Disparition de Miroslav Liškutín, le "premier" pilote à avoir touché le sol français libéré
Il était l’avant-dernier pilote de chasse tchécoslovaque, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, encore en vie. Miroslav Liškutín est décédé lundi en Angleterre à l’âge de 98 ans. Au sein de la Royal Air Force, la RAF, il titularisait 131 vols et 465 heures de combat, notamment dans le ciel de France.
Son histoire, exceptionnelle, est celle de tous ces hommes et ces femmes qui ont refusé la passivité face à l’occupation allemande. En avril 1939, le jeune homme, qui suit une formation de pilote à Olomouc, quitte donc le Protectorat de Bohême-Moravie et rejoint la France au terme d’un périple à travers la Pologne, la Suède et le Royaume-Uni. Il s’engage au sein de la Légion étrangère et suit un entraînement de six semaines en Afrique du Nord. Quand la France tombe à son tour, il traverse à nouveau la Manche. En Angleterre, il a un avantage certain puisqu’il maîtrise déjà un peu l’anglais. C’est grâce à la radio qu’il avait appris la langue, comme il le racontait récemment à la Radio tchèque :
« Le programme s’appelait ‘Brno volá! Brno volá!’. C’était un professeur anglais qui enseignait l’anglais à l’université de Brno et chaque samedi, il diffusait ce programme de trente minutes. »
Voilà qui lui permet d’achever sa formation de pilote dans la RAF. « Je suis ici et j’exprime la gloire de Dieu. Le droit du peuple contre les nazis » : c’est armé de cette devise que Miroslav Liškutín s’envole en mission à partir du mois d’août 1941.Actif au sein du 145e escadron de la RAF, puis plus tard des 312e et 313e escadrons tchécoslovaques, il participe notamment au désastreux raid de Dieppe à l’été 1942. Deux ans plus tard, il est de l’opération Overlord. Comme le confirme Jiří Rajlich, chercheur à l’Institut d’histoire militaire, n’a sans doute pas usurpé ce titre de « héros de guerre » :
« En plus d’avoir abattu un certain nombre d’avions et de bombes volantes, il est parvenu à survivre à des situations très sérieuses. Une fois, il a dû sauter en parachute de son Spitfire devenu incontrôlable. Une autre fois, durant le débarquement, son appareil, touché par des canons antiaériens, s’est écrasé contre un arbre en Normandie. Et pourtant, il a réussi à survivre à tout cela. »
Cette mésaventure normande lui vaut la réputation d’avoir été l’un des premiers pilotes alliés à toucher le sol français. Après la guerre, il est de retour en Tchécoslovaquie. Mais, dans le viseur des autorités communistes après leur prise de pouvoir en 1948, il est contraint de revenir s’installer au Royaume-Uni. Il se marie avec une citoyenne britannique avec laquelle il a deux enfants, dont Miroslav Liškutín, qui se souvient :
« C’était assez traumatisant au début. Une fois qu’elle est revenue en Angleterre, ma mère devait pointer chaque semaine à la police comme une étrangère. Mon père, il fallait qu’il trouve du travail et il a donc été travailler à la cueillette des cerises. »Prague ne l’a pas oublié pour autant. En 2017, le président tchèque Miloš Zeman, en voyage à Londres, a distingué Miroslav Liškutín, en même temps que d’autres anciens engagés tchécoslovaques de la RAF, en le faisant général de brigade. Il ne reste désormais plus dans ce monde qu’un seul ancien pilote tchécoslovaque à avoir servi pour l’armée de l’air britannique. Il s’agit d’Emil Boček, qui fête ce dimanche son 95e printemps.