Natif de Bohême du Nord, Ferdinand Porsche, un inventeur en avance d’un siècle sur son temps
Désigné Ingénieur automobile du siècle en 1999, inspirateur des légendaires Volkswagen Coccinelle et autres modèles 356 et 911 de la marque qui porte son nom, Ferdinand Porsche est né en Bohême du Nord. Radio Prague International vous retrace les grandes lignes de l’histoire fascinante d’un homme de génie dont le parcours de vie a toutefois été assombri par la collaboration avec le régime nazi.
Ferdinand Porsche (nom que les Tchèques prononcent « porché ») est né le 3 septembre 1875 à Vratislavice, un ancien village du royaume de Bohême qui est aujourd’hui un district de la ville de Liberec. Son père Anton était un artisan installé à son propre compte engagé dans la vie administrative et culturelle locale. Un plombler ferblantier qui aurait aimé voir son fiston poursuivre et reprendre l’activité familiale si ce dernier n’avait pas eu d’autres centres d’intérêt.
Enfant très doué, tant intellectuellement que manuellement, Ferdinand est en effet attiré par un autre monde que celui de l’atelier de son paternel : lui, ce sont les innovations qui révolutionnent la société de la fin du XIXe siècle qui le passionnent, comme le confirme l’historien Lukáš Nachtmann, responsable des archives du constructeur automobile Škoda Auto, la société qui s’occupe aujourd’hui de la maison natale de Porsche, la première dans le village à avoir été équipée de l’électricité :
« La technique l’a intéressé dès son plus jeune âge. Le jeune Ferdinand met au point diverses améliorations techniques chez lui qui surprennent parfois ses parents et ne leur plaisent d’ailleurs pas toujours. Mais lorsque, par exemple, à 15 ans, il parvient à installer l’électricité dans la maison grâce à une génératrice et qu’il leur devient possible d’éclairer avec un interrupteur, son père ne fait pas obstacle à son génie. Il comprend que c’est cette voie et pas une autre qu’il doit suivre. »
Avant que son père ne le laisse ainsi partir tenter sa chance dans le grand monde à Vienne, capitale d’un Empire dont la Bohême et la Moravie font encore partie, Ferdinand se lance d’abord dans les études à l’École technique impériale de Liberec. Où il ne reste toutefois pas bien longtemps.
À l’âge de dix-huit ans, Porsche est engagé comme apprenti dans une grande compagnie d’électricité à Vienne. L’autodictate en mécanique qu’il est gravit un à un les échelons de l’entreprise tout en assistant parallèlement aux cours d’électrotechnique à l’université pendant son temps libre.
En 1898, Porsche reçoit une offre de Jacob-Lohner & Comp., un constructeur automobile de luxe fournisseur de la cour impériale qui a besoin d’un moteur électrique pour un nouveau véhicule. Un projet qui enthousiasme tout particulièrement Ferdinand Porsche.
Celui-ci présente alors un concept appelé « système Lohner-Porsche ». Un prototype dans lequel chacune des roues avant est équipée d’un moteur électrique de 2,5 chevaux et pour lequel Ferdinand Porsche dépose un brevet. Très vite, cette innovation attire l’attention des médias et du public. Non seulement la voiture bat plusieurs records de vitesse, mais son vif succès est accentué par sa présentation à l’Exposition universelle de 1900 à Paris, où elle remporte une médaille d’or. Et même si le concept des voitures propulsées par un moteur à combustion finit par s’imposer, il n’est pas exagéré, cent-vingt-cinq ans plus tard, d’affirmer que Porsche était en avance sur son temps de près d’un siècle avec son idée de voiture hybride.
Cependant, la carrière de Ferdinand Porsche ne prend véritablement son envol qu’après la Première Guerre mondiale en Allemagne, lorsqu’il rejoint la société Daimler à Stuttgart en qualité de directeur technique et concepteur en chef. Au début des années 1930, il fonde son propre bureau d’études, qui conçoit et vend des solutions techniques à d’autres entreprises.
C’est là que voit le jour le concept de « la voiture du peuple » (le sens d’origine du mot « Volkswagen »), qui devait coûter moins de mille marks. Bien que la production ne démarre qu’au début de la Seconde Guerre mondiale, cette idée a ensuite donné naissance à l’une des voitures les plus emblématiques du XXe siècle : la VW Coccinelle.
Ferry, le fils de Ferdinand Porsche, a hérité du talent technique et de l’imagination de son père, mais s’est, lui, concentré sur les voitures de sport. Ainsi, la Porsche 911, autre grande voiture à avoir marquer son siècle, est le fruit de son travail.
Le livre de la vie et de la carrière de Ferdinand Porsche possède néanmoins aussi d’autres chapitres moins glorieux, dont certaines pages sont même particulièrement sombres.
Dans les années 1930, il répond à un appel d’offres de son admirateur Adolf Hitler et rejoint les rangs du NSDAP. Il collabore alors activement avec le parti nazi dans le développement de cette fameuse voiture du peuple qui devient un objet de propagande et, plus tard, des véhicules militaires. Membres des SS, coordinateur de l’effort de guerre industriel du IIIe Reich, notamment dans les usines Peugeot à Sochaux en France occupée, il atteint le grade de SS-Oberführer. Autant de faits que l’historien Lukas Nachtmann ne relativise pas, même si ses propos peuvent surprendre :
« Chaque époque est différente et si quelqu’un veut vivre, travailler et continuer à faire ce qui l’intéresse, il doit parfois s’adapter à la réalité de cette époque. Cela a été le cas de Ferdinand Porsche. C’était un professionnel, un génie qui voulait mettre ses idées en pratique. Il a collaboré avec le régime qui régnait en Allemagne à l’époque et cela a nui à sa réputation. Mais ce régime lui a offert une opportunité et lui l’a saisie. »
Après la guerre, Ferdinand Porsche, alors âgé de 70 ans, est invité avec son fils en France pour visiter les usines Renault et participer à la relance de l’industrie automobile. Arrêté au motif de crime de guerre par les autorités françaises et placé en prison, il est finalement libéré en 1947 après le règlement d’une caution d’un million de francs par l’homme d’affaires et constructeur automobile italien Pierro Dusio, un ancien footballeur de la Juventus ami du fils Porsche.
Ferdinand repart vivre en Autriche et meurt subitement, terrassé par l’émotion, lors d’une visite sur le site historique de Porsche à Stuttgart, en 1951. Une époque où les ventes de la Coccinelle de Volkswagen deviennent un vaste succès commercial. L’héritage le plus significatif de Ferdinand Porsche est peut-être le fait que la production a duré soixante-cinq ans, jusqu’en 2003, avec près de 22 millions de modèles vendus.
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