Le long XIXe siècle habsbourgeois et les pays tchèques

François-Joseph 1er

Le thème des Habsbourg dans l'histoire tchèque est encore considéré comme un thème de confrontation. Une exposition intitulée "Le siècle habsbourgeois - Prague et les pays tchèques dans la monarchie danubienne 1791 - 1914," qui se prépare au palais Clam-Gallas, se propose d'étudier l'évolution compliquée des rapports réciproques sur presque 4 siècles. En effet, les pays tchèques faisaient partie de l'empire habsbourgeois depuis 1526. L'exposition est axée sur la période allant de 1791 jusqu'à l'éclatement de la monarchie, en 1914, le dit "long" XIXe siècle, qui a une importance-clé pour l'histoire européenne.

François-Joseph 1er
Le long XIXe siècle, comme on appelle la période entre la Grande révolution française et le début de la Première Guerre mondiale, est marquée par des processus de modernisation qui ont changé de manière drastique la vie du vieux continent. L'invention de la machine à vapeur et du moteur à combustion a raccourci les distances, l'éclairage a supprimé la différence entre le jour et la nuit, le télégraphe a accéléré la communication avec les régions éloignées et on pourrait ainsi continuer l'énumération. Non moins importants ont été les changements politiques et spirituels: sur les restes de l'ancienne division en états, la société civique moderne se formait, avec ses mouvements nationalistes. Des systèmes constitutionnels qui ont vu le jour ont fait participer à la vie politique des couches jusqu'alors sans droit.

Pour les pays tchèques, ces changements se déroulaient sous le sceptre des souverains de la dynastie habsbourgeoise-lorraine. La période de 1526 à 1914 était, jusqu'à un récent passé, décrite comme celle des ténèbres et du déclin. Le rapport tchèque avec la dynastie régnante était interprétée d'une façon déformée ou simplifiée. La dynastie était présentée comme un ennemi des intérêts nationaux tchèques. Le mouvement patriotique de la Renaissance nationale tchèque, lui, a été glorifié comme une force née uniquement dans le but de briser la monarchie. Or l'histoire n'était pas aussi simple, dit le docteur Vaclav Ledvinka, directeur des Archives de Prague dont le siège, le monumental palais baroque Clam-Gallas, accueillera l'exposition:

"L'exposition montrera pourquoi la monarchie austro-hongroise a fini par éclater. Elle montrera que c'était le résultat d'un processus historique qui a été logique mais pas du tout simple. A l'instar des personnalités de la Renaissance nationale tchèque telles que Frantisek Palacky, on documente le changement de leurs attitudes, depuis la loyauté envers la dynastie jusqu'à l'opposition. L'exposition veut apporter une image complète sur ce chapitre de notre histoire qu'on avait tendance à interpréter en noir et blanc, d'un extrême à l'autre. Elle ne veut pas être une glorification de la monarchie, mais elle ne veut pas non plus le présenter comme un empire du mal. Le siècle habsbourgeois n'a pas été que noir. D'autre part, si la vieille Autriche avait été un Etat idéal, pourquoi tous ces mouvements nationaux cherchant à se libérer, à en sortir?"

L'exposition qui se prépare essaiera de documenter, à l'aide d'objets exposés, la profonde trace laissée par le siècle autrichien dans la culture et la pensée tchèques. Le docteur Jiri Rak, l'un des auteurs de l'exposition, explique:

"L'exposition est conçue selon les différents thèmes présentant l'évolution du rapport entre les Tchèques et la monarchie austro-hongroise. Elle présentera l'art du portrait officiel - dont notamment celui de François Joseph 1er du peintre tchèque Frantisek Zenisek de 1894. La société tchèque du XIXe siècle était extrêmement sensible à la problématique de l'Etat, à chaque occasion elle soulignait la tradition historique de l'indépendance politique du royaume de Bohême. Pour cette raison, les artistes dotaient le portrait de l'empereur par l'attribut de la couronne de Saint-Venceslas, bien que celle-ci n'ait jamais reposée sur sa tête. L'exposition montrera ensuite la monarchie dans le domaine militaire et les objets d'usage quotidien. Pour nous même c'était une surprise de trouver dans des musées tchèques et moraves autant d'objets portant l'emblème de l'empire ou le portrait de l'empereur François-Joseph: verres, petits-pots... Ce motif apparaît sur les objets absolument impensables du point de vue actuel: sur une boîte d'aiguilles de phonographe par exemple. Il y a également un objet dont on ne croyait pas qu'il existait: après l'échec de l'espoir que l'empereur autrichien François-Joseph 1er soit couronné roi tchèque, on a édité, en signe de résistance, le texte du serment original que l'empereur devait prêter, sur un papier hygiénique...

Un certain aspect de confrontation de l'exposition résidera dans le fait qu'elle montrera que le divorce avec la monarchie se faisait pas à pas, progressivement. Elle montrera les grands de la culture tchèque dans un contexte inconnu. Elle essaiera de démentir que la Renaissance tchèque a vu le jour dans le seul et unique but de briser la monarchie. Non ce n'étaient pas les Tchèques qui l'ont brisé. L'attitude supranationale envers l'idée de la monarchie était la raison pour laquelle tous les mouvements nationaux en son sein s'éloignaient d'elle et souhaitaient sortir de cette union devenue à leurs yeux étrangère."