaires cette année. »
Même en dehors des périodes de confinement, les violences domestiques sont renforcées indirectement par la pandémie de Covid-19 en raison de la crise économique. La perte de l’emploi rend dépendante financièrement une personne de son conjoint, et, en cas de violences conjugales, il est plus difficile de fuir, de payer un loyer ailleurs. Les femmes tchèques restent d’ailleurs plus souvent au foyer que leur conjoint, et une grande partie des tâches domestiques sont à leur charge, ce qui renforce la dépendance financière.
D’autres conséquences des restrictions sanitaires expliquent la hausse des violences depuis le mois de mars en République tchèque. Blanka Nyklová et Branislava Marvanová Vargová s’entendent pour dire que les associations n’étaient pas préparées à ces restrictions, ce qui empêche une prise en charge correcte des victimes :
« La situation a été inédite pour tout le monde. Nous n’avions pas de masques pendant les deux premières semaines, et c’était aussi un problème pour les femmes que nous avons placées en résidence protégée. Nous avons cousu nos propres masques pour leur en donner. Nous avons installé sur notre site une messagerie directe, un tchat, et avons mis en place une ligne téléphonique mobile supplémentaire, car les contacts de personne à personne ont été réduits au minimum. »
D’autres services comme ceux de la police ou de la justice ont connu des dysfonctionnements pendant la première vague au printemps. En République tchèque, la police a le droit d’expulser un auteur de violences domestiques de chez lui pour protéger les autres membres du foyer, d’abord pour dix jours, puis plus si nécessaire. Cependant, la police est parfois confrontée à des dilemmes. Comment expulser quelqu’un qui est positif au Covid-19, ou qui est un cas contact ? La police a donc pu surveiller les familles concernées en coopération avec les municipalités pour s’adapter à la situation.
Concernant la justice, les tribunaux n’ont pas arrêté de fonctionner, mais ils ont néanmoins tourné au ralenti. Les procédures plus longues ont entraîné une augmentation des violences, car la séparation et la prise en charge des enfants représentent des facteurs de risques.
Il a également été plus difficile de contacter les travailleurs sociaux, car les horaires d’accueil du public ont été réduits. Or, il est nécessaire de les contacter pour la garde des enfants notamment.
Des mesures avaient été mises en place au printemps pour aider les victimes comme la création de l’application Bright Sky CZ ou la distribution d’informations à destination des livreurs et facteurs pour signaler les violences domestiques.
Ces violences ne sont toutefois pas nouvelles et constituaient bien évidemment déjà un problème avant la pandémie. C’est ce qu’a conclu Blanka Nyklová au terme de son enquête :
« Nous avons présenté ces données à un comité gouvernemental pour la prévention des violences faites aux femmes. Mais certaines données semblent montrer que tout n’est pas dû à la pandémie : les violences domestiques sont un problème général, que ce soit en ce moment ou pas. »
Si vous êtes victime ou témoin de violences domestiques, vous pouvez appeler le 116 006, disponible 24h sur 24 et 7 jours sur 7 ou contacter la fondation Rosa au +420 602 246 102, par mail [email protected] ou par tchat sur leur site rosacentrum.cz.