« Les Tchèques ont aujourd’hui une image plus objective de François-Joseph 1er »

L'empereur François Joseph 1er

Il y a cent ans de cela, le 21 novembre 1916, mourait François-Joseph 1er, empereur d’Autriche, roi de Hongrie, de Bohême et de Croatie. Au milieu d’une guerre, la première mondiale, qui aboutira au dépiéçage de l’Empire austro-hongrois et à son partage en sept Etats, parmi lesquels la nouvelle République tchécoslovaque, François-Joseph 1er s’éteint après un règne long de près de soixante-huit ans (quatre de plus qu’Elizabeth II actuellement à la tête du Royaume-Uni…). Un siècle plus tard, la question se pose de savoir quelle empreinte ce souverain symbole de la dynastie des Habsbourg au XIXe siècle a laissé dans les pays tchèques. Une question, parmi d’autres, à laquelle a répondu dans les studios de Radio Prague Václav Srb, président d’honneur de la Couronne tchèque, le parti monarchiste de Bohême, Moravie et Silésie :

Václav Srb,  photo: Štěpánka Budková
« Pour moi comme pour tous les monarchistes et leurs sympathisants, c’est un grand anniversaire. Il est temps de rétablir l’image de la dynastie des Habsbourg, qui fait partie intégrante de notre histoire, et ce sans l’idéaliser, car des erreurs ont été commises et il y a eu des aspects négatifs. Mais aussi sans la diaboliser et sans en donner une image unilatérale. »

Que représente aujourd’hui François-Joseph 1er pour les Tchèques ? Le centenaire de sa mort est commémoré en Autriche, beaucoup moins à Prague. Qu’est-ce que les Tchèques savent donc de leur ancien roi et de l’ancien empereur d’Autriche-Hongrie ?

« Pour nous, c’est d’abord et surtout effectivement un ancien roi de Bohême et margrave de la Moravie. Les Tchèques commencent à se souvenir des empereurs et de leurs rois. L’image de l’empereur et plus généralement de l’empire a été présentée d’une façon très unilatérale pendant des dizaines d’années, ce qui sous-entend surtout ses côtés négatifs, avec parfois même une diabolisation de la maison des Habsbourg. Cela était compréhensible dans l’atmosphère qui était celle de la création du nouvel Etat tchécoslovaque après la chute de la monarchie et la Grande Guerre. Mais c’est une perception des choses qui est assez éloignée de la réalité historique. Aujourd’hui, une image plus objective commence à apparaître dans les débats. Cette image a été découverte, ou redécouverte, après 1989, et ce pas seulement grâce aux efforts des monarchistes, car ceux-ci n’ont malheureusement pas encore une grande influence, mais plutôt grâce aux nombreux travaux et analyses des historiens. Il aura donc fallu attendre plusieurs décennies avant de voir réapparaître cette image plus objective de François Joseph 1er et de son époque. »

Et quelle est cette image objective ? Si on envisage les Pays tchèques au XIXe siècle, on pense d’abord au mouvement de l’Eveil national. Dans ce contexte, quel a été le rôle du personnage de François-Joseph ?

L'empereur François Joseph 1er
« L’Eveil national commence dans la première moitié du XIXe siècle. C’est aussi le début du très long règne de François-Joseph 1er. Pendant ses soixante-huit ans de règne, la nation tchèque a pu s’émanciper définitivement et devenir une nation moderne très évoluée avec son industrie et de grands progrès techniques et scientifiques. Cela a été possible aussi grâce à l’empereur qui a donné une Constitution à ses peuples en 1867. Cette Constitution a permis à la vie nationale de se développer. »

Quel rapport François-Joseph entretenait-il vis-à-vis des Tchèques ? Il faut rappeler que l’Autriche-Hongrie était un empire immense constitué de plusieurs peuples avec un certain nombre de tensions à l’intérieur...

« Je pense que l’empereur a fait de très gros efforts pour ne pas privilégier une nation plus qu’une autre. On peut même dire que François-Joseph détestait le nationalisme. Cela est tout à fait contraire à sa devise ‘Viribus Unitis’ – ‘Avec des Forces Unies’. Par exemple, lorsqu’il effectuait une visite à Prague, il partageait son temps à la minute près entre les Tchèques et les Allemands. S’il passait un quart d’heure dans un lycée tchèque, il passait un quart d’heure également dans un lycée allemand, etc. »

Nous étions dans un régime autoritaire, où tout était très cadré et régi par des lois. Les Tchèques aimaient-ils quand même leur empereur ?

L'empereur François Joseph 1er en 1891,  photo: Rudolf Bruner-Dvořák
« Oui, François-Joseph n’a pas été extrêmement populaire durant les premières années de son règne, durant la période que l’on peut qualifier de néo-absolutiste d’Alexander Bach (ministre de la justice puis de l'intérieur entre 1848 et 1859 qui a mis en place un contrôle centralisé et policier au début du règne de l'empereur, ndlr.). Mais il a progressivement gagné en popularité pour devenir le symbole de l’unité de l’Etat, et ce donc surtout après 1867. Et puis il ne faut pas oublier que dans ses dernières années, le régime est devenu un des plus libéraux avec la Constitution évoquée, mais aussi l’instauration du suffrage universel en 1907. On ne peut donc pas considérer l’ensemble du règne de François Joseph 1er comme une période d’absolutisme. »