« Mes étudiants à Dijon sont curieux, car l’Europe centrale est négligée dans les cours d’histoire en France »
Professeure de tchèque en France, Kateřina Malečková a participé à la XVIe conférence internationale des écoles tchèques à l’étranger organisée début août à Prague. Au micro de Radio Prague Int., elle nous parle de l’enseignement du tchèque à l’Université de Bourgogne et à Sciences Po Dijon.
Kateřina Malečková, pourriez-vous tout d’abord nous raconter votre parcours ?
« Je travaille en France en tant qu’enseignante de tchèque depuis 2011. Je me suis d’abord installée à Nîmes où se trouve la section tchèque au Lycée Daudet. J’ai ensuite passé un an en Australie, où j’ai aussi enseigné la langue tchèque à l’école tchèque de Sydney. Puis je suis retournée en France, où j’ai poursuivi mon travail au sein de l’Université Paris-Sorbonne et j’ai découvert l’existence de l’École tchèque sans frontières à Paris. »
« J’ai ensuite travaillé à l’Université d’Aix-en-Provence pendant quatre ans. Maintenant, je suis à Dijon. Je travaille avec les élèves de la section tchèque au Lycée Carnot, ainsi qu’avec les étudiants de l’Université de Bourgogne et de Sciences Po. Ce sont des cours qui visent à acquérir un certain niveau afin de pouvoir communiquer en tchèque. La langue est perçue comme un outil de communication. Ce qui intéresse énormément les étudiants, et notamment ceux de Sciences Po, c’est notre histoire, notre civilisation, la culture tchèque. En France, l’Europe centrale et de l’Est est négligée dans les cours d’histoire, donc ils sont très curieux. Je suis heureuse de pouvoir trouver des pistes d’informations, de documentations sur le site de Radio Prague International par exemple. »
Combien d’étudiants avez-vous à Science Po ?
« À Sciences Po, en première année, ils étaient quinze. En deuxième année, ils étaient vingt-six. À l'issue des deux ans, ils doivent choisir où passer leur troisième année d’étude. Cinq ont décidé de poursuivre leurs études à Prague, à l’Université Charles. »
« À l’Université de Bourgogne, j'étais très surprise, d’avoir une quarantaine d’étudiants ! Le tchèque n’est pas leur spécialisation, c’est une option, mais quand même, ils ont trois heures par semaine : deux heures de langues et une heure de civilisation. Comme c’est une option, je n’insiste pas trop sur la grammaire. Je mets l’accent sur la communication et la prise de contact avec cette langue plutôt difficile. C’est une bonne opportunité de leur faire découvrir le pays des Tchèques et les relations franco-tchèques. »
Y a-t-il une différence entre les étudiants qui prennent le tchèque en option et entre ceux qui choisissent le tchèque comme sujet d’étude ?
« À Dijon, dans les deux établissements, le tchèque est une option. Comme ils ont d’autres langues, c’est plutôt une initiation à la langue tchèque. Il y a des étudiants qui travaillent, qui sont motivés, et qui atteignent un bon niveau à la fin de la deuxième année. »
Et pour ceux qui vont étudier à Prague ?
« Je pense qu’ils choisissent plutôt les programmes en anglais. Le tchèque n’est pas indispensable, mais je pense que ça leur facilite la vie en Tchéquie. Ils font des efforts pour avoir un niveau convenable. »
De manière générale, qu’est-ce qui pose le plus problème aux Français qui apprennent le tchèque ?
« Je pense que d’abord, c’est la sonorité de notre langue. Ils sont perplexes parce que quand ils voient des mots qui ne sont composés que de consonnes, ils ne comprennent pas, ça les fait rire. Il faut donc d’abord s’habituer à une autre sonorité. Je pense que le plus difficile, ce sont les déclinaisons qui n’existent pas en français, ou l’aspect verbal, perfectif, imperfectif, qui n’existe pas non plus en français ou dans d’autres langues qu’ils ont apprises. Mais sinon, il y a des choses qui sont plutôt faciles. Le tchèque n’a qu’un seul temps du passé, la prononciation est phonétique, donc il suffit d'apprendre chaque caractère et chaque lettre pour pouvoir lire. »
Comment concevez-vous vos cours ? Quelles sont vos sources d'information ?
« Il y a toujours une méthode ou un support principal. Aujourd'hui, nous avons de bons manuels, qui visent la communication, l’interaction, comme ‘Czech Step By Step’ de Lída Holá ou ‘Čeština expres’ qui est plus condensé et intensif. Sinon, on peut lire des textes qui sont adaptés ou regarder des films en tchèque sous-titrés en tchèque ou en français. Les étudiants aiment beaucoup regarder les films qui leur permettent également de comprendre certains événements historiques, ainsi que l’humour tchèque. Cela aide à comprendre la mentalité tchèque et à se préparer pour un séjour en Tchéquie. Chaque année, le gouvernement tchèque propose des bourses pour les étudiants français Ils ont l’occasion de participer aux universités d’été et de profiter d’un apprentissage intensif. C’est une immersion totale, ils vivent la réalité tchèque et je pense que ça leur plaît énormément. »
En ce mois d’août, vous participez à la conférence des écoles tchèques à l’étranger. Vous venez de participer à un séminaire. Quel était son sujet ?
« Les outils numériques qu’on peut introduire dans notre pratique et dans notre méthodologie. Il y a beaucoup d’applications et d’outils numériques qui peuvent enrichir l’enseignement, qui peuvent rendre l’apprentissage d’une langue étrangère plus interactif. Ça aide à devenir plus autonome pour les élèves ou les étudiants, car ils peuvent pratiquer eux-mêmes, ils ont une correction immédiate. Cela crée une collaboration, même si on n’est pas dans la même classe. On peut travailler ensemble depuis chez soi grâce à Internet et aux outils interactifs. L’apprentissage d’une langue étrangère a beaucoup changé depuis une dizaine d’années. Je pense que les étudiants et les élèves sont programmés un peu différemment aujourd’hui. Ils veulent apprendre les langues étrangères de manière différente, donc il faut suivre cette évolution et il faut s’y adapter. »
Pouvez-vous nous parler de votre expérience à Sydney ? Avez-vous pu connaître la communauté tchèque pendant l’année que vous avez passée là- bas ?
« Oui, un peu, c’est un peu par hasard que je suis tombée sur cette école tchèque qui fait partie du réseau des écoles tchèques à l’étranger, car je cherchais du travail. Une fois par semaine, le samedi, je passais la matinée avec mes élèves. C’était particulier, car les enfants sont très éloignés de l’Europe et de la Tchéquie. Ils ne peuvent vraiment pratiquer la langue qu’une fois par an ou tous les deux ans. Ils considèrent alors le tchèque plutôt comme une langue extraterrestre, car ils ne l’entendent qu’à travers leurs parents ou les grands-parents, mais en visio seulement. Donc, il a fallu rendre l’apprentissage de cette langue plus amusant et interactif. Il fallait plutôt montrer les coutumes, les traditions, la culture. C'était important pour eux de se réunir et de voir qu’il y a d’autres personnes qui parlent cette langue étrange et que ce n’est pas une langue inventée par leurs parents. »
Combien d'élèves aviez-vous à Sydney ?
« Les élèves avaient entre dix et douze ans, ils étaient une dizaine. Ça reste un engagement pour les parents et pour les familles. Ils doivent payer une scolarité, se rendre le samedi à l’école, ce qui n’est pas toujours évident, car Sydney est une grande ville. J’ai beaucoup de respect pour les parents qui permettent à leurs enfants de ne pas perdre leur héritage culturel. »