Migration - Refus des quotas : Tchèques, Hongrois et Polonais ont bien violé le droit de l’UE
Dans un verdict rendu jeudi, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a confirmé que la République tchèque, comme la Pologne et la Hongrie, n’avait pas respecté le droit de l'UE et avait manqué à ses obligations d’Etat membre en refusant d'accueillir en 2015, au plus fort de la crise migratoire, des demandeurs d'asile relocalisés depuis l'Italie ou la Grèce. A Prague, la décision, dont les termes étaient plus ou moins attendus, a été accueillie avec froideur.
Peu commenté ces jeudi et vendredi dans la presse tchèque, ce verdict rendu par la CJUE, qui avait été saisie en 2017 par la Commission européenne, est conforme aux conclusions qui avaient été formulées par son avocate générale en octobre dernier. Dans l’affaire en question, Eleanor Sharpston avait alors proposé pour solution de juger que les trois pays d’Europe centrale, très critiqués pour leur absence de solidarité, avaient manqué à leurs obligations en refusant de se conformer au mécanisme provisoire et temporaire de relocalisation obligatoire de demandeurs de protection internationale.
Ce mécanisme prévoyait de répartir, sur une période de deux ans, quelque 160 000 personnes dans le besoin d'une protection internationale depuis la Grèce et l’Italie, confrontées à un afflux massif de migrants, vers les autres Etats membres de l'UE.
Tchèques, Hongrois et Polonais avaient toutefois argumenté que leur refus – qui par la suite a été récupéré par les partis politiques pour en faire un thème central de leurs diverses campagnes électorales - se rattachait à une volonté de maintenir l’ordre public et de protéger leur sécurité intérieure. Si cette préoccuaption a été considérée comme étant justifiée par la justice européenne, celle-ci a néanmoins aussi jugé que le système des quotas en tenait suffisamment compte.Selon la Cour, les pays avaient la possibilité d’évaluer sur une base individuelle, au cas par cas et sans donc refuser le programme de relocalisation dans son ensemble, quels migrants représentaient une menace réelle ou potentielle. La Cour a estimé que Prague, Budapest et Varsovie « ne peuvent invoquer ni leurs responsabilités en matière de maintien de l'ordre public et de sauvegarde de la sécurité intérieure, ni le prétendu dysfonctionnement du mécanisme de relocalisation, pour se soustraire à la mise en œuvre de ce mécanisme, peut-on ainsi lire.
Nous avons tort, et alors ?
Pas davantage que les conclusions de l’avocate générale, le verdict de la CJUE n’a suscité de vive émotion à Prague. Au sein du gouvernement et dans les cercles proches du Premier ministre, on continue de considérer que le pays était dans son droit en refusant ces quotas, pourtant fruit d’une décision prise collectivement.Par ailleurs, les représentants tchèques ne manquent jamais l’occasion de rappeler que cette politique des quotas, qui n’a au bout du compte été respectée dans son intégralité que par cinq pays membres – les autres étant à leurs yeux des donneurs de leçons - a été un échec. Ce dernier argument, qui avait été avancé par Prague et qui a été qualifié « d’appréciation unilatérale », a toutefois également été balayé par la Cour, et ce même si, à la fin de l’année 2017, seuls effectivement 29 000 des 160 000 migrants initialement envisagés avaient bien été acceuillis dans les différents pays de l’UE.
Le verdict de la CJUE ouvre désormais la voie à de possibles sanctions financières. Mais pour les avocats des trois pays reconnus fautifs, c’est probablement bien là sa seule signification pratique, le système de quotas ayant finalement été abandonné et jeté aux oubliettes. Le tout avec une bonne dose d’hypocrisie des deux côtés de la barrière. Ainsi en va-t-il parfois de l’Union européenne.