Le film d’animation tchèque « Dcera » dans la course pour la nomination aux Oscars
Deux films tchèques ont été présélectionnés, lundi, pour les nominations aux Oscars 2020 par l’Académie des arts et sciences du cinéma : le film de guerre Nabarvené ptáče (The Painted Bird) de Václav Marhoul dans la catégorie du meilleur film international et Dcera (La Fille) de Daria Kashcheeva, étudiante russe à la FAMU de Prague, dans celle du meilleur court-métrage d’animation. Film traitant de la relation père-fille, Dcera a déjà remporté l’Oscar étudiant et le Cristal du meilleur film de fin d’études au dernier festival d’Annecy. Daria Kashcheeva a évoqué ses films et son parcours au micro de Radio Prague International.
« C’est une histoire assez amusante. Je me préparais pour mes examens de fin de 1er cycle, enfin pas trop, parce que j’ai beaucoup voyagé avec ce film dans des festivals. A la veille de mon examen, j’ai reçu un coup de fil de Los Angeles. On m’annonçait que j’avais reçu l’Oscar étudiant ! Evidemment, cela a été une immense joie. Déjà, j’étais heureuse d’avoir été nominée. A vrai dire, je ne m’attendais pas à gagner, je ne pensais pas qu’un film de marionnettes puisse être autant remarqué en Amérique, où on préfère généralement l’animation 3D et le numérique. »
Vous avez tourné un film intimiste, émouvant et assez triste finalement puisqu’il traite d’une relation plutôt douloureuse entre une petite fille et son papa. Pourquoi un tel sujet ?
« Un film d’animation est long à réaliser, j’ai travaillé deux ans sur celui-ci. Je trouve important que le sujet soit suffisamment intéressant, qu’il me parle. Dans ce film, j’ai raconté ma propre histoire, le tournage a été comme une psychothérapie pour moi. A travers l’histoire de cette petite fille, je voulais faire passer le message qu’il est important de pardonner à ses parents. Leur pardonner les erreurs qu’ils ont commises, leur pardonner qu’ils n’ont peut-être pas été assez attentifs avec leurs enfants, souvent sans s’en rendre compte. Il faut comprendre qu’ainsi va la vie, que les parents peuvent commettre des erreurs tout en aimant leurs enfants. En fait, tous mes films portent un message personnel. »Vous avez tourné votre film caméra à l’épaule et les marionnettes sont fabriquées en papier mâché. Les grimaces, vous les avez dessinées et redessinées directement sur les visages des marionnettes que vous avez ensuite filmées comme des acteurs vivants. Pourquoi cette démarche ?
« Avoir la caméra à l’épaule a donné au film l’ambiance que j’avais imaginée. Quand je vois une fiction ou un documentaire tourné de cette manière, j’ai l’impression d’être vraiment ‘dans l’histoire’. Cela permet aux spectateurs d’être au plus près des personnages, de peut-être s’identifier avec eux. J’ai voulu procéder de la même manière en tournant un film d’animation. Evidemment, c’est une technique compliquée et lente, mais ça valait le coup, je pense. »
Vous êtes née au Tadjikistan avant de vivre à Moscou. Pourquoi avez-vous décidé, il y a cinq ans, de vous installer à Prague ? Était-ce une décision spontanée ?
« Non, les décisions de ce type ne sont pas faciles et ne se prennent pas spontanément. Je n’étais pas contente de ma vie à Moscou et j’avais aussi envie de changer de profession. Mon mari et moi avons ressenti ce besoin de changement. Nous avons choisi de faire nos études à la FAMU, parce que c’est une école de cinéma renommée. Et puis nous pouvions y étudier gratuitement, à condition de parler tchèque. (…) Aujourd’hui, quand je retourne de temps à autre à Moscou, je ne m’y sens plus très bien. C’est une ville tumultueuse et bondée. On y vit pour gagner de l’argent, ce qui crée une ambiance tendue qui me perturbe ne serait-ce que quand je me promène dans la rue. »Il y a quelques années, vous avez tourné un court-métrage sur la vie à Prague, intitulé Praha očima cizinců (Prague vue par les étrangers). Pourriez-vous nous parler de cette expérience ?
« Les gens que j’ai interrogés dans ce film sont mes amis. Voilà pourquoi ils m’ont parlé ouvertement de leur vie à Prague. J’ai compris que chaque personne avait sa propre expérience et sa propre opinion. Cette expérience est bonne ou moins bonne, cela dépend de la personnalité et des pensées, qu’elles soient positives ou négatives, de chacun. Là encore, ce film que j’ai tourné après avoir passé deux ans à Prague a été une sorte de psychothérapie pour moi. A l’époque, je n’avais pas encore décidé de rester ici et ce film m’a aidée à y voir un peu plus clair. »Le film Dcera – La Fille, de Daria Kashcheeva, fait partie des dix films présélectionnés pour les Oscars dans la catégorie du meilleur court-métrage d’animation. Les nominations seront annoncées le 13 janvier prochain, tandis que la remise des statuettes est prévue le 9 février. Avant cela, fin janvier, le film de Daria Kashcheeva sera présenté en compétition au prestigieux festival américain Sundance.