Nikola Brabenec, une « enfant de la Charte »
Quinze ans après la Révolution de velours, le paysage politique de la République tchèque a évidemment changé, mais il n'est pas le seul. Le visage du pays se transforme et un de ses traits les plus caractéristiques est le retour des enfants d'émigrés, bilingues pour la plupart et dont la vision diffère de celle des Tchèques qui sont restés, tout en ayant une vraie compréhension du pays. Parmi eux, on trouve souvent des enfants de dissidents...
Nikola Brabenec a 25 ans et vit à Prague. Elle est la fille de Vratislav Brabenec, saxophoniste du groupe dissident Plastic People of the Universe et signataire de la Charte 77. Voilà ce qu'elle m'a répondu lorsque je lui ai demandé si elle avait conscience de cette situation d' « enfant de la Charte », notamment en tant qu'enfant et adolescente :
« Pas vraiment, parce que j'ai grandi au Canada, où nous sommes arrivés quand j'avais trois ou quatre ans. Je savais que nous venions de Tchécoslovaquie, je savais que mon père jouait de la musique avec un groupe qui s'appelait Plastic People, je savais ça, j'ai eu l'occasion d'entendre leur musique à la maison où il jouait avec des amis, mais pour moi c'était du bruit ! En tant qu'adolescente, j'ai commencé à comprendre plus, mais je me rappelle qu'on parlait avec un ami, je lui ai fait part de détails, et puis, il est allé regarder sur le net, et il était fasciné ! Il m'a dit 'Oh, est-ce que je peux rencontrer ton père ?' Je suis vraiment devenue consciente quand je suis venue pour la première fois en République tchèque, à dix-huit ans. »
Et puis, il y a eu 1989... Nikola avait 10 ans. Je lui ai demandé si elle se souvenait de cet événement et comment elle l'avait vécu.
« Je me souviens d'un jour concret. On venait de déménager sur la côte Ouest, et je regardais la télé et soudain j'ai vu les drapeaux tchèques et les gens. Ca, c'est ma seule image de la Révolution. Je sais que beaucoup de gens nous appelaient depuis la Tchécoslovaquie. J'ai entendu parler d'une histoire, que quand notre famille a émigré, un ami de mon père lui a demandé : 'Quand vas-tu revenir ?', et mon père a répondu : 'Quand Karel Sidon sera rabbin de Prague.' Et l'ami de mon père l'a appelé et lui a dit : 'Alors, tu reviens ? Ca y est, c'est arrivé !' »
Enfant, la Révolution allait bouleverser sa vie : l'option du retour, comme pour tous les Tchèques qui avaient émigré, s'offrait à la famille. Certains ont pris le ballon au vol et sont revenus. Nikola est de ceux-ci mais comme elle l'explique, et comme nombre d'enfants de cette deuxième génération le confirment, cette situation d'entre-deux, si elle est une richesse, est parfois aussi difficile et ce sont les gens ou les événements autour d'elle qui décident également de l'endroit où elle reste. Si elle juge sévèrement les problèmes de corruption ou de bureaucratie, le racisme, ou n'a guère de compassion pour les nostalgiques de l'ancien régime, elle veille cependant à distinguer les anciens hauts fonctionnaires et les gens moins aisés qui souffrent des changements économiques brutaux.Quel est l'héritage de la Charte sur sa vie ?
« Je ne crois pas que les gens devraient faire des compromis sur des choses morales. Cet héritage, c'est la motivation que tu veux vivre avec des fondations morales et c'est aussi que tu t'intéresses à faire des choses qui sont bonnes pour la société, qui ne lui causent pas de dommages, d'essayer d'aider d'une façon ou d'une autre... »