Mozart vu par la presse tchèque
Cela n'étonne guère : le 250e anniversaire de la naissance de Mozart a dominé l'agenda culturel de la presse tchèque de ces derniers jours. Nous avons lu pour vous des articles s'y rapportant pour en retenir notamment ceux qui cherchent une réponse à la question de savoir qui était en réalité Mozart, une façon de tenter de « démythiser » les légendes attribuées au compositeur de génie, légendes dues en grande partie au film auréolé de plusieurs oscars « Amadeus » de Milos Forman.
Mozart et Prague... Les commentaires qui sont consacrés dans la presse tchèque à cet anniversaire « mozartien » n'omettent pas de rappeler, avec une certaine fierté bien sûr, les attachements qui liaient Mozart à la capitale tchèque. D'où le fait que Prague soit l'une des trois capitales, avec Salzburg et Vienne, où sont concentrées, tout au long de cette année, les principales manifestations se rapportant au 250e anniversaire de la naissance de Mozart : concerts, représentations théâtrales, expositions et autres.
Si Mozart a passé vingt-cinq ans à Salzbourg, ses séjours à Prague ont été nettement plus courts, mais très importants quand même. Au début de 1787, il y vint pour diriger « Les noces de Figaro » et la première représentation de sa Symphonie en ré majeur, appelée La symphonie pragoise. Quelques mois plus tard, il a parachevé, toujours à Prague, la composition de « Don Giovanni », opéra qui a remporté, lors de sa première au théâtre Nostitz, aujourd'hui Stavovske divadlo, un grand succès...
« Au total, Mozart a séjourné à Prague à cinq reprises », écrit le magazine Time In avant de poursuivre : « le dernier séjour que Mozart a effectué à Prague, durant l'été 1791, à l'occasion du couronnement de Léopold II roi tchèque, a été des plus sinistres. A la différence de Joseph II, grand amateur de musique, Léopold n'avait pas beaucoup de sympathies pour Mozart. Pour l'humilier, il s'est présenté avec un grand retard à la première de l'opéra « La Clemenza di Tito », composé pour l'occasion et donné au théâtre Nostitz. « Porcheria tedesca » (porcherie allemande), les mots prononcés à l'issue du spectacle par l'impératrice ont scellé le verdict sur l'opéra... Comble de tout, la cour n'a pas invité Mozart à participer aux festivités organisées à l'occasion du couronnement de Léopold roi tchèque ».
L'ensemble des journaux tchèques mettent en revanche en relief la grande popularité dont Mozart et sa musique - notamment des airs des « Noces de Figaro », devenus à l'époque de véritables « tubes » - jouissaient dans les pays tchèques. Ils soulignent en outre que son décès y aurait provoqué une plus grande émotion que dans son pays natal. « Lorsque le 5 décembre 1791 Mozart est mort, un requiem lui a été consacré à l'église Saint-Nicolas, à Prague. Quelque quatre mille Pragois y ont assisté pour lui rendre hommage », constate le quotidien Lidove noviny.« Pour un chanteur ou une cantatrice, la musique de Mozart est difficile à tout point de vue », se confie dans la presse l'une des plus grandes mezzo-sopranos tchèques, Dagmar Peckova, qui a récemment donné à Prague un concert composé d'airs de Mozart, et d'ajouter : « son interprète doit posséder beaucoup de qualités : une bonne technique, un excellent phrasé, une prononciation et une expression impeccables et, surtout, une Voix... Je chante aussi des airs que Mozart a composés pour Josefina Duskova. Pour moi, personne n'a encore rien composé. Mais je ne le regrette pas. La« musique du XXIe siècle » est difficile à apprendre et à interpréter. Alors pourquoi me compliquer la vie ? »
« Le film « Amadeus » de Milos Forman a le mérite d'avoir diffusé et popularisé la musique de Mozart ». C'est ce que prétend Zdenek Mahler, l'un des collaborateurs à la réalisation du célèbre film et grand connaisseur de Mozart, dans l'une des nombreuses interviews qu'il a accordées ces derniers temps. D'un autre côté, il avoue que, dans la vie réelle, le rapport entre Mozart et Salieri était bien différent de ce que montre le film, préconisant un conflit inconciliable entre un compositeur de génie et un compositeur moins doué. Il dit, je cite :« Après la mort de Mozart, son Requiem a été achevé par son disciple, Süsmayer. Les meilleurs musiciens et chanteurs se sont réunis pour son exécution, à Vienne. Le concert a été promu et dirigé par Antonio Salieri. On sait aussi que la commande du Requiem n'a pas été faite par un messager énigmatique et encore moins par Salieri, déguisé, mais par le comte Wallsseggk ».
Zdenek Mahler insiste sur ce qu'il faut différencier entre un acte créateur d'un côté et une étude historique de l'autre... « Prenez les drames de Shakespeare. Saurait-on dire qu'ils reflètent les vrais événements historiques ? », s'interroge-t-il en réaction aux arguments venant du champ des adversaires d'une telle « falsification » artistique. Parmi ceux-ci, citons Andreas Kröper, musicien auquel on doit une reconstruction de l'opéra « Zaïda », oeuvre inédite de Mozart. Dans les pages d'une récente édition du journal Lidove noviny, déjà mentionné, il a écrit :
« Il y a beaucoup de légendes qui entourent la vie de Mozart... Lorsque Milos Forman a décidé de les visualiser d'une manière aussi parfaite qu'il l'a faite en donnant au spectateur l'illusion de voyager dans le temps et de devenir le témoin de la vie de Mozart, il lui a rendu un mauvais service. En plus, il a humilié Antonio Salieri. L'affirmation que le film est une simple adaptation de la pièce de théâtre éponyme de Shaffer n'est qu'une faible excuse. L'intérêt que des masses de spectateurs ont voué au film n'a pu que confirmer que les gens sont toujours enclins à prêter oreille à des mensonges ».Ce qu'il faut faire, selon lui, lors de cette année « mozartienne, c'est présenter la large gamme des musiques et des oeuvres de Mozart et pas seulement celles qui sont de notoriété. Il s'agit aussi de faire remarquer que Mozart avait des opinions politiques authentiques, qu'il était à même de défendre les droits de l'homme, qu'il lisait des textes philosophiques et qu'il se rangeait parmi les figures les plus érudites de son époque... Traduire en tchèque l'ensemble des lettres de Mozart, voilà une tâche qui, selon Andreas Kröper, pourrait apporter plus d'informations vraies sur le grand compositeur.