La convention d’Istanbul, « garantie que la lutte contre les violences domestiques reste prioritaire »
Les statistiques policières indiquent une augmentation d’une année à l’autre des cas signalés de violences domestique et sexuelle en Tchéquie. La police a enregistré 430 cas de violence domestique l’année dernière, tandis que cette année, on en compte 274 rien qu’au cours des six premiers mois. Radio Prague Int. a interrogé Branislava Marvánová Vargová, responsable du comité gouvernemental chargé de la prévention des violences domestiques, pour tenter d’en savoir plus sur ce que recouvrent ces chiffres.
Que signifient réellement ces chiffres ? Indiquent-ils que les violences domestique et sexuelle sont en hausse, et si oui, pourquoi? Ou est-ce simplement que davantage de personnes décident de porter plainte ?
« C’est une bonne question, car si nous parlons de données administratives, comme les données de la police, par exemple, nous savons que le nombre de cas signalés représente en réalité la partie émergée de l’iceberg en termes de prévalence des violences domestiques. Ainsi, il est difficile à partir de ces chiffres de conclure que le nombre de cas est en augmentation.
Je dirais qu’il y a plus de cas signalés, ou qu’un plus grand nombre de cas signalés sont qualifiés comme un crime parce qu’il s’agit d’un abus envers une personne vivant sous le même toit. En effet, il pourrait y avoir un plus grand nombre d’incidents signalés, mais ils ne sont peut-être pas nécessairement classés comme des actes criminels. »
Lors d’une conférence de presse le 24 août, vous avez déclaré que ces deux ou trois dernières années, les meurtres de femmes et d’enfants suivis du suicide de l’auteur avaient augmenté, et que dans de tels cas, l’auteur menace souvent de se suicider plus tôt, ce qui accroît le risque de meurtre. Pourriez-vous expliquer ce que vous vouliez dire ?
« Ce que nous constatons à partir des statistiques de la police, c’est qu’il y a un nombre croissant de meurtres où la victime et l’auteur sont en relation. D’après l’expérience du centre d’aide aux victimes de violences domestiques, nous savons que dans de nombreux cas, l’auteur des violences domestiques menace également de se suicider.
C’est un facteur de risque, dans la mesure où si l’auteur envisage déjà de se suicider, il peut y avoir un risque plus élevé qu’il entraîne, pour ainsi dire, la victime ou les enfants dans son sillage, qu’il commette un meurtre puis un suicide. Ainsi, la menace de suicide peut constituer un facteur de risque pour des meurtres futurs. »
Donc, cela signifie que pour les victimes de violences domestiques, si leur partenaire menace de se suicider, elles devraient vraiment prendre cela très au sérieux ?
« Oui, également du point de vue de leur propre sécurité. Bien sûr, nous ne savons pas pour les statistiques des deux ou trois dernières années dans combien de cas cette menace a été proférée. Mais nous savons d’après des études menées à l’étranger et d’après la pratique que cela pourrait être un facteur de risque.
Ce que nous devrions améliorer en Tchéquie, c’est la collecte de données sur les féminicides et les meurtres résultant des violences domestiques, et analyser ces cas pour voir si la victime avait été en contact avec les autorités auparavant, si elle avait signalé des incidents antérieurs et s’il y avait eu ou non des interventions. Ces données nous seraient très utiles pour déterminer s’il y a un espace pour améliorer la protection des victimes. »
Parlons de la Convention d’Istanbul :pour l’instant, il semble peu probable qu’elle soit ratifiée par le Parlement car elle fait face à beaucoup d’opposition au Sénat. Mais si elle était adoptée, en quoi aiderait-elle les victimes des violences domestiques ?
« Cela contribuerait à améliorer et à garantir l’ensemble du système pour une approche globale. Elle apporte de nombreuses possibilités d’amélioration. Il ne s’agit pas seulement de législation, mais aussi de l’engagement de la République tchèque à faire en sorte que ce sujet reste une priorité, quelle que soit la couleur politique du gouvernement. C’est un engagement indiquant que ce sujet est sérieux et que la République tchèque souhaite y faire face.
La convention est essentiellement une liste de contrôle des améliorations à apporter et des vérification à effectuer pour savoir si nous mettons déjà en œuvre certaines choses ou si nous devons mettre au point un mécanisme pour respecter la Convention. Ainsi, d’une part, elle peut influencer des changements concrets dans la législation, les méthodologies ou les approches, et d’autre part, c’est aussi un engagement à long terme qu’il y aura suffisamment de services pour les victimes, un financement adéquat pour ces services et une formation pour les professionnels en contact avec les victimes. Donc, c’est très important aussi en termes de prévention de la violence. »
Enfin, le gouvernement a présenté hier un plan d’action pour la prévention des violences domestique et sexiste pour les trois prochaines années. A votre avis, est-ce suffisant ?
« C’est le meilleur que nous puissions obtenir pour le moment et le meilleur que nous ayons eu jusqu’à présent. D’après notre expérience avec les plans d’actions précédents, il est certainement bénéfique d’avoir des plans de ce type, car ce sont clairement des outils pour améliorer les choses.
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Cependant, nous savons également que ce plan d’action est un document gouvernemental, et qu’il ne nous permet pas d’atteindre les municipalités ou les gouvernements régionaux qu’il est également important d’inclure dans la prévention et la lutte contre les violences domestiques.
Donc, le plan d’action est une pièce importante du puzzle, mais la ratification de la Convention d’Istanbul serait une autre pièce importante qui compléterait l’image globale de l’aide et du soutien apportés aux victimes de violences domestiques. »