Absence du film tchèque à Cannes - honneur à la Nouvelle Vague tchèque des années 60 à Paris

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L'ouverture du festival à Cannes est très remarquée par la presse tchèque. Ceci en dépit du fait que le film tchèque, comme le veut hélas la tradition, ne soit pas présent dans la compétition. Une modeste participation tchèque est, pourtant, à retenir. Si c'est donc le rôle de Cendrillon qui incombe en quelque sorte au film tchèque à Cannes, celui-ci est en revanche honoré, pendant toute cette semaine, à Paris. Le Cinéma des cinéastes présente, pendant le mois de mai, tout ce qui vaut d'être vu de la Nouvelle Vague du cinéma tchèque des années 60. Avec une jolie surprise en plus : la liste des films qui ont tout pour attirer l'intérêt des cinéphiles est longue, plus longue peut-être que l'on est habitué à voir.

Emir Kusturica,  photo: CTK
Presque tous les quotidiens tchèques les plus lus accompagnent les articles consacrés à l'ouverture de la 58ème édition du Festival du film de Cannes d'une grande photo d'Emir Kusturica, qui préside cette année le jury et dont les films sont connus et très aimés, aussi, du public tchèque. Le réalisateur bosniaque possède encore un autre atout aux yeux des Tchèques : il a fait ses études à la prestigieuse école de cinéma de Prague, la FAMU.

Atom Egoyan, Jim Jarmusch, Gus Van Sant, Lars von Trier, Wim Wenders... La présence à Cannes de réalisateurs célèbres est un trait que mettent en relief tous les journaux nationaux. Eva Zaoralova, critique de cinéma et directrice artistique du Festival international du Film de Karlovy Vary, écrit dans les pages de MfDnes :

« Le festival est à ce point sûr de son retentissement mondial que, depuis trois ans, il n'est plus doté d'adjectif « international », s'appelant dorénavant, tout simplement, Festival de Cannes ». Elle n'oublie pas d'un autre côté d'ajouter que des films de plusieurs réalisateurs moins connus sont également en compétition.

Eva Zaoralova constate en outre que les films documentaires et d'animation sont absents, cette année, à Cannes. Et le fait qu'aucune femme ne figure dans la compétition est perçu par elle comme la plus grande curiosité de l'édition de cette année du Festival de Cannes.

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« Ce n'est pas très flatteur à l'égard du cinéma national, car il existe extraordinairement beaucoup de réalisatrices en France. En l'occurrence, la production française est très modestement représentée à Cannes, comparé aux années précédentes. Et encore, l'un des trois films français est signé par l'Autrichien Michael Haneke. »

« Trêve de politique, au Festival de Cannes », titre l'édition de mercredi du quotidien économique Hospodarske noviny.

Il informe ses lecteurs que parmi les 21 films sélectionnés cette année, on ne trouve aucun film qui renoue avec Farenheit 9/11, vainqueur de l'édition précédente...

La presse tchèque déplore pour la plupart l'absence de films tchèques, à Cannes. L'amertume n'est pas cependant partagée par Eva Zaoralova :

« On peut critiquer le fait que le film tchèque ne se soit pas imposé dans la compétition. Mais il faut réaliser que cela concerne aussi des créateurs d'autres pays européens, Hongrois, Polonais, Hollandais, Suisses, Espagnols, Portugais, Scandinaves...Plus alarmant est le fait que le film tchèque ne soit pas présenté hors concours, comme le sont les cinématographies hongroise, roumaine, japonaise, chinoise et autres ».

Eva Zaoralova tient dans ce contexte à expliquer qu'il ne s'agit là point d'un à priori négatif à l'égard du film tchèque ou de volonté de privilégier des cinématographies « en vogue ». Pour dissiper les doutes, elle recommande laconiquement à tous ceux qui ont une telle perception des choses d'aller voir les intéressants films venus d'Asie ou d'Amérique Latine.

Le quotidien Lidove noviny estime, quant à lui, que le film tchèque va se présenter dignement, à Cannes. Ceci par l'intermédiaire d'un stand commun tchéco-slovaco-polonais, destiné à la promotion et à la commercialisation des films de ces trois pays, situé dans le Village International. Le point fort, ce sera la présentation par le réalisateur Jiri Menzel de son nouveau projet, l'adaptation du roman de Bohumil Hrabal, J'ai servi le Roi d'Angleterre.

Pour les Trains étroitement surveillés, dont la musique nous accompagne dans ce programme, Jiri Menzel, a obtenu en 1967 l'Oscar du meilleur film étranger. Le film, qui est une adaptation d'un ouvrage de l'auteur fétiche du réalisateur, Bohumil Hrabal, fait partie d'une très intéressante collection de films tchèques qui sont projetés, pendant tout le mois de mai, au Cinéma des cinéastes, à Paris. Le panorama est consacré à ce que l'on a pris l'habitude d'appeler la Nouvelle Vague du cinéma tchèque des années soixante.

On y trouve des films qui ont fait la gloire à l'époque, dont Les amours d'une blonde de Milos Forman, Les Petite Marguerites de Vera Chytilova, Marketa Lazarova de Frantisek Vlacil, La Plaisanterie de Jaromil Jires d'après le roman éponyme de Milan Kundera, la Chronique morave de Vojtech Jasny ou Eclairage intime d'Ivan Passer.

La Cérémonie funèbre
A recommander aussi, des films qui sont moins connus, dont la Cérémonie funèbre de Zdenek Sirovy, qui conte l'histoire sinistre d'un paysan qui s'était opposé dans les années cinquante à la collectivisation. Le film a été interdit jusqu'à la chute du régime communiste, en 1989.

Martyres de l'amour de Jan Nemec, Vive la République de Karel Kachyna, Romance pour bugle d'Otakar Vavra, autant de titres et beaucoup d'autres encore qui témoignent d'une heureuse constellation de talents et du bon climat qu'a connu le film tchèque, dans les années soixante.

Des courts métrages et des films documentaires sont également présentés dans le cadre de cette rétrospective. A retenir notamment le film Jan 69, relatant l'atmosphère à Prague après l'autodafé de l'étudiant Jan Palach, accompli en protestation contre l'occupation de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques.

On notera pour finir que le Centre tchèque de Paris, rue Bonaparte, présente presque au même moment, soit du 18 mai au 23 juin, l'exposition Affiches de théâtre et de cinéma tchèque des années 60. Une période exceptionnellement favorable, aussi, pour l'art de l'affiche.