Munitions pour l’Ukraine : un an après son investiture, le succès diplomatique du président Pavel
Le 9 mars 2023, l’ancien général de l’armée tchèque et ex-chef du Comité militaire de l’OTAN Petr Pavel était investi à la présidence de la Tchéquie : son élection a été pour beaucoup porteuse d’un espoir de changement après deux mandats de son prédécesseur, Miloš Zeman, jamais avare de controverses.
Récemment, des politologues tchèques ont constaté que si Petr Pavel s’était quelque peu retiré de la scène politique intérieure après un démarrage sur les chapeaux roues au cours des premiers mois de son mandat, il n’en va pas de même de la politique étrangère.
Loin de l’époque de son prédécesseur Miloš Zeman qui créait la polémique en privilégiant les relations avec Moscou et Pékin, le mandat présidentiel tel qu’envisagé par Petr Pavel a été dès le départ placé sous des principes clairs : orientation pro-européenne, pro-OTAN et, dans le contexte actuel, soutien réitéré et inconditionnel à l’Ukraine.
Preuve que cet engagement n’a pas été oublié en cours de route, et quelque protocolaire que soit en réalité la fonction présidentielle en Tchéquie : l’annonce faite par Petr Pavel en février à la 60e conférence sur la sécurité de Munich, de l’identification de centaines de milliers de munitions à acheter à des pays hors UE pour les livrer à l’Ukraine.
Les semaines suivantes ont été fructueuses pour le chef de l’Etat tchèque qui a vu le nombre d’Etats européens se rallier à son initiative et prêts à financer cet achat mutualisé, s’accroître de jours en jours. Même la France, auparavant réticente à acheter du matériel militaire pour l’Ukraine hors d’Europe, a décidé de participer au projet, le président Emmanuel Macron annonçant le 5 mars, à Prague, aux côtés de son homologue tchèque, que Paris contribuerait à l’effort collectif.
Sur les 800 000 obus d’artillerie envisagés pour l’Ukraine, 300 000 ont déjà trouvé un financement, alors que l’initiative est soutenue par 18 pays participant en tout. Si les autorités tchèques n’ont jamais dévoilé le montant total estimé ni les pays tiers auprès desquels la Tchéquie prévoyait cet achat, le Financial Times rapportait récemment que ce dernier s’élèverait à 1,5 milliard de dollars (environ 35 milliards de couronnes).
Dans tous les cas, cette initiative présidentielle, épaulée par l’aide militaire du gouvernement tchèque à l’Ukraine dès le déclenchement de l’agression russe le 24 février 2022, apparaît comme un moment fort du mandat de Petr Pavel mais aussi comme un moment important pour la Tchéquie tout court, comme le relève la journaliste tchèque Kateřina Šafaříková :
« Je considère cet achat comme un moment diplomatique majeur car il arrive à un bon moment. La quantité d’armes et de munitions va être décisive pour la situation sur le champ de bataille : c’est ce que disent les Ukrainiens eux-mêmes. Ensuite, cette initiative est quelque chose qui est partagé en Tchéquie : non seulement par l’entourage du président de la République, mais aussi en coopération avec le gouvernement tchèque. Donc c’est quelque chose de partagé par l’exécutif et par la population tchèque. On voit bien que les dons continuent, les collectes publiques également. Ça a commencé après l’attaque russe contre l’Ukraine et ça continue aujourd’hui. On se souvient bien que l’ancien président Václav Havel avait, lui aussi, lancé plusieurs initiatives en faveur des dissidents et autres défenseurs des droits de l’Homme à l’étranger. Mais c’était souvent des initiatives individuelles, en solo car Václav Havel était souvent contesté par le gouvernement en place à l’époque ou c’était des initiatives qui n’étaient pas forcément partagées par le grand public. Or ici, c’est le cas. Donc oui, je pense que l’on peut appeler cela un succès diplomatique majeur. »
Et de rappeler dans un commentaire publié sur le site Aktualne.cz que, par rapport aux partenaires internationaux, comme vis-à-vis de l’opinion publique tchèque, il s’agit également pour la Tchéquie de son moment diplomatique le plus important depuis son entrée dans l’Union européenne il y a 20 ans et depuis son adhésion à l’OTAN il y a 25 ans.
