Les mots de 2016 en République tchèque
Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague ! Le hasard, c’est bien connu, fait parfois bien les choses. Dans notre dernière rubrique, nous avions évoqué ce qu’est le « café pragois » - « pražská kavárna », une expression dont l’usage est devenu très fréquent ces derniers temps dans le débat politique et sociétal en République tchèque. Or, v’là-t’y pas que, quelques semaines plus tard, cette même « pražská kavárna » a été élue « mot de l’année 2016 en République tchèque » à l’issue de la traditionnelle enquête organisée par le quotidien Lidové noviny auprès de ses lecteurs…
Le plus souvent, le classement final des mots sélectionnés illustre quels thèmes d’actualité ou quels événements ont été, sinon les plus importants, au moins les plus marquants pour le grand public durant l’année écoulée. Et comme cela avait déjà été le cas les années précédentes, il n’en a pas été différemment en 2016. Et comme en 2015, Jiří Ovčáček, le porte-parole du président de la République, a souvent concentré l’attention sur sa personne, entre autres à travers l’usage de l’expression « café pragois ».
Dans un entretien accordé à la Télévision tchèque en septembre dernier, Jiří Ovčáček avait expliqué que, pour lui, la « pražská kavárna »était synonyme tout à la fois d’intolérance, de vulgarité ou encore de fondamentalisme. Le porte-parole du Château de Prague, un personnage très médiatique depuis l’élection de Miloš Zeman, n’avait même pas hésité à parler de « fascisation du café pragois ». Une définition volontairement provocatrice qui n’est bien entendu pas celle des principaux concernés, parmi lesquels Václav Srb, président d’honneur de la Couronne tchèque, le parti monarchiste de Bohême, Moravie et Silésie, pense pouvoir se compter :« Je pense que cela doit être une communauté de sympathisants, d’élèves ou d’héritiers de Václav Havel et de la révolution de velours. Ce sont tous ceux qui s’opposent au président actuel Miloš Zeman mais aussi tous ceux qui s’opposaient déjà au président précédent Václav Klaus. Cette expression a été inventée et elle est utilisée par leurs adversaires, qui en abusent même, c’est-à-dire donc les partisans de Miloš Zeman et de Václav Klaus. »
Le « café pragois » désigne donc péjorativement un certain milieu intellectuel ; une désignation à laquelle a largement recours l’actuel président Miloš Zeman, son entourage, et notamment donc un porte-parole dont la fonction porte bien son nom. Une « pražská kavárna » de laquelle certains, inversement, se réclament désormais avec une certaine fierté, en réaction précisément à l’usage fait de l’expression par le chef de l’Etat et ses proches. Václav Srb explique pourquoi :
« Je pense que cela n’existait pas auparavant, mais la réaction est qu’il y a désormais des gens qui affirment appartenir à ce café imaginaire. Ils sont contents d’être sur la liste des ‘kavárník’, à savoir des membres de cette ‘kavárna’. Mais c’est une invention, car ses ‘partisans’ ont des profils très divers. Le ‘café pragois’ n’est pas un groupe compact, contrairement à ses adversaires ou à ses critiques. Ce que je trouve dangereux, c’est qu’il y a souvent la même façon d’argumenter qu’à l’époque de la normalisation de la société sous le régime communiste. Les intellectuels sont désignés comme des gens qui ne travaillent pas, qui inventent des choses, n’aiment pas notre président et le critiquent. »Si cette « kavárna » est donc à prendre dans le sens d’établissement, voire de « café littéraire », à savoir un café qui sert de lieu de rencontre, de réunion à des écrivains, des artistes, des étudiants ou encore même des hommes politiques, en revanche sa qualification de « pražská » - « pragois », est quelque peu inexacte toujours selon Václav Srb :
« Ce que l’on appelle ‘le café pragois’ est plus vaste. Il n’existe pas seulement à Prague, mais aussi dans les autres grandes villes du pays, et pas seulement là d’ailleurs. Cette ‘kavárna’ est très présente notamment sur les réseaux sociaux. Personnellement, en tant que monarchiste, je ne suis partisan d’aucun président, mais je pense moi aussi figurer sur cette liste. Mais je précise que je n’ai rien fait pour cela… »Pour les Tchèques, ne serait-ce que les lecteurs du journal Lidové noviny, et ce qu’ils appartiennent ou non à ce « café pragois » imaginaire ou bien réel, les autres principaux mots de l’année ont été Brexit, Czechia – nouvel équivalent anglais de Česko et de Tchéquie en français, ou encore Trump, autant de thèmes ou de personnalités que nous avons évoqués dans nos émissions tout au long de l’année 2016 et qui ne nécessitent guère d’explications quant à leur choix…
« Czechia has marvellous people » - en français « La Tchéquie, une population merveilleuse » - est le titre qu’a d’ailleurs choisi, le plus sérieusement du monde, le ministère des Affaires étrangères pour son dernier clip vidéo promotionnel produit en neuf langues qui doit servir à faire la promotion à l’étranger de ce formidable pays qu’est la République tchèque, pardon la Tchéquie, ou la Czechia si vous préférez… (cf. : https://www.youtube.com/watch?v=TaLht6MGGDU).Les Tchèques étant des gens formidables, nous continuerons donc à nous intéresser à leur langue non moins merveilleuse tout au long de cette nouvelle année 2017… Prochain rendez-vous dans deux semaines. D’ici-là, portez-vous aussi du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !