L'exposition du réalisme socialiste tchécoslovaque : un remèdecontrel'amnésie

Photo: CTK

Les communistes avaient les pieds bien sur terre. Ils glorifiaient le réalisme et méprisaient toute forme de spiritualité. Eh bien, en novembre 2002, treize ans après la chute du régime, le réalisme et la spiritualité se rencontrent, à Prague. Au palais du Rodolphinum, sur le quai de la Vltava, on présente, jusqu'au 9 février prochain, le réalisme socialiste tchécoslovaque dans l'art plastique. Si vous traversez la rivière, vous pouvez visiter, au Sénat, l'exposition consacrée à la Bible dans les pays tchèques. Je vous y inviterai une autre fois. Aujourd'hui, nous allons plonger dans l'ambiance des années 1950...

Le réalisme socialiste, doctrine artistique et littéraire, voit le jour en URSS dans les années 1930. Des portraits monumentaux de Lénine, des étoiles et drapeaux rouges, des ouvriers et kolkhoziennes enthousiastes, des mines, des usines... Voilà le "dur" réalisme soviétique. En 1947, il est présenté à Prague et soulève une polémique houleuse. Un an plus tard, après le putsch communiste, il devient la seule voie officielle en art tchécoslovaque. Mais... comparé à l'URSS, le réalisme en Europe centrale est quand même plus modéré. Et l'exposition pragoise, regroupant les oeuvres, crées entre 1948 et 1958, le montre très bien. Au Rodolphinum, vous verrez un mélange de sujets divers : le premier Président communiste en Tchécoslovaquie, Klement Gottwald, enfant, jeune, adulte, dans sa chambre ou en train de prononcer un discours... des portraits de Marx et de Staline, des colombes de la paix, des enfants à la maternelle, des jeunes audacieux... et aussi des paysages romantiques, innocents, des peintures glorifiant les grands moments de l'histoire tchèque... les constructions des barrages, les images de la vie de tous les jours...

Tereza Petiskova, commissaire de l'exposition, caractérise le contexte, dans lequel ces oeuvres ont été crées :

L'exposition du réalisme socialiste tchécoslovaque,  photo: CTK
"C'est une décennie assez particulière. La scène artistique tchèque s'était divisée en deux parties : à savoir l'art officiel, soutenu par l'Etat, que nous présentons ici, et la création non officielle. Nous commençons par l'année 1948, où les communistes arrivent au pouvoir, et nous nous arrêtons en 1958 qui est une année symbolique : la culture tchécoslovaque moderne remporte un immense succès à l'Expo de Bruxelles et elle est officiellement acceptée par les autorités d'alors."

Est-ce que, parmi les tableaux exposés, Tereza Petiskova en trouverait un qu'elle voudrait mettre dans son appartement ?

"Certainement. Dans la salle qui est consacrée au retour à la peinture traditionnelle, je choisirais un ou deux paysages, les vues des Hauteurs tchéco-moraves, par exemple".

L'exposition du réalisme socialiste tchécoslovaque,  photo: CTK
L'exposition du réalisme socialiste tchécoslovaque est une sorte de témoignage, disent ses organisateurs. On ne juge pas ce qui est bon et ce qui est mauvais. C'est au public de se faire son opinion, soulignent-ils dans les médias. En effet, l'exposition dresse un tableau d'une époque assez particulière, qui fait partie de l'histoire du pays. Vouloir l'oublier signifie devenir amnésique. Ce qui est bien dangereux... Les Tchèques ne sont pas les seuls à s'en rendre compte : de pareilles expositions ont déjà été organisées dans plusieurs pays ex-communistes. Mais... mettre sur pied un tel projet n'est pas facile du tout. Les tableaux que l'on voit aujourd'hui au Rodolphinum (certains sont signés de peintres connus) ont été éparpillés un peu partout dans le pays. Il a fallu les trouver, sortir des dépôts et, souvent, restaurer. Et puis, communiquer avec leurs propriétaires, avec les héritiers d'auteurs, n'a pas été évident non plus. Tereza Petiskova...

"J'ai très peu communiqué avec les artistes de l'époque. Il n'y en a pas beaucoup qui sont encore en vie. Et pourtant, la création officielle des années 50 reste quelque chose de très sensible. C'est une période compliquée, difficile à analyser. Et aussi, assez souvent, un sujet de discussion à éviter..." Ajoutons que le cinéma, l'architecture, la mode, la littérature et les médias des années 50 seront au coeur de débats, festivals et autres manifestations, organisées à Prague, dans le cadre de ce projet, dans les semaines à venir.

Auteur: Magdalena Segertová
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